Burkina: le nouvel homme fort issu d’un putsch investi président
Par AlAhed avec AFP
Le nouvel homme fort du Burkina Faso, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, a été investi mercredi président par le Conseil constitutionnel, trois semaines après le coup d'Etat qui l'a porté au pouvoir et juste avant la redéfinition de la présence militaire internationale dans le Sahel.
«Je jure devant le peuple burkinabè (...) de préserver, de respecter, de faire respecter et de défendre la Constitution, l'acte fondamental et les lois» du Burkina, a déclaré M. Damiba en prêtant serment devant le Conseil lors d'une cérémonie retransmise par la télévision nationale.
Aucun dirigeant étranger n'a assisté à la cérémonie qui s'est tenue dans une petite salle du Conseil constitutionnel où seule la presse officielle a été admise.
Après sa prestation de serment, M. Damiba, vêtu d'un treillis militaire ceint d'une écharpe aux couleurs du Burkina, la tête coiffée d'un béret rouge, a prononcé un discours d'une dizaine de minutes, le deuxième seulement depuis sa prise de pouvoir.
Dans le sillage du Mali et du Niger, le Burkina Faso est pris depuis 2015 dans une spirale de violences attribuées à des mouvements terroristes, affiliés à «Al-Qaïda» et à «Daech», qui ont fait plus de 2.000 morts dans le pays et contraint au moins 1,5 million de personnes à fuir leurs foyers.
Rendant hommage au «peuple Burkinabè qui souffre dignement des affres du terrorisme depuis plus de six ans», il a appelé à «prendre collectivement conscience des efforts et des sacrifices à consentir».
Une minute de silence a été observée à la mémoire des victimes civiles et militaires des terroristes.
«En ces moments difficiles, notre pays n'a pas été abandonné par ses partenaires. Le Burkina Faso réitère sa disponibilité à travailler en toute souveraineté avec tous les partenaires dans le respect mutuel», a-t-il ajouté, alors que le Burkina Faso a été suspendu des instances de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédeao) et de l'Union africaine, sans autres sanctions pour l'instant.
Le lieutenant-colonel Damiba, 41 ans, a pris le pouvoir le 24 janvier à Ouagadougou après deux jours de mutineries dans plusieurs casernes du pays, renversant le président élu Roch Marc Christian Kaboré, accusé notamment de pas avoir réussi à contrer la violence terroriste qui frappe le Burkina depuis près de sept ans.
Il a mis en place une junte appelée Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) qui a pour priorité «la sécurité».
Mercredi, M. Damiba a assuré que «l'œuvre de refondation portée par le MPSR ne s'inscrit pas dans une logique révolutionnaire», martelant l'importance de «la valeur d'intégrité».
«Nous allons procéder à une dépolitisation systématique, méthodique et progressive de l'administration publique. Seules doivent prévaloir les compétences techniques et la probité», a-t-il déclaré.
Opérations de «Barkhane»
Plusieurs heures avant la prestation de serment, l'accès au Conseil constitutionnel était filtré par un important dispositif des forces de sécurité dressé dans un rayon de 100 m autour du siège de l'institution à Ouagadougou, a constaté un journaliste de l'AFP.
Le lieutenant-colonel Damiba a rapidement consulté les forces vives, partis politiques, syndicats et organisations de la société civile, plutôt indulgentes à son égard.
A la suite de ces consultations, M. Damiba a pris le 6 février un décret annonçant la création d'une commission composée de 15 membres en vue d'«élaborer un projet de charte et d'agenda, assorti d'une proposition de durée de la transition et des modalités de mise en œuvre» dans un «délai de deux semaines».
Mercredi, M. Damiba n'a donné aucune précision sur la durée de cette transition.
La Cédéao et l'Union africaine avaient demandé fin janvier à la junte un calendrier «raisonnable» pour le «retour à l'ordre constitutionnel» et la libération du président Kaboré renversé, qui se trouvait toujours mercredi en résidence surveillée dans une villa de Ouagadougou.
La prestation de serment de M. Damiba est intervenue à quelques heures de l'annonce par la France et ses partenaires européens de leur retrait du Mali voisin, en raison de l'attitude hostile à leur égard des militaires au pouvoir à Bamako, également issus d'un coup d'Etat.
Le lieutenant-colonel Damiba n'a pas pris position sur l'engagement militaire français et européen dans le Sahel, mais depuis qu'il est au pouvoir, la force française «Barkhane» a pu mener des «opérations anti- terroristes» au Burkina.
Il a remodelé les structures de la lutte anti-terroriste et s'est rendu récemment dans le nord de son pays, une région particulièrement affectée par les attaques.