Présidentielle en Tunisie [résultat officiel] : Le second tour opposera Saied à Karoui
Par Linternaute
Kais Saied et Nabil Karoui sont arrivés en tête, ils sont donc les deux candidats qualifiés pour le second de l'élection présidentielle en Tunisie. Le premier a obtenu 18,4% des suffrages et le deuxième 15,58%, selon les chiffres officiels communiqués ce mardi 17 septembre par le président de l'ISIE, Nabil Baffoun.
Beaucoup d'incertitudes pèsent malgré tout sur cette élection présidentielle, dont le second tour ne sera organisé que dans quelques semaines. La campagne de second tour qui s'ouvre sera électrique, d'autant que les deux candidats pressentis ne sont pas du sérail politique. C'est hors partis et structures traditionnelles que Nabil Karoui et Kais Saied ont lancé leur candidature, il faut s'attendre à un combat politique d'une nature inédite, animés par deux prétendants se revendiquant «antisystème». Et ce n'est pas sans inquiéter en Tunisie, tant l'enjeu est considérable pour cette si jeune démocratie. La presse redoute d'ailleurs, désormais, un avenir politique peu reluisant. «Nabil Karoui et Kaïs Saïed. Sombre tableau. Un schéma qui donne des sueurs froides à de très nombreux Tunisiens ayant encore foi en la démocratie. Populisme vs conservatisme. [...] Le choix des électeurs fait froid dans le dos. Que le vote vengeance triomphe dans le but de punir certains, est un aveu d'échec sans équivoque», analyse notamment la chroniqueuse Synda Tajine dans Business News. Le journal Echourouk appuie cette analyse en évoquant un «tremblement de terre politique». Le quotidien Maghreb qualifie ces résultats de «tsunami».
Nabil Karoui, candidat populiste
Parfois comparé à Berlusconi, Nabil Karoui jouit d'une popularité certaine en Tunisie. Cet homme d'affaires, qui a fait fortune dans la publicité et la communication, est notamment à la tête de la chaîne de télévision Nessma et bénéficie à ce titre d'une grande exposition médiatique. Nabil Karoui est aussi célèbre pour ses activités caritatives pour les démunis. Sa carrière politique est d'autant plus spectaculaire que l'homme est actuellement en prison, inculpé pour «blanchiment d'argent» et soupçonné d'évasion fiscale. Mais sa candidature a été officiellement validée et il n'est pas improbable qu'il devienne le prochain président de Tunisie.
Pour Business News, Nabil Karoui est sans doute le candidat qui a le plus travaillé sa campagne, avec l'idée fixe d'être très présent dans les médias. «Nabil Karoui est convaincu d'une chose : celui qui manipule l'opinion détient le pouvoir. Il l'a dit et répété des dizaines de fois», écrit le journal, qui considère que son incarcération lui a beaucoup servi : «Alors qu'il était traité de mafieux jusque-là, il est désormais victime. Mieux encore, comme le dit si bien son épouse Salwa Smaoui, il est un prisonnier politique puisqu'il répond à la définition technique du terme. [...] Sans rien faire, juste parce qu'il est victime d'une cabale politico-judiciaire [...], Nabil Karoui a réussi à glaner des centaines de milliers de voix ce dimanche 15 septembre».
Kaïs Saïed, candidat très conservateur
Cet universitaire, professeur de droit, a développé dans cette campagne un projet de réforme du pays pour donner davantage de poids politiques aux échelons locaux, avec davantage de démocratie directe. Appelé «Robocop» pour la manière saccadée avec laquelle il s'exprime et son air impassible, il cultive l'image d'un homme intègre, qui souhaite doter la Tunisie d'instances constitutionnelles plus modernes. Pour autant, Kaïs Saïed est aussi l'une des figures les plus conservatrices du pays. Hostile à la dépénalisation de l'homosexualité, contre l'abolition de la peine de mort, l'universitaire est aussi contre le projet de réforme de l'héritage qui rendrait égaux en la matière hommes et femmes. Une réforme souhaitée par l'ancien président qui n'aura pas eu le temps d'être adoptée.
«Avec une quasi-absence de campagne médiatique et sans grands moyens financiers, Kais Saïed a réussi à dépasser tous ses adversaires. Kaïs Saïed n'est pas un phénomène médiatique, mais un phénomène de société. Et s'il a réussi à gagner la confiance des Tunisiens, c'est tout simplement parce que la majorité d'entre eux en ont eu assez de la classe politique», analyse le webzine tunisien Business News, dans un édito relayé par Courrier International.
Sondages et tendances sur l'élection présidentielle en Tunisie
Les autorités en charge de l'organisation du scrutin ont interdit la publication de sondages sur l'élection présidentielle, ce qui explique la relative surprise à l'issue du premier tour de l'élection. Quelques enquêtes d'opinion ont cependant circulé ces dernières semaines, comme le rapporte France 24, et la plupart donnait Nabil Karoui en tête.
L'institut Sigma a effectué un sondage, élaboré sur un échantillon de 1500 personnes les 13 et 14 août dernier, avec une marge d'erreur maximale de 2,5%, testant l'hypothèse Kaïs Saïed - Nabil Karoui au 2e tour. Résultat : Kaïs Saïed battrait Nabil Karoui avec 54,2% des suffrages. Mais comme le rapporte Business News, un autre sondage commandé par le parti islamiste Ennahdha, effectué du 7 au 9 septembre, avait testé ce second tour, et donnait Nabil Karoui devant Kaïs Saïed avec 55,7% des suffrages. Le résultat contrasté - contradictoire même - de ces deux études montre à quel point l'issue de cette élection est incertaine.
Date du second tour de l'élection présidentielle en Tunisie
La campagne va s'intensifier une fois que deux candidats seront qualifiés officiellement, ce mardi, pour le second tour, qui doit avoir lieu avant le 23 octobre. Mais pour l'heure, la date du second tour de la présidentielle en Tunisie n'a pas été fixée. Les candidats, et surtout les partis, seront face à un défi de taille : celui de préparer parallèlement les législatives prévues pour le 6 octobre.