Tunisie: poursuite de troubles nocturnes dans plusieurs villes
Par AlAhed avec AFP
Des heurts ont éclaté pour la quatrième nuit consécutive dans plusieurs villes de Tunisie, où des jeunes ont pris pour cible la police mobilisée pour faire respecter le couvre-feu lié à la pandémie de coronavirus et qui a répliqué avec des gaz lacrymogènes.
A Tunis, quelques centaines de jeunes ont jeté des pierres et quelques cocktails Molotov sur des policiers déployés en force, notamment dans plusieurs quartiers populaires dont la vaste cité d'Ettadhamen située en périphérie de la capitale. Les forces de l'ordre ont tiré d'importantes quantités de gaz lacrymogènes.
A Sfax, deuxième plus grande ville du pays, des protestataires ont incendié des pneus et coupé des routes.
Des heurts ont également eu lieu à Gafsa, où les habitants protestaient contre la destruction par les autorités d'un point de vente informel, a indiqué un autre correspondant.
Des échauffourées ont également éclaté au Kef, à Bizerte (nord) et Kasserine (centre-ouest), à Sousse et Monastir (centre-est), selon des médias locaux.
Le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Khaled Hayouni, avait préalablement fait état lundi de six cent trente-deux arrestations dans de nombreuses villes de Tunisie, n'était pas en mesure à ce stade de détailler les arrestations et dégâts survenus dans la nuit de lundi à mardi.
Le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Khaled Hayouni, a évoqué Lundi des groupes de jeunes âgés de 15 à 25 ans qui ont «brûlé des pneus et des poubelles afin d'entraver les mouvements des forces de sécurité».
De son côté, le porte-parole du ministère de la Défense, Mohamed Zekri, a annoncé dimanche soir que des unités militaires avaient été dépêchées dans les régions de Bizerte, Sousse, Kasserine et Siliana afin d’aider les forces de sécurité à contenir les manifestations nocturnes.
Lundi matin, au centre-ville de Tunis, des manifestants ont battu le pavé, réclamant la libération des personnes arrêtées ces derniers jours et dénonçant «la dérive totalitaire» des autorités. Des slogans exprimant des revendications sociales ont également été lancés, dénonçant notamment le chômage et la précarité grandissante de la population – plus particulièrement depuis la propagation de la pandémie de la Covid-19.
Par ailleurs, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a publié mardi un communiqué qui dénonce des mouvements nocturnes qui ont eu lieu dans différentes régions du pays.
La puissante centrale syndicale a rappelé que le droit de manifester pacifiquement est garanti par la Constitution du 27 janvier 2014. Elle a également insisté sur le fait que les jeunes manifestants devaient cesser d’organiser leurs manifestations pendant la nuit afin d’éviter les débordements, le pillage et les actes de vandalisme. Elle se dit «étonnée du silence des autorités» face à ces actes.
La concomitance des émeutes de ces dernières nuits, plus particulièrement celles de samedi à dimanche, ainsi que leur ampleur – elles se développent sur l’ensemble du territoire tunisien –, commence à susciter des interrogations. Certains y voient déjà un mouvement orchestré dans l'ombre, qui a pour objectif de manipuler une jeunesse frappée de plein fouet par le chômage. D’autres pointent du doigt «le silence intrigant» d’une politique «divisée et paralysée».
Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a publié de son côté un communiqué qui dénonce les «campagnes haineuses» dont sont victimes des journalistes qui ont couvert les événements survenus durant ces derniers jours de confinement total.
«Le syndicat tient le ministère de l'Intérieur pour responsable de la protection des correspondants travaillant pour les médias lors de la couverture des manifestations et des émeutes nocturnes et il lui demande de prendre toutes les mesures de protection vis-à-vis des journalistes victimes d'incitation et de menaces», peut-on lire dans le communiqué.
Le plus souvent, ces heurts éclatent dans des zones marginalisées et économiquement déclassées et surviennent alors que la situation politique du pays est très instable. En douze mois, la Tunisie a compté trois équipes gouvernementales menées respectivement par Habib Jemli, Elyes Fakhfakh et Hichem Mechichi. Le ministre de la Santé a changé à quatre reprises au beau milieu de la crise sanitaire liée à la Covid-19, le remaniement de samedi étant le dernier en date.
Pour de nombreux observateurs, la réponse des autorités doit être à la fois politique – le pays ayant besoin d’un cap – et économique, car la jeunesse tunisienne souffre d’un manque de perspectives et d’un chômage endémique.