L’élargissement des BRICS mènerait à la chute de l’influence occidentale et au déclin du dollar
Par AlAhed avec Sputnik
Alors que de plus en plus de pays expriment leur intérêt pour les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), les efforts conjoints du groupe pourraient fortement affaiblir l’influence occidentale et priver le dollar de son hégémonie, ont estimé des experts interrogés par l’agence russe Sputnik.
Outre l'Argentine, l'Algérie et l'Iran qui ont déjà officiellement déclaré leur intention de rejoindre les BRICS, une dizaine d’autres pays le souhaitent, indiquait en novembre le chef de la diplomatie russe.
Les effets probables d’un groupe agrandi sur la répartition des puissances mondiales ont été avancés par des analystes brésiliens dans une interview à Sputnik.
Le «déclin de l’Occident»
Ainsi, l'arrivée de nouveaux membres est censée transformer considérablement la configuration géopolitique mondiale et témoigner du déclin des empires européen et américain, a estimé Valdir Bezerra, membre du groupe d'études asiatiques et du groupe d'études des BRICS à l'université de São Paulo.
«Nous pouvons nous attendre à un affaiblissement de l'influence du leadership occidental (dirigé par les États-Unis et l'Europe) dans le contexte mondial et à une résistance accrue de la part des différentes civilisations, comme c’est le cas de la Chine, de l'Inde, de l'Afrique, de l'Amérique latine, de la Russie et du monde musulman lui-même», a-t-il expliqué.
Il ne s’agirait pas tout à fait d’un affrontement de civilisations, mais plutôt d’une lutte pour maintenir une pluralité des systèmes de valeurs, d’organisations sociales et de régimes politiques dans les relations internationales.
«Après tout, il s'agit peut-être d'une tentative de "leadership collectif" de ces civilisations représentées dans les BRICS, par opposition aux aspirations homogénéisées des nations riches d'Europe occidentale et d'Amérique du Nord», a précisé M. Bezerra.
D'autre part, l’Occident ne regarderait pas la montée des BRICS+ sans créer une sorte d'obstacle ou d'opposition pour tenter de protéger ses intérêts, selon lui.
«La réaction de l'Occident pourrait être d'entraver les réformes nécessaires dans les mécanismes traditionnels de la gouvernance mondiale, ce qui inclut la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, ainsi que d'agir au détriment du G7 dans une tentative de rester un "club" de pays responsables de l'élaboration de l'agenda économique mondial, par opposition aux intentions des BRICS», prédit-il.
Un défi pour le dollar
Ainsi, M. Bezerra a souligné que le meilleur moyen de contrer «l'hégémonie économique américaine» serait un règlement mutuel en monnaies nationales, ce qui ébranlerait l'importance du dollar.
Cependant, ce serait un processus lent.
Cet avis est partagé par Ana Prestes, doctorante en sciences politiques à l'université fédérale du Minas Gerais.
Les BRICS représentent un défi pour le dollar même à ce stade.
«C'est déjà une réalité dans le monde euroasiatique: l'utilisation de monnaies alternatives, le renforcement du yuan chinois, par exemple. C'est certainement déjà une réalité pour des BRICS renforcés et élargis. Ce sera un facteur important pour contester l'hégémonie du dollar», a-t-elle affirmé.
La chercheuse estime qu'il est possible de parler d'un monde unipolaire, c'est-à-dire où un pays peut être considéré comme hégémonique, uniquement s'il l'est dans tous les domaines, à savoir économique, politique, culturel et militaire.
Si au moins une des conditions n'est pas remplie, «on peut déjà parler d'un monde multipolaire, certes avec un poids inégal des différents pôles, mais multipolaire».
Les États-Unis sont l'hégémon sur le plan militaire, mais sur le plan économique, ils perdent du terrain face à la Chine.
Washington réagit ainsi au changement de conjoncture qui ne lui est pas favorable, selon elle.
«C'est le rapprochement des États-Unis avec le Japon, l'Australie, la Grande-Bretagne, et l'intensification de l'action en mer de Chine méridionale, cette activité à Taïwan... Ce sont des réactions. Même le format au détriment duquel l'Otan et l'UE sont engagées dans le conflit en Ukraine sont des formes de réactions au renforcement des autres pôles», a-t-elle conclu.