L’Allemagne entre dans l’après-Merkel avec un gouvernement tripartite inédit
Par AlAhed avec AFP
Le social-démocrate allemand Olaf Scholz a annoncé mercredi un accord pour prendre la tête du premier gouvernement post-Merkel, avec les Verts et les libéraux, une coalition inédite déjà confrontée à sa première crise avec la résurgence de la pandémie de Covid.
Près de deux mois après les élections législatives allemandes marquées par une débâcle historique pour le camp conservateur de la chancelière, Olaf Scholz s'apprête à lui succéder avec cette alliance hétéroclite sur le papier.
Ces trois formations, allant de la gauche pour les Verts, au centre-gauche pour les société-démocrates, à la droite avec les Libéraux, ont indiqué être tombées d'accord sur un «contrat» de coalition pour les quatre ans à venir à l'issue de plusieurs semaines de tractations.
Il fait la part belle à la protection de l'environnement, avec notamment une sortie «dans l'idéal» du charbon anticipée à 2030, contre 2038 auparavant.
«Le feu tricolore est là», a lancé devant la presse Olaf Scholz, en référence au nom donné à cette coalition du fait des couleurs politiques des trois partis (rouge, vert et jaune).
Jamais une telle combinaison politique n'a été au pouvoir dans l'Allemagne d'après-guerre.
Olaf Scholz «sera un chancelier fort», a promis le dirigeant du FDP, Christian Lindner.
A Washington, un porte-parole de la diplomatie américaine a déclaré que son pays était «impatient de travailler avec le nouveau gouvernement allemand sur nos objectifs de revitalisation du partenariat transatlantique, de renforcement de la coopération avec nos alliés au sein de l'Otan et d'ambition renouvelée dans nos relations avec l'Union européenne».
«Inquiétude, peur, incertitude»
Le nouvel exécutif, qui doit encore être confirmé à la Chambre des députés début décembre avant de pendre ses fonctions, n'aura toutefois droit à aucun répit. Il doit immédiatement gérer la crise sanitaire qui frappe de plein fouet la première économie européenne.
«La situation est sérieuse», a admis Olaf Scholz, 63 ans, alors que l'Allemagne craint une saturation des hôpitaux. Un milliard d'euros va d'ailleurs être débloqué en faveur du personnel soignant et aide-soignant.
«Nous allons prendre le gouvernement (...) à une période où il y a tant d'inquiétude, de peur et d'incertitude», a souligné le co-président des Verts Robert Habeck, promettant que «tout le nécessaire» sera fait pour briser la plus violente vague de contamination depuis l'apparition du virus dans le pays.
L'Allemagne va également «étudier» une éventuelle «extension» de l'obligation vaccinale, en vigueur dans l'armée et bientôt dans les établissements de soins. En revanche, la nouvelle coalition semble exclure dans l'immédiat toute idée de confinement national.
Parmi les mesures phares que le nouvel attelage veut également mettre en œuvre figurent le retour à la rigueur budgétaire dès 2023, la légalisation du cannabis et l'augmentation, chère aux sociaux-démocrates, du salaire minimum à 12 euros, contre 9,6 actuellement.
Tambour battant
L'Allemagne tourne ainsi la page des années Merkel, celle-ci n'assurant plus que la gestion des affaires courantes depuis un mois.
D'ores et déjà les Verts sont assurés d'accéder au ministère des Affaires étrangères ainsi que d'un «super» ministère du Climat et de l'Economie tandis que le FDP, très orthodoxe sur les comptes publics, détiendra le portefeuille des Finances.
L'accord de coalition a été ficelé à l'issue de négociations menées tambour battant.
La conclusion rapide d'un accord de gouvernement devrait rassurer les autres pays européens, inquiets après les législatives de voir l'Allemagne, poids lourd de l'UE, sans réel capitaine à bord.
Et ce, au moment où les Vingt-Sept affrontent une nouvelle crise majeure à leurs portes avec l'afflux orchestré par le Bélarus de milliers de migrants à la frontière avec la Pologne.
Olaf Scholz, rompu aux arcanes de la négociation, a déjà fait ses premiers pas sur la scène internationale en accompagnant Angela Merkel au sommet du G20 le mois dernier à Rome.
Pour la première fois depuis seize ans, le SPD, arrivé en tête avec 25,7 % des voix lors du scrutin législatif, va de nouveau diriger le gouvernement de la première économie européenne.
Fruit d'un compromis, le «contrat de coalition» a été mis au point en un temps record: le soir même des élections le 26 septembre, sociaux-démocrates, Verts et libéraux avaient manifesté leur volonté d'aller vite pour ne pas répéter le scénario de 2017 quand Angela Merkel avait mis plus de cinq mois à constituer son gouvernement, paralysant l'Europe.
Candidate malheureuse des écologistes à la chancellerie après une campagne ratée, Annalena Baerbock, 40 ans, devrait prendre la tête de la diplomatie allemande.
Le très important et prestigieux maroquin des Finances devrait quant à lui échoir au chef du FDP, Christian Lindner, 42 ans, tenant d'une ligne orthodoxe sur les déficits publics.
Robert Habeck devrait lui s'installer dans un «super ministère» du Climat et de l'Economie.