Après l’opération russe en Ukraine, le monde arabe craint pour son blé
Par AlAhed avec AFP
Pour nombre d'Egyptiens, de Libanais, de Yéménites ou d'autres arabes, la guerre entre la Russie et l'Ukraine pourrait vouloir dire moins de pain sur la table familiale. Car ces deux pays sont leurs premiers pourvoyeurs en blé.
Or, prévient le Middle East Institute, «si la guerre perturbe l'approvisionnement en blé» du monde arabe, fortement dépendant en importations alimentaires, «la crise pourrait déclencher de nouvelles manifestations et de l'instabilité dans plusieurs pays».
Le Soudan, qui voit ses réserves fondre depuis l'arrêt de l'aide internationale en rétorsion au putsch militaire fin 2021, semble déjà prendre les devants. Au moment où la guerre éclatait, le numéro deux soudanais était à Moscou pour discuter échanges commerciaux avec la Russie, premier exportateur mondial de blé. Car les généraux au pouvoir dans ce pays arabe d'Afrique du Nord-Est n'ont pas oublié: en 2019, l'un des leurs, le dictateur Omar el-Béchir était renversé sous la pression d'une révolte populaire née... du triplement du prix du pain.
La guerre affame aussi 12,4 millions de Syriens, selon le PAM. La Syrie dit qu'elle s'emploie maintenant à répartir les stocks pour les utiliser sur deux mois.
Le Liban voisin tiendra moins longtemps après l'effondrement du système bancaire qui a plongé 80% de la population dans la pauvreté et une explosion au port de Beyrouth qui a éventré les silos à céréales en août 2020.
Au Maghreb, où le blé est la base du couscous comme du pain, le Maroc a augmenté les subventions pour la farine à 350 millions d'euros et suspendu les droits de douane du blé. Un luxe que la Tunisie n'a plus. L'Algérie, elle, deuxième consommateur africain de blé et cinquième importateur mondial de céréales, annonce six mois de réserves.
Loin devant, l'Egypte est le premier importateur de blé au monde. Et le deuxième client de la Russie avec 3,5 millions de tonnes achetées jusqu'à mi-janvier, selon S&P Global. Et même si ces dernières années Le Caire a commencé à acheter ailleurs, notamment en Roumanie, en 2021, 50% de ses importations de blé venaient encore de Russie et 30% d'Ukraine. Cette semaine, le gouvernement a assuré avoir encore neuf mois de réserve pour nourrir les 103 millions d'habitants à la croissance démographique exponentielle, dont 70% bénéficient de cinq pains subventionnés par jour.