Liban: Affrontements entre l’armée et des manifestants à Tripoli
Par AlAhed avec sites web
Des affrontements ont eu lieu lundi soir à Tripoli (nord du Liban) entre l'armée et des centaines de manifestants réclamant un changement radical face à la crise économique. Malgré le confinement décrété dans le pays face à l'épidémie de coronavirus, des hommes, des femmes et des enfants ont défilé dans les rues, aux cris de «Révolution! Révolution!», a constaté un correspondant de l'AFP.
Les manifestants ont été repoussés par l'armée au moment où ils voulaient rejoindre la maison d'un parlementaire auquel ils sont hostiles. Certains manifestants ont jeté des pierres, l'armée a répliqué par des tirs en l'air pour disperser la foule dans la zone de la place al-Nour. D'après l'Agence nationale de l'information (officielle), la vitrine d'une banque a été brisée. L'armée a fait état d'incendies dans plusieurs banques, et du jet d'un cocktail molotov sur un véhicule militaire. La Croix-Rouge a affirmé avoir transporté trois personnes vers l'hôpital, et en avoir soigné d'autres sur place.
Communiqué de l’armée
L’armée libanaise a publié un communiqué lundi soir dans lequel elle accuse des «fauteurs de troubles» d’avoir commis des actes de vandalisme dans la ville. «Lors d’un mouvement de protestation sur la place Abdel Hamid Karamé (place al-Nour) dans la ville de Tripoli, un certain nombre de fauteurs de troubles ont commis des actes de vandalisme. Ils s’en sont pris aux biens publics et privés, ont mis le feu à des agences bancaires, et ont attaqué des unités de l’armée déployées sur place», peut-on lire dans un communiqué de l’institution militaire. Cette dernière indique notamment que les «fauteurs de troubles» ont pris pour cible un véhicule de l’armée avec un cocktail Molotov et ont attaqué une patrouille de l’armée avec une grenade à main, faisant deux blessés légers dans les rangs des soldats. «L’armée appelle les citoyens et les manifestants pacifiques à quitter la rue et évacuer les places, conclut le communiqué. Le commandement de l’armée prévient qu’il ne sera tolérant avec aucune personne qui viole la sécurité et la stabilité».
Le Liban est confronté à sa pire crise économique depuis la guerre civile (1975-1990), et la pandémie mondiale n'a fait qu'empirer les problèmes. Depuis l’automne déjà, les établissements bancaires ont restreint les retraits en dollars avant de les arrêter complètement en mars et de rendre quasiment impossibles les virements à l’étranger, suscitant la colère de la population.
Le Liban surendetté – et en défaut de paiement depuis mars – a connu en octobre dernier un mouvement de contestation inédit contre la classe politique, jugée coupable de corruption et d’incompétence. La rue accuse le secteur bancaire de complicité avec le pouvoir politique et d’avoir contribué à l’endettement effréné de l’État.
Lundi soir également, les locaux de la banque centrale à Sidon (sud) ont été visés par des pierres et des pétards, selon l'Agence nationale de l'information. C'est dans cette ville samedi soir qu'un engin explosif avait été jeté contre une banque.
Vendredi avait été annoncée une chute de 5,7 milliards de dollars des dépôts bancaires dans le pays lors des deux premiers mois de l'année, alors que les retraits sont censés être plafonnés et les virements internationaux interdits.
La colère contre les banques est également attisée par la dégringolade continue de la livre libanaise face au dollar sur le marché parallèle, entraînant une forte inflation des prix à la consommation. La situation économique du Liban est en outre aggravée depuis mi-mars par les mesures draconiennes de confinement mises en place pour lutter contre la pandémie de Covid-19.