Algérie: un nouveau Premier ministre pour tenter de juguler la crise économique
Par AlAhed avec AFP
Le ministre algérien des Finances, Aïmene Benabderrahmane, a été désigné mercredi Premier ministre, à la suite des récentes élections législatives marquées par une abstention historique, au moment où le pays traverse une grave crise socio-économique.
«Conformément aux dispositions de la Constitution, le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a nommé M. Aïmene Benabderrahmane comme Premier ministre», selon un communiqué de la présidence.
«Il est chargé de poursuivre les consultations avec les partis politiques et la société civile pour former le gouvernement dès que possible», ajoute le communiqué.
M. Benabderrahmane, 54 ans, occupait le fauteuil de grand argentier depuis un remaniement ministériel en juin 2020, après avoir été gouverneur de la Banque d'Algérie à partir de novembre 2019.
«Vous êtes qualifié pour la tâche à venir car ce qui nous attend est lié aux affaires économiques et sociales, et donc financières», a expliqué le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui lui a souhaité «de réussir comme vous avez réussi au poste de ministre des Finances».
A ce poste, M. Benabderrahmane a eu à faire face à une crise des liquidités et la dépréciation du dinar.
«Conditions difficiles»
Né le 30 août 1966 à Alger, le nouveau Premier ministre est relativement peu connu et sans grande expérience politique. Ce technocrate au visage rond, au crâne dégarni et à la fine moustache, est licencié en droit et diplômé de l'Ecole nationale d'administration (ENA) d'Alger et de l’Ecole des impôts de Clermont-Ferrand (centre de la France).
Depuis 1991, il a fait toute sa carrière aux finances, dans l'administration fiscale et à la banque centrale.
Son nom était mentionné parmi les favoris pour succéder à Abdelaziz Djerad.
Donné partant ces derniers jours, M. Djerad n'a pas réussi à redresser la première économie du Maghreb et la quatrième d'Afrique, qui repose essentiellement sur la rente pétrolière (plus de 90% de ses recettes extérieures).
En fonction depuis décembre 2019, M. Djerad, 67 ans, avait présenté sa démission et celle de son gouvernement après les législatives anticipées du 12 juin. Le président Tebboune l'avait chargé de gérer les affaires courantes.
Le chef de l'Etat l'a remercié pour avoir dirigé le gouvernement «dans des conditions difficiles», notamment en raison de la crise sanitaire.
Mais il n'avait pas caché ses critiques à l'encontre de M. Djerad, exprimant publiquement son insatisfaction devant l'inaction du gouvernement.
M. Benabderrahmane aura pour tâche prioritaire de former le gouvernement afin d'exécuter la «feuille de route» du président Tebboune, avant des élections locales prévues à l'automne.
M. Tebboune a exigé que le gouvernement soit «formé d'ici une semaine».
Le Premier ministre désigné est chargé de «mettre en œuvre efficacement le programme de renaissance du président de la République qui permettra à l'Algérie de réaliser le démarrage économique souhaité», a-t-il détaillé.
Il devra choisir son équipe parmi les partis arrivés en tête lors des dernières élections: le Front de libération nationale (FLN), ex-parti unique et principale formation du Parlement sortant, et ses alliés, ainsi qu'un groupe d'indépendants qui se sont ralliés au président Tebboune.
«Case départ»
En revanche, le principal parti d’inspiration Frères musulmans, le Mouvement de la société de la paix (MSP), arrivé troisième aux élections, ne participera pas au nouveau gouvernement, faute d'avoir obtenu satisfaction sur la nomination de ses ministres.
Après avoir réprimé le mouvement anti-régime du Hirak, le pouvoir est déterminé à reprendre la main, mais en ignorant les revendications de la rue: Etat de droit, transition démocratique, souveraineté populaire, justice indépendante.
«Retour à la case départ», a réagi Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH): «Du programme de (l'ex-président déchu) Bouteflika on arrive au programme de Tebboune qui visiblement est décidé à aller jusqu'au bout de sa +feuille de route+ malgré son échec confirmé lors de trois consultations électorales».
Le régime est ébranlé par une profonde crise politique depuis le soulèvement populaire de février 2019, comme en témoigne les taux d'abstention record des trois précédents scrutins nationaux (présidentielle de 2019, référendum constitutionnel de 2020 et législatives de 2021).
En outre, l'économie algérienne est lourdement et durablement impactée par la baisse des prix des hydrocarbures et les effets de la pandémie de Covid-19.
Ainsi le géant pétrolier algérien Sonatrach a réalisé un chiffre d'affaires à l'export en baisse de 39% par rapport à l'année précédente à cause de la pandémie de coronavirus, selon l'agence officielle APS.
Enfin, les autorités doivent faire face à une multiplication des conflits sociaux, alimentés par un taux de chômage élevé (15%) et une paupérisation de larges franges de la société.