Afghanistan: les talibans dévoilent une partie de leur futur gouvernement, Washington le jugera sur ses actes
Par AlAhed avec AFP
Trois semaines après avoir pris le pouvoir en Afghanistan, les talibans ont dévoilé mardi une partie de leur futur gouvernement qui sera dirigé par Mohammad Hassan Akhund, un ancien proche de leur fondateur, le mollah Omar.
Abdul Ghani Baradar, le cofondateur de leur mouvement, devient numéro deux du régime. Le mollah Yaqoub, fils du mollah Omar, sera ministre de la Défense. Le numéro deux des talibans, Sirajuddin Haqqani – leader du réseau éponyme, historiquement proche d’«Al-Qaïda» – obtient le portefeuille de l’Intérieur.
«Nombre de ces nouveaux leaders étaient déjà importants dans les talibans d’avant le 11-Septembre, et figurent sur les listes de sanctions de l’ONU», a tweeté Bill Roggio, rédacteur en chef du Long War Journal (LWJ), un site américain consacré à «la guerre contre le terrorisme».
Leur Premier ministre, Mohammad Hassan Akhund, est selon lui connu pour avoir approuvé la destruction des bouddhas géants de Bamiyan (centre), célèbres statues du VIe siècle sculptées dans des falaises que les talibans ont dynamité en 2001.
«Le cabinet n’est pas complet», a précisé Zabihullah Mujahid lors d’une conférence de presse.
«Nous essayerons de prendre des gens venant d’autres régions du pays», a-t-il ajouté.
Ils n’ont pas nommé de femme dans l’équipe gouvernementale.
Coups de feu en l’air contre une manifestation à Kaboul
Le chef suprême des talibans, Hibatullah Akhundzada, dans une très rare intervention publique, a invité le nouveau gouvernement à «faire respecter la charia» dans le pays.
Le gouvernement fera en sorte d’installer «une paix, une prospérité et un développement durables», a-t-il ajouté en demandant à ses compatriotes de ne pas le quitter.
Le régime taliban «n’a de problème avec personne», a-t-il souligné, alors que plus de 120 000 Afghans se sont exilés ces dernières semaines.
Ces nominations sont intervenues après que des coups de feu en l’air ont été tirés mardi à Kaboul pour disperser une manifestation dénonçant notamment la violente répression des talibans dans le Panchir, où un mouvement de résistance s’est dressé contre eux.
Près d’une centaine de manifestants se sont rassemblés devant l’ambassade du Pakistan, dont ils dénoncent l’ingérence dans le pays à travers les talibans dont Islamabad est très proche.
Zabihullah Mudjahid a nié tout lien des talibans avec le Pakistan, pourtant dénoncé de longue date par la communauté internationale et l’ancien gouvernement afghan.
«Dire que la Pakistan aide les talibans, c’est de la propagande», a-t-il affirmé. «Nous ne permettons à aucun pays d’interférer» dans les affaires afghanes, a-t-il poursuivi.
Le chef des puissants services de renseignement militaires pakistanais, Faiz Hameed, était ce week-end à Kaboul, où il s’est très probablement entretenu avec des responsables talibans.
D’après l’Association afghane des journalistes indépendants (AIJA), 14 journalistes, afghans et étrangers, ont brièvement été détenus durant cette manifestation puis relâchés par les talibans.
Les États-Unis «préoccupés»
Comme première réaction au gouvernement taliban, les États-Unis se sont déclarés «préoccupés» mardi par la nomination de certains ministres talibans en Afghanistan, mais se sont déclarés prêts à juger le gouvernement «sur ses actes», et notamment sur sa disposition ou non à laisser les Afghans quitter le pays.
«Nous notons que la liste des noms annoncée est exclusivement composée d'individus membres des talibans ou de leurs proches alliés, et d'aucune femme. Nous sommes également préoccupés par les affiliations et les antécédents de certains de ces individus», a déclaré à Doha un porte-parole du département d'État.
«Cependant, nous jugerons les talibans sur leurs actes, pas sur leurs mots», a-t-il ajouté.
Les talibans font preuve de «pragmatisme»
Une ministre du Qatar a par ailleurs affirmé que les talibans avaient fait preuve de «pragmatisme» et devaient être jugés pour leurs actions de «dirigeants de facto» de l'Afghanistan.
Dans une interview exclusive à l'AFP enregistrée lundi soir --avant l'annonce mardi du nouveau gouvernement afghan--, la vice-ministre et porte-parole des Affaires étrangères, Lolwah al-Khater, a appelé la communauté internationale à rester constructive dans sa gestion de la crise, jugeant qu'il appartenait aux Afghans de décider de leur avenir.
«Ils ont montré une bonne dose de pragmatisme», a-t-elle déclaré. «Saisissons les opportunités qui se présentent et (...) mettons nos émotions de côté.»
Le Qatar est devenu un acteur incontournable de la crise, dans un rôle de médiateur neutre et influent. Il a en particulier accueilli les négociations conclues en 2020 entre les Etats-Unis de l'ex-président Donald Trump et les talibans, puis entre ces derniers et l'opposition afghane du président désormais déchu, Ashraf Ghani.
Il a ces derniers jours exhorté les talibans de respecter les requêtes occidentales, dont le respect des droits des femmes et la possibilité pour ceux qui le souhaitent de quitter le pays librement.