Nagorny Karabakh: un accord de «cessez-le-feu total» entre Arménie et Azerbaïdjan
Par AlAhed avec AFP
Le premier ministre arménien Nikol Pashinyan a déclaré lundi 9 novembre au soir avoir signé un accord «douloureux» pour mettre fin aux combats dans le Haut-Karabakh.
Dans un communiqué posté dans la nuit de lundi à mardi sur sa page Facebook, il a indiqué: «J'ai signé une déclaration avec les présidents de Russie et d'Azerbaïdjan sur la fin de la guerre au Karabakh», qualifiant cette initiative «d'incroyablement douloureuse pour moi et pour notre peuple».
«Nous nous sommes battus jusqu'à la fin», a-t-il ajouté.
Dans la foulée, le Kremlin a également confirmé qu'un accord de «cessez-le-feu total» dans le Haut-Karabakh a été signé entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
«Le 9 novembre, le président de l'Azerbaïdjan (Ilham) Aliev, le premier ministre de l'Arménie (Nikol) Pachinian et le président de la fédération de Russie ont signé une déclaration annonçant un cessez-le-feu total et la fin de toutes les actions militaires dans la zone du conflit du Nagorny Karabakh à partir de minuit le 10 novembre heure de Moscou», a détaillé Vladimir Poutine, selon une déclaration diffusée dans la nuit de lundi à mardi aux médias.
Selon le président russe, les belligérants gardent au terme de cet accord «les positions qu'ils occupent».
Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a, lui, estimé que l'accord de fin des hostilités au Nagorny Karabakh était une «capitulation» de l'Arménie après six semaines de combats.
«Nous avons forcé (le Premier ministre arménien) à signer le document, cela revient à une capitulation, a-t-il déclaré à la télévision. J'avais dit qu'on chasserait (les Arméniens) de nos terres comme des chiens, et nous l'avons fait».
En Arménie, une foule de milliers de manifestants en colère s'est rassemblée aux abords du siège du gouvernement dès l'annonce de l'accord dans la nuit de lundi à mardi, et des centaines d'entre eux ont pénétré dans les locaux, brisant des vitres et saccageant des bureaux, selon un journaliste de l'AFP présent.
Selon Ilham Aliev, l'Azerbaïdjan reprend le contrôle de districts autour du Nagorny Karabakh, sorte de glacis de sécurité constitué par les Arméniens autour de la république autoproclamée depuis 30 ans.
Bakou a aussi conquis des territoires de la province séparatiste à proprement parler. Les terres encore sous contrôle arménien le restent, et un corridor les reliera à l'Arménie, selon M. Poutine.
Chute de Chouchi
Depuis la fin septembre, les combats les plus sanglants depuis près de 30 ans opposent séparatistes arméniens du Haut-Karabakh et armée azerbaïdjanaise.
L'Azerbaïdjan veut reprendre le contrôle de cette province qui a fait sécession et devenant de facto indépendante au début des années 1990, à l'issue d'une guerre qui a fait plus de 30.000 morts.
Peuplé aujourd'hui quasi exclusivement d'Arméniens, ce territoire était rattaché à l'Azerbaïdjan à l'époque soviétique mais est considéré par les deux pays comme une partie intégrante de leur histoire.
L'annonce d'un accord de fin des hostilités intervient alors que les forces azerbaïdjanaises affirmaient avoir pris Chouchi, ville stratégique à 15 kilomètres de la capitale séparatiste Stepanakert et située sur l'artère vitale reliant la république autoproclamée à son parrain arménien.
La chute de cette localité était considérée comme un tournant de la guerre.
«J'ai pris cette décision (de signer un accord de cessation des hostilités) après une analyse en profondeur de la situation militaire», a dit Nikol Pachinian sur Facebook, en référence aux avancées azerbaïdjanaises des six dernières semaines.
Selon lui, l'accord est «la meilleure des solutions dans la situation actuelle».
«Démission!», «traître à la Nation»
L'annonce en pleine nuit par le premier ministre arménien Nikol Pachinian d'un accord de cessez-le-feu au Nagorny-Karabakh consacrant la victoire militaire de l'Azerbaïdjan a été accueillie par des cris de rage et de dépit à Erevan.
Des groupes d'hommes en colère sont descendus dans les rues, marchant d'un pas vif en vociférant et envahissant la chaussée. «Nos soldats sont donc morts pour rien !».
Cris, insultes, invectives... Le Premier ministre était la principale cible de toute cette hargne: «Pachinian démission !», ont scandé des centaines d'émeutiers, rassemblés devant le siège du gouvernement, dont ils forcent peu après l'entrée.
Les manifestants se sont ensuite insérés à l'intérieur du chef-lieu du gouvernement, où des bagarres ont éclaté entre ceux qui voudraient cracher leur rage encore plus violemment contre le Premier ministre, qui n'est pas sur les lieux, et les autres qui tentent de les en empêcher en voulant protéger «cet immeuble qui appartient au peuple».
Quelques mètres plus loin, devant le Parlement, l'atmosphère était tout aussi tendue.
Le président du Parlement a été blessé, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux.
Des bureaux de députés, porte grande ouverte et feuilles à même le sol, ont été manifestement visités ou fouillés.
«Faites venir Pachinian, qu'il nous explique pourquoi sont morts nos enfants!», «il faut déchirer l'accord de cessez-le-feu», «nos généraux doivent prendre le pouvoir», «Poutine viens nous aider!», ont scandé les personnes présentes.
Vers 9h30 locales, la police arménienne a repris le contrôle du siège du gouvernement du Parlement à Erevan.
Scènes de liesse en Azerbaïdjan
De leur côté, les Azerbaïdjanais ont manifesté leur liesse de victoire.
Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a qualifié le Premier ministre arménien de «lâche» pour ne pas avoir signé la déclaration commune devant des caméras.