Birmanie: l’ONU condamne les violences, la Chine appelle «à la désescalade»
Par AlAhed avec AFP
Dans le dossier birman, la Chine aussi durcit le ton. Pékin estime qu'«il est maintenant temps de procéder à la désescalade» en Birmanie et qu'«il est temps de dialoguer», a affirmé, mercredi 10 mars, l'ambassadeur chinois à l'ONU, Zhang Jun, après l'approbation par le Conseil de sécurité d'une déclaration condamnant pour la première fois la junte militaire.
«L'heure est à la diplomatie», a-t-il aussi souligné dans un communiqué, en affirmant que «la Chine avait participé à la négociation» organisée pendant six jours par le Royaume-Uni au sein du Conseil de sécurité pour cette déclaration «d'une manière constructive».
«Il est important que les membres du Conseil parlent d'une seule voix. Nous espérons que le message du Conseil sera de nature à améliorer la situation en Birmanie», a insisté le diplomate chinois.
«La communauté internationale devrait créer un environnement propice permettant aux parties concernées en Birmanie de régler les différends dans le cadre constitutionnel et juridique», a aussi fait valoir Zhang Jun.
Le Conseil de sécurité condamne «fermement la violence»
«Nous appuyons à cette fin les efforts diplomatiques et de médiation de l'Asean (l'Association des nations d'Asie du Sud-Est) et l'envoyée spéciale du secrétaire général» de l'ONU, la Suissesse Christine Schraner Burgener, a affirmé le diplomate.
«La politique d'amitié de la Chine envers la Birmanie est pour tout le peuple de la Birmanie. La Chine est prête à s'engager et à communiquer avec les parties concernées, et à jouer un rôle constructif pour atténuer la situation actuelle», a précisé l'ambassadeur chinois.
Dans sa déclaration, adoptée à l'unanimité des 15 membres, donc également par la Chine et la Russie, alliés traditionnels des généraux birmans, le Conseil de sécurité a condamné «fermement la violence contre des manifestants pacifiques, incluant des femmes, des jeunes, et des enfants» en Birmanie.
Il s'est aussi déclaré «profondément préoccupé par les restrictions imposées au personnel médical, à la société civile, aux membres des syndicats, aux journalistes et aux professionnels des médias».
L'organe exécutif des Nations unies s'en est aussi pris de manière inédite à l'armée qu'il appelle à «faire preuve de la plus grande retenue».
La junte poursuit la répression
Le Conseil demande aux parties de «chercher une solution pacifique» à la crise provoquée par le coup d'État du 1er février, dans ce texte rédigé par le Royaume-Uni, l'ancienne puissance coloniale, et obtenu par l'Agence France-Presse.
Il réclame en outre «la libération immédiate de toutes les personnes détenues arbitrairement», sans toutefois mentionner la possibilité de sanctions internationales.
Les États-Unis sont également intervenus, en instituant des sanctions contre deux enfants adultes du dirigeant de la junte qui s'est emparé du pouvoir, Min Aung Hlaing.
Aung Pyae Sone et Khin Thiri Thet Mon ont des intérêts dans des entreprises qui ont directement bénéficié «de la position de leur père et de son influence néfaste», a indiqué le département américain du Trésor, dans un communiqué.
Profitant des atermoiements jusqu'alors de la communauté internationale, qui recherchait avec difficulté ces derniers jours une position commune, la junte a de son côté poursuivi la répression.
Des policiers et des soldats ont ainsi été déployés en nombre mercredi autour de l'enceinte où réside le personnel ferroviaire de la gare Ma Hlwa Gone, dans l'est de Rangoun, la capitale économique.
La junte aurait recours à des «exécutions extrajudiciaires»
Amnesty International a dénoncé, jeudi des «exécutions extrajudiciaires» et le recours à des armes de guerre contre les manifestants pro-démocratie en Birmanie par la junte militaire à l'origine du coup d'État du 1er février.
L'organisation de défense des droits de l'homme a expliqué dans un communiqué avoir analysé 55 vidéos montrant que «la force létale est utilisée de manière planifiée, préméditée et coordonnée» par l'armée birmane.
Elles ont été filmées entre le 28 février et le 8 mars par des membres du public et des médias locaux dans plusieurs villes du pays, en ébullition depuis le putsch et l'arrestation de la cheffe du gouvernement civil Aung San Suu Kyi, avec des manifestations quotidiennes violemment réprimées.
«Ces techniques de l'armée birmane sont loin d'être nouvelles, mais leurs tueries n'avaient jusqu'ici jamais été retransmises en direct, visibles dans le monde entier», a souligné Joanne Mariner, directrice de la gestion de crise chez Amnesty.
«Il ne s'agit pas ici d'actions d'officiers débordés qui prennent de mauvaises décisions», a-t-elle ajouté.
«Ce sont des commandants impénitents déjà impliqués dans des crimes contre l'humanité qui déploient leurs troupes et méthodes meurtrières au grand jour», a-t-elle conclu.
Une des vidéos, publiée sur Facebook et datée du 28 février de la ville de Dawei (Sud), montre un soldat donner son fusil à un policier se trouvant à ses côtés. Ce dernier vise et tire, semblant provoquer une réaction de joie parmi les forces de l'ordre présentes.