Mali: huit ans après, l’armée française quitte Tombouctou
Par AlAhed avec AFP
D’ici quelques heures, les troupes françaises quitteront la base avancée de Tombouctou (Mali), qui sera rendue à l’armée malienne. Un départ symbolique, huit ans après le début de l’intervention française dans la région.
Le 2 février 2013, c’est depuis Tombouctou que François Hollande avait pris la parole, quelques jours après le parachutage de légionnaires à proximité de la ville, tout juste libérée après huit mois d’occupation par des rebelles terroristes. Aux côtés du président malien de l’époque, Dioncounda Traoré, François Hollande avait célébré la libération de la ville dans une ambiance de liesse.
À l’époque, la base militaire de Tombouctou n’existait pas, «on logeait dans les petites villas en dur en face du terminal» de l’aéroport, décrit le sergent français Mathieu. Le soldat aux vingt années de service est de retour avec l’unité chargée de rendre la base aux Maliens. «La boucle est bouclée», sourit-il. En 2013, «la population nous acclamait quand on est arrivé», se souvient-il. Aujourd’hui, «ce n’est plus pareil, même si l’ambiance n’est pas non plus hostile».
À la libération triomphale de Tombouctou, qualifiée par Hollande de «plus beau jour de (sa) vie politique», ont succédé plusieurs mois de traque des terroristes dans les montagnes.
L’année suivante, l’opération «Serval» a muté en «Barkhane», avec un mandat étendu aux pays voisins.
Près de neuf ans plus tard, les groupes terroristes ont étendu leur influence dans les brousses sahéliennes tandis que Paris, qui fait face à une hostilité grandissante dans la région, a annoncé la réduction de son engagement au Sahel (de 5 100 hommes à 3 000 à l’horizon 2022).
Pour la France, qui assurait en 2013 qu’il n’y avait «pas de risque d’enlisement», le combat paraît encore long pour atteindre l’objectif énoncé alors de débusquer tous les terroristes. Pour de nombreux Tombouctiens interrogés par l’AFP, la présence dans la région de groupes terroristes liés à «Al-Qaïda», souvent des membres des mêmes communautés que les habitants, fait désormais partie du décor.
Une certaine «stabilité» est revenue dans les brousses, disent des responsables sécuritaires et des diplomates occidentaux. Une stabilité due à l’engagement français ou onusien, mais qui semble provenir au moins autant d’une acceptation de la participation d’acteurs non étatiques, euphémisme pour les extremistes, à la gouvernance locale, là où l’État n’est plus représenté, disent différents interlocuteurs sous couvert d’anonymat.
«Globalement positif»
Le nombre d’attaques contre les civils est au plus bas dans la région depuis 2015, année de la signature d’accords de paix entre Bamako et des groupes rebelles du nord, selon l’ONU.
Des réfugiés nomades qui avaient fui en Mauritanie et en Algérie sont revenus. Des écoles, fermées sous pression terroriste, ont pu rouvrir sous certaines conditions.
«Il y a eu un développement globalement positif», résume le chef à Tombouctou de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma), Ricardo Maia.
Aucun Occidental ne peut s’y rendre, sauf à être accompagné d’une forte escorte. Les services de l’État, présents en ville et soutenus par l’ONU, sont largement absents des campagnes.
Dans le camp de «Barkhane», un coq et deux poules errent dans la zone autrefois occupée par les forces spéciales françaises, estampillée «accès restreint». Les soldats font de la manutention dans les allées de latérite rouge.
Tréteaux, antennes satellites, panneau de basket, caisses de médicaments: tout doit être expédié vers Gao, principale base française du Sahel, qui, elle, reste ouverte.
Les Français laisseront derrière eux quelques tentes et de petits équipements pour les aviateurs maliens qui les remplaceront.
Le wi-fi a été débranché, livrant les derniers soldats français au même sort que les Tombouctiens: sans réseau ou presque, les antennes des opérateurs ayant été attaquées alentour par les terroristes.
En ville, malgré des accès de tension récurrents et souvent meurtriers, la vie suit son cours.
Les échoppes du grand marché sont autant de lieux de palabres.
L’église est ouverte aux fidèles, comme les mosquées millénaires qui font la renommée de la ville dite des 333 saints.
«Bien sûr, il y a les problèmes: le manque de travail, les problèmes de réseau, l’insécurité», explique Ali Ibrahim, étudiant en licence de droit de 26 ans. «Mais on est là, et on sera encore là demain, alors on vit avec!»