Crise avec Paris: Washington promet de passer des paroles aux actes
Par AlAhed avec AFP
Les Etats-Unis ont promis jeudi de passer des paroles aux «actes» pour surmonter la crise avec la France, tout en concédant, tout comme Paris, que cela prendrait du «temps».
Les deux pays sont en froid depuis l'annonce le 15 septembre par Washington d'un partenariat stratégique avec l'Australie et le Royaume-Uni, qui s'est soldé par l'annulation d'un mégacontrat de sous-marins français à Canberra.
Les présidents Joe Biden et Emmanuel Macron se sont expliqués mercredi, lors d'un entretien téléphonique, sans renouer pleinement les fils de la confiance.
«Nous reconnaissons que cela prendra du temps et beaucoup de travail», a admis le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken à l'issue d'un tête-à-tête avec son homologue français Jean-Yves Le Drian en marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York.
«Cela se traduira non seulement par des déclarations, mais aussi des actes», a-t-il assuré, visiblement affecté par cette poussée de fièvre entre les deux pays.
Francophone et francophile - il a vécu adolescent à Paris - Antony Blinken a été reçu en «ami» de la France en juin lors de sa première visite de secrétaire d'Etat dans ce pays. La relation entre les deux ministres était jusqu'ici cordiale et chaleureuse.
Jean-Yves Le Drian avait planté le décor dans les mêmes termes quelques heures plus tôt: la sortie de crise va prendre du «temps» et réclamer des «actes», a-t-il martelé dans un communiqué à l'issue de l'entretien entre les deux hommes.
La rencontre, qui a eu lieu dans les locaux de la mission diplomatique française auprès de l'ONU au 44e étage d'un immeuble new-yorkais a duré environ une heure. Elle s'est tenue dans la plus grande discrétion, à l'abri des micros et des caméras.
«Retour à la normale»
Depuis le début de la semaine, le ministre français, après avoir eu des mots très durs à l'égard des Etats-Unis, refusait tout entretien bilatéral avec son homologue.
Paris dénonce des méthodes d'un autre âge entre alliés, au sein de l'Otan comme en Indo-Pacifique, et réclame plus de respect pour les intérêts européens.
Joe Biden et Emmanuel Macron ont esquissé une détente mercredi, dans la crise diplomatique la plus grave entre ces deux alliés historiques depuis le «non» français à la guerre d'Irak en 2003.
Le président américain a semblé faire son mea-culpa en convenant que des «consultations ouvertes» auraient «permis d'éviter cette situation».
Il a concédé que la France et l'UE avaient un rôle à jouer en Indo-Pacifique pour contrer les ambitions chinoises, priorité numéro un des Etats-Unis.
Il a aussi souligné que la défense européenne avait toute sa place dans la «sécurité transatlantique», au côté de l'Otan, un signal politique fort en direction des pays de l'Est de l'Europe, qui comptent avant tout sur le parapluie américain face à leur voisin russe.
Joe Biden a dans la foulée émis l'espoir d'un «retour à la normale» dans la relation avec Paris. Mais le président Macron, lui-même bousculé par le retour du débat anti-atlantiste en France, à sept mois de la présidentielle, n'entend pas en rester à un communiqué.
«Contact étroit»
L'appel des deux chefs d'Etats n'était qu'une «première étape», a pointé Jean-Yves Le Drian. Ce qui s'est passé reste «grave» et nécessite des réponses concrètes, explique-t-on à Paris, en réfutant toute «réaction d'humeur».
Les deux présidents ont décidé d'engager des «consultations approfondies» entre les deux pays pour rétablir la «confiance». Ils doivent se retrouver fin octobre en Europe, où le président américain est attendu au sommet du G20 à Rome les 30 et 31.
A charge d'ici là pour leurs chefs de la diplomatie, qui ont convenu de maintenir un «contact étroit», de déblayer le terrain.
«L'objectif pour la France, au-delà des mots, c'est d'avoir des engagements concrets», relève Pierre Morcos, chercheur au Center for Strategic and International Studies (CSIS) à Washington.
Cela pourrait par exemple se traduire par une coopération en Indo-Pacifique dans «la sécurité maritime, la protection de l'environnement, le commerce», dit-il à l'AFP.
S'il a finalement rencontré Antony Blinken, Jean-Yves Le Drian a en revanche soigneusement évité les ministres des Affaires étrangères des deux autres protagonistes de la crise, le Royaume-Uni, qui a réclamé en vain une rencontre avec sa nouvelle ministre, et l'Australie.
Et si l'ambassadeur de France à Washington, rappelé en signe de protestation, doit retrouver la capitale fédérale la semaine prochaine, Canberra n'a toujours pas de date pour le retour du représentant français.