Liban: Hariri renonce à former un gouvernement, le pays davantage en crise
Par AlAhed avec agences
Le premier ministre désigné au Liban, Saad Hariri, a annoncé jeudi 15 juillet qu'il renonçait à former un gouvernement près de neuf mois après avoir été nommé et au moment où le pays est confronté à la pire crise socio-économique de son histoire. Dans les rues de la capitale libanaise, les manifestants sont descendus crier leur colère, donnant lieu à de violents affrontements avec l’armée.
Saad Hariri avait été désigné premier ministre en octobre 2020 mais n'a pas réussi à former une équipe censée lancer des réformes indispensables pour débloquer notamment des aides internationales cruciales. Il a indiqué jeudi à la presse avoir rencontré le président Michel Aoun qui avait réclamé des amendements à la liste du gouvernement, changements auxquels il était opposé. «Il est clair que la position (de Michel Aoun) n'a pas changé sur le sujet et que nous ne serons pas en mesure de nous mettre d'accord, a-t-il indiqué. C'est pourquoi je me suis excusé de ne pas pouvoir former le gouvernement, que Dieu aide le pays».
Quelques minutes après cette annonce, la livre libanaise connaissait «une dépréciation record» face au dollar. Des manifestants ont bloqué des rues près des quartiers majoritairement sunnites de Beyrouth après cette déclaration, incendiant des poubelles et des pneus. Des militaires ont été déployés et ont tiré en l'air pour tenter de disperser la foule, ont montré des images télévisées.
Aoun et Hariri ont plusieurs fois affiché leurs désaccords ces derniers mois, notamment au cour d'une passe d'armes publique en mars dernier après une énième rencontre qui avait viré aux accusations acerbes.
Les Etats-Unis ont jugé ce renoncement «décevant». L'abandon de Saad Hariri «est une nouvelle déception pour le peuple libanais», a affirmé dans un communiqué le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, jugeant «essentiel qu'un gouvernement engagé et capable de mener des réformes prioritaires soit maintenant formé».
S'exprimant devant la presse au siège des Nations unies à New York, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a dénoncé l'incapacité totale des dirigeants libanais à trouver une solution à la crise, qualifiant le renoncement de Saad Hariri d'épisode dramatique.
De son côté, le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a exprimé jeudi sa «grande déception» suite à la décision du Premier ministre libanais désigné, Saad Hariri, de démissionner.
«Les conséquences de la démission de Hariri peuvent être dangereuses pour l'avenir de la situation au Liban», a affirmé le chef de la Ligue arabe dans un communiqué.
Aboul Gheit a fait ces remarques depuis la ville américaine de New York où il participe à une session du Conseil de sécurité de l'ONU sur la Libye, selon le communiqué.
Il a tenu tous les hommes politiques libanais responsables d'une «telle détérioration de la situation» que le peuple libanais ne mérite pas, promettant que la Ligue arabe continuerait à soutenir le Liban dans cette étape cruciale de son histoire.
Premier anniversaire de l'explosion du port de Beyrouth
Trois fois premier ministre, Saad Hariri, avait été nommé Premier ministre le 22 octobre 2020, un an après sa chute sous la pression de la rue. Le gouvernement actuel, chargé des affaires courantes, avait démissionné après l'explosion dévastatrice du port de Beyrouth (plus de 200 morts, des milliers de blessés) le 4 août 2020, un coup de grâce pour une population déjà à genoux.
La gigantesque déflagration a été déclenchée par un incendie dans un entrepôt au port qui abritait des tonnes de nitrate d'ammonium stockées «sans mesures de précaution» de l'aveu même des autorités. Outre les plus de 200 morts, l'explosion a fait plus de 6.500 blessés et détruit des quartiers entiers de la capitale libanaise. Une enquête locale n'a toujours rien donné, aucun responsable n'ayant eu à rendre des comptes.
Avant Saad Hariri, Moustapha Adib, un diplomate peu connu du grand public nommé fin août pour former un gouvernement, avait lui aussi échoué face à la résistance des partis à sa proposition de cabinet.