Erevan: Sans l’engagement actif de la Turquie, cette guerre n’aurait pas commencé
Par AFP
Le premier ministre arménien a accusé mardi la Turquie d'être responsable des hostilités au Nagorny Karabakh, alors qu'Ankara martelait encore son soutien à l'Azerbaïdjan dans le conflit qui l'oppose aux Arméniens. «Sans l'engagement actif de la Turquie, cette guerre n'aurait pas commencé» a déclaré Nikol Pachinian dans un entretien à l'AFP à Erevan, la capitale arménienne, jugeant que la décision de l'Azerbaïdjan «de déclencher la guerre a été motivée par le soutien total» d'Ankara.
La communauté internationale dans son ensemble, à l'exception notable de la Turquie qui soutient les opérations militaires azerbaïdjanaises, appelle les belligérants à retourner à la table des négociations. Le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu, en visite à Bakou, a appelé lui le monde à «soutenir» l'Azerbaïdjan, un pays turcophone musulman qu'Ankara encourage depuis la reprise des hostilités le 27 septembre à la reconquête militaire du Nagorny Karabakh. À contre-courant du reste du monde, il s'est ouvertement interrogé sur l'utilité d'un cessez-le-feu : «Que se passera-t-il après, l'Arménie sera-t-elle amenée à se retirer immédiatement des territoires azerbaïdjanais ?».
Le Nagorny Karabakh, majoritairement peuplé d'Arméniens chrétiens, a fait sécession de l'Azerbaïdjan à la chute de l'URSS, entraînant au début des années 1990 une guerre ayant fait 30.000 morts. Le front est quasiment gelé depuis un cessez-le-feu en 1994, malgré des heurts réguliers. M. Pachinian a réitéré enfin les accusations contre la Turquie sur l'envoi de combattants syriens pro-turcs participer aux hostilités. Le conflit doit dès lors être «perçu comme une guerre contre le terrorisme», a-t-il estimé.
«Menace inacceptable»
Paris, Moscou et Washington, médiateurs dans ce conflit depuis les années 1990, ont qualifié la veille la crise de «menace inacceptable pour la stabilité de la région». Le Kremlin a dénoncé mardi une situation qui se «dégrade». Une escalade pourrait avoir des conséquences imprévisibles, au vu du nombre des puissances en concurrence dans le Caucase: la Russie, la Turquie, l'Iran et les Occidentaux. Dans son entretien, le premier ministre arménien a, à demi-mot, mis garde l'Azerbaïdjan contre la tentation d'élargir le conflit au territoire de l'Arménie, rappelant qu'elle était liée par un traité d'alliance militaire au grand frère russe. «Je suis convaincu que, si la situation l'exige, la Russie remplira ses obligations» dans le cadre de leur alliance, a-t-il dit. Avant de préciser que l'Arménie serait prête à des concessions si l'Azerbaïdjan l'est aussi.
Bakou et Erevan se sont accusés ces derniers jours d'avoir multiplié à dessein les bombardements sur les zones urbaines habitées, notamment sur la capitale des indépendantistes, Stepanakert, et sur la deuxième ville d'Azerbaïdjan, Gandja. Les journalistes de l'AFP ont vu de nombreuses habitations détruites par les tirs de roquettes de part et d'autre. Après une matinée de calme à Stepanakert, les bombardements y ont repris en fin d'après-midi. Profitant du répit matinal, des habitants sont sortis de leurs abris pour se ravitailler et constater les dégâts. L'ONG Amnesty International a dénoncé l'usage dans les frappes contre Stepanakert de bombes à sous-munitions, interdites depuis 2010 par une convention internationale.
Côté azerbaïdjanais, des zones habitées sont aussi bombardées. Comme tous les jours depuis le 27 septembre, les deux camps ont affirmé infliger de lourdes pertes à l'ennemi, mais aucun belligérant ne semble avoir pris un avantage déterminant. Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, dont le pays riche en pétrole a beaucoup dépensé pour l'acquisition d'armements modernes, a juré de reprendre le Karabakh, excluant une trêve sans retrait militaire arménien de la région ni «excuses» de Nikol Pachinian. Le bilan de 286 morts depuis le début du conflit reste très partiel. L'Azerbaïdjan, qui n'annonce aucune perte parmi ses soldats, évoque la mort de 46 civils, tandis que le Karabakh a dénombré 240 militaires et 19 civils ayant perdu la vie. Bakou et Erevan disent cependant avoir tué respectivement 2300 et 3500 militaires ennemis et se rejettent la responsabilité des hostilités.