Birmanie : la junte procède aux premières exécutions capitales depuis des décennies
Par AFP
La junte birmane a procédé à l'exécution de quatre prisonniers, dont un ancien député du parti de l'ancienne dirigeante civile Aung San Suu Kyi, a indiqué lundi un média d'État, alors que la peine de mort n'avait plus été pratiquée depuis des décennies.
Les condamnés, parmi lesquels un militant actif pro-démocratie, avaient été accusés «d'actes de terreur brutaux et inhumains», selon le Global New Light of Myanmar. D'après le journal officiel, les exécutions ont suivi «les procédures de la prison», sans préciser ni comment ni quand elles ont été réalisées.
L'exécution par la junte birmane constitue «un acte de la plus grande cruauté», a réagi lundi l'ONG de défense des droits humains Human Rights Watch. «Les pays membres de l'Union européenne, les États-Unis et les autres gouvernements doivent montrer à la junte qu'il y aura des comptes à rendre pour ses crimes», a déclaré Elaine Pearson, directrice Asie de l'ONG, alors que le pays n'avait plus appliqué la peine de mort depuis plus de 30 ans.
Depuis le coup d'État militaire du 1er février 2021, la Birmanie a condamné à la peine de mort des dizaines d'opposants à la junte. Phyo Zeya Thaw, un ancien député du parti d'Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie, a été arrêté en novembre et condamné à la peine de mort en janvier pour avoir enfreint la loi antiterroriste. Ce pionnier du hip-hop en Birmanie, dont les paroles critiquaient déjà l'armée au début des années 2000, avait connu la prison en 2008 pour appartenance à une organisation illégale et possession de devises étrangères. Il avait obtenu un siège de député lors des élections de 2015, pendant la transition amorcée entre le pouvoir militaire et un gouvernement civil. La junte l'accusait d'avoir orchestré plusieurs attaques contre le régime, notamment une attaque contre un train dans laquelle cinq policiers avaient été tués en août dernier à Rangoun.
Kyaw Min Yu, 53 ans, dit «Jimmy», était un écrivain et opposant de longue date à l'armée, célèbre pour son rôle dans le soulèvement étudiant de 1988 contre la junte militaire de l'époque. Il avait été arrêté en octobre et condamné en janvier. Les deux autres prisonniers exécutés sont deux hommes accusés d'avoir tué une femme qu'ils soupçonnaient d'être une informatrice de la junte.
La junte avait fait savoir le mois dernier qu'elle entendait mener à bien ces exécutions, s'attirant une pluie de condamnations internationales. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres avait dénoncé «une violation flagrante du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes». La dernière exécution capitale en Birmanie remontait à 1988, selon un rapport d'experts des Nations unies de juin dernier, qui dénombrait 114 condamnations à mort depuis le coup d'État. Ces experts avaient souligné que la loi martiale accordait aux militaires la possibilité de prononcer la peine de mort pour 23 «infractions vagues et à la définition large», et en pratique pour toute critique contre le pouvoir. Ils avaient averti que les exécutions pourraient s'accélérer faute de réaction de la communauté internationale.