Réactions poignantes après le licenciement de plus de 800 employés dont 150 infirmiers à l’AUBMC
Par AlAhed avec OLJ
Annoncés il y a un peu plus d’un mois par le président de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), Fadlo Khuri, les licenciements tant appréhendés au sein de l’établissement ont été mis à exécution hier. Une décision qui est quand même tombée comme un couperet sur 850 employés, dont 150 infirmiers qui, dans un contexte de crise aiguë, ont donné libre cours à leur détresse et leur peur de l’avenir.
Hier, devant l’American University of Beirut Medical Center, les réactions étaient poignantes. Des pères de famille se retrouvent ainsi sans source de revenus. Des jeunes ayant la charge de leurs parents aussi. Pour prévenir tout débordement, des éléments de l’armée et des Forces de sécurité intérieure (FSI) s’étaient déployés depuis midi devant l’hôpital. Mais ils ne sont pas intervenus, parce que plutôt qu’une émeute, c’est un sit-in étayé de protestations, pleurs et cris d’indignation qui s’est improvisé. Devant les caméras de télévision, un salarié raconte, la gorge nouée, que, bien qu’il soit atteint d’un cancer, il n’avait jamais présenté de rapport médical, ni demandé de congé médical.
«Je n’ai rien fait pour mériter ce sort», dit pour sa part une jeune femme en pleurs, indiquant que son père et son frère sont décédés et qu’elle est en charge de sa maman malade. À tour de rôle, des salariés licenciés indiquent que la nouvelle est tombée comme un coup de massue, dans une enveloppe renfermant leur notification.
M. Khuri n’étant pas joignable, le département de communication non plus, aucun détail officiel sur le nombre exact et les fonctions des employés licenciés, ni sur les modalités de licenciement, n’a pu être obtenu.
Le 12 juin dernier, le président de l’AUB avait prévenu qu’en raison de la crise économique inédite, plus de 20 % des 6 500 salariés de l’université et de l’hôpital (Centre médical de l’Université américaine de Beyrouth-AUBMC) qui lui est rattaché allaient être congédiés. M. Khuri avait réuni ce jour-là un groupe de journalistes pour leur apprendre que la veille, il avait eu un entretien avec le président de la République, Michel Aoun, au cours duquel il l’avait informé de la grave décision prise. Tout au long des trois dernières années, Fadlo Khuri, ainsi d’ailleurs que le recteur de l’Université Saint-Joseph, le père Salim Daccache, avaient à maintes reprises mis en garde les responsables de l’État contre l’impact économique de la crise sur leurs institutions, leur demandant en vain d’intervenir. Lors de sa rencontre avec les journalistes, M. Khuri avait fait part d’un plan social adopté parallèlement aux licenciements, en vertu duquel les employés pourront toucher leurs indemnités et bénéficier de soins de santé gratuits, tandis que ceux dont les enfants étudient actuellement à l’université poursuivront leurs études gratuitement et seront prioritaires en matière d’emploi au sein de l’institution.
150 infirmières et infirmiers
Selon des informations de sources concordantes obtenues par L’Orient-Le Jour, ce sont 850 employés qui ont été licenciés hier. Mais certaines sources ont avancé le chiffre de 650. Quels qu’ils soient, les deux chiffres sont inférieurs à la barre des 2 000 avancée il y a un mois. On ne sait pas si cela indique que seuls des employés de l’hôpital ont été remerciés en attendant les licenciements à l’université, ou s’il s’agit du nombre définitif des salariés congédiés tant de l’hôpital que de l’université. Selon une source proche du dossier interrogée par L’OLJ, le syndicat des employés de l’établissement avait fortement fustigé la mesure lorsqu’il en avait été informé, mais on ignore si sa pression a contribué à diminuer le nombre de licenciements. La même source indique que la mesure concerne des employés travaillant dans les départements tant administratifs qu’hospitaliers. Celle-ci a tardé à être mise en œuvre parce qu’elle aurait fait l’objet de pourparlers en vue d’obtenir une couverture politique.
Quant à la réaction de l’ordre des infirmières et infirmiers, elle n’a pas tardé à se manifester. Un communiqué a ainsi dénoncé «des licenciements abusifs et collectifs», mettant en garde contre «un saut dans l’inconnu». «Il s’agit d’un fait dangereux qui fait craindre une catastrophe dans le secteur de la santé», a averti l’ordre, appelant les responsables à «réveiller leur conscience pour trouver des solutions».
Jointe par L’Orient-Le Jour, la présidente de l’organisme, Myrna Doumit, confirme que le congédiement touche 150 membres du corps infirmier. «On licencie les infirmières et infirmiers alors qu’ils constituent la ligne de front dans la guerre sanitaire que nous vivons», s’indigne-t-elle, se demandant, à titre de comparaison, «si on aurait renvoyé des soldats en pleine guerre». «Nous sommes les soldats de la santé», martèle Mme Doumit, soulignant que le manque d’effectifs infirmiers dans les hôpitaux constitue «un grave danger pour les malades». Et de lancer : «Nous demandons aux responsables de déclarer un état d’urgence sanitaire national.»