Birmanie: tirs sur des manifestants, sanctions internationales contre la junte
Par AlAhed avec AFP
Les forces de sécurité ont ouvert le feu jeudi sur des manifestants, réunis en nombre dans les rues en Birmanie, la junte au pouvoir voyant de son côté ses intérêts financiers visés par des sanctions de Washington et de Londres.
Le Rapporteur spécial de l'ONU sur ce pays a demandé un sommet international d'urgence, jugeant trop lente et pas assez robuste la réponse internationale au coup d'Etat des généraux qui ont renversé le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi le 1er février.
Au lendemain d'une journée de «grève silencieuse» qui a paralysé plusieurs grandes villes, des manifestations pour la démocratie ont à nouveau été réprimées avec violence jeudi.
Dans l'Etat septentrional Kachin, des militaires arrivés à la rescousse ont tiré sur la foule massée devant un commissariat de police afin d'exiger la libération de contestataires qui s'étaient rassemblés à moto à l'aube. Bilan: au moins un mort, selon un habitant de la région.
A Hpa-An, la capitale de l'Etat Karen, dans le sud-est, des manifestants qui avaient tenté d'ériger des barricades avec des sacs de sable ont essuyé des dizaines de coups de feu de la part des policiers. «Un étudiant a été blessé, touché par une balle à la cuisse», a raconté à l'AFP un témoin.
A Rangoun, la capitale économique, les protestataires ont défilé en costumes traditionnels, là aussi avant le lever du soleil pour éviter la police. Certains ont brandi des panneaux sur lesquels on pouvait lire: «Dehors, le dictateur terroriste», d'après les médias locaux.
Des médecins et des infirmières grévistes, en blouse blanche, ont également manifesté au petit matin à Mandalay (centre).
A la tombée de la nuit, dans l'Etat Shan (est), quatre civils ont été tués par des tirs à «balles réelles» des forces de sécurité dans des quartiers d'habitation, a affirmé l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP), selon laquelle les violences ont au total fait 320 morts depuis le putsch.
Des conglomérats sanctionnés
Parallèlement, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont pris des mesures contre les deux principaux conglomérats qui sont aux mains des militaires birmans, après s'en être pris fin février, dans le cas de Londres, à des généraux dont le commandant en chef des forces armées Min Aung Hlaing.
L'objectif est d'«aider à tarir les sources de financement de leurs campagnes de répression contre des civils», a expliqué jeudi le chef de la diplomatie britannique Dominic Raab dans un communiqué annonçant des sanctions contre Myanmar Economic Holdings (MEHL).
Il a accusé ce groupe d'avoir été impliqué dans de «graves violations des droits de l'Homme» en finançant la campagne de «nettoyage ethnique» contre la minorité rohingya en 2017.
Washington a pour sa part sanctionné, outre MEHL, une autre structure détenue par l'armée, la Myanmar Economic Corporation.
«Les militaires contrôlent des parties importantes de l'économie du pays via ces deux holdings», notamment dans le commerce, les ressources naturelles, l'alcool, les cigarettes et les biens de consommation, a souligné le Trésor américain.
Le Rapporteur spécial de l'ONU sur la Birmanie a toutefois estimé que la communauté internationale n'allait pas assez loin, l'exhortant à réagir «immédiatement et vigoureusement».
Les sanctions ciblées imposées par certains Etats «n'ont pas coupé l'accès de la junte aux revenus qui contribuent à soutenir ses activités illégales et la lenteur de la diplomatie est en décalage avec l'ampleur de la crise», a déploré Tom Andrews.
L'Indonésie et Singapour ont quant à eux appelé jeudi la junte à renoncer à recourir aux armes létales.
Ces deux pays influents dans la région, ont cependant averti, par la voie de leurs ministres des Affaires étrangères, que les seules ingérences extérieures dans la crise birmane devraient être celles des Etats membres, aux côtés de la Birmanie, de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean).