Nouveaux combats au Karabakh, la Turquie accusée d’attiser le conflit
Par AFP
Les combats entre Arméniens et Azerbaïdjanais sur le front du Nagorny Karabakh font rage vendredi 2 octobre, et les griefs se multiplient contre la Turquie, accusée d'avoir «franchi une ligne rouge» avec l'envoi de «jihadistes» en soutien à l'Azerbaïdjan.
Dans la nuit, les combats ont continué, chaque camp affirmant infliger des pertes importantes à l'autre. À Stepanakert, capitale du Karabakh, les habitants ont dû se mettre à l'abri plusieurs fois de crainte de bombardements, mais aucune partie ne semble avoir pris l'avantage.
Le président français Emmanuel Macron, qui entretient déjà des relations difficiles avec son homologue Recep Tayyip Erdogan a affirmé dans la nuit de jeudi à vendredi que 300 combattants «djihadistes» ont quitté la Syrie pour rejoindre l'Azerbaïdjan en passant par la Turquie. Une «ligne rouge» selon lui. La Russie avait fait état d'informations similaires, sans accuser cependant directement Ankara, avec qui elle a une relation compliquée mais pragmatique.
Le premier ministre arménien Nikol Pachinian a en outre accusé la partie turque d'être impliquée militairement dans le conflit au côté de l'Azerbaïdjan avec «des véhicules militaires, des armes, ainsi que des conseillers militaires» et en transportant des «milliers de mercenaires et de terroristes» vers le front du Karabakh, dans un entretien au Figaro.
Puissances en concurrence
Une intervention directe turque constituerait un tournant majeur et une internationalisation de ce conflit dans une région, le Caucase du Sud, où de multiples puissances sont en concurrence : Russie, Turquie, Iran, pays occidentaux...
Le Nagorny Karabakh, en majorité peuplé d'Arméniens, a fait sécession de l'Azerbaïdjan, entraînant une guerre au début des années 1990 qui avait fait 30.000 morts. Le front est quasi-gelé depuis malgré des heurts réguliers, notamment en 2016. Dimanche, les combats les plus meurtriers depuis des années ont repris, les deux camps s'accusant d'avoir provoqué les hostilités.
Depuis, l'Azerbaïdjan a juré de poursuivre ses opérations jusqu'à la reconquête du territoire ou au «retrait total» des Arméniens. Erevan et les autorités du Karabakh ont dit être tout aussi déterminés au combat. Les deux camps ont largement ignoré les appels de l'ensemble de la communauté internationale, à l'exception notable de la Turquie, de faire taire les armes, à l'instar d'une déclaration commune jeudi des présidents Emmanuel Macron, Vladimir Poutine et Donald Trump, dont les trois pays pilotent depuis le début des années 1990 la médiation de l'OSCE sur le Nagorny Karabakh.
Selon Moscou, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et son homologue turc Mevlut Cavusoglu ont convenu jeudi que leurs deux pays étaient prêts à une «coordination étroite pour stabiliser la situation» au Nagorny Karabakh. Ankara ne s'est cependant pas prononcé. La Russie entretient des relations cordiales avec les deux anciennes républiques soviétiques, mais elle est plus proche de l'Arménie qui appartient à une alliance militaire dominée par Moscou.
Revendications contradictoires
Le ministère de la Défense du Karabakh a jugé la nuit de jeudi à vendredi «plus calme» que les précédentes et indiqué que ses forces «continuaient d'infliger des pertes sérieuses à l'ennemi». Chouchane Stepanian, porte-parole de la Défense en Arménie, a assuré que l'armée azerbaïdjanaise «a échoué à percer les défenses arméniennes». Le ministère azerbaïdjanais a affirmé lui l'inverse, assurant avoir pris des positions, citant «les hauteurs de Madaguiz», dans le nord, et avoir forcé les Arméniens à la retraite dans «la direction Jebraïl-Fizouli», dans le sud.
Selon les bilans très partiels communiqués depuis dimanche, 190 personnes sont mortes : 158 soldats séparatistes, 13 civils arméniens, et 19 civils azerbaïdjanais. Bakou n'a toujours pas communiqué de pertes militaires. L'Arménie affirme ainsi que 1.280 soldats azerbaïdjanais sont morts, quand Bakou dit avoir tué au moins 1.900 militaires adverses.
Jeudi, la petite ville de Martouni, située à environ 25 kilomètres du front en territoire séparatiste, a essuyé ses plus graves tirs de roquettes depuis la reprise des hostilités. Quatre civils ont été tués, selon les séparatistes, et 11 personnes blessées, dont au moins deux journalistes français du quotidien Le Monde et deux autres arméniens.