Des frégates saoudiennes «Made in France» ont contribué au blocus du Yémen
Par AlAhed avec sites web
La cellule investigation de Radio France, en partenariat avec Lighthouse Reports et Disclose, a dévoilé dans le cadre de l'enquête #FrenchArms une preuve visuelle de l’implication de navires de guerre vendus par la France dans le blocus au Yémen.
«Des navires de fabrication française vendus à l'Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis sont potentiellement utilisés dans le cadre du conflit au Yémen», a indiqué Radio France.
Une note de la direction du renseignement militaire (DRM) classée «confidentiel défense» (révélée en avril 2019 par Disclose en partenariat avec la cellule investigation de Radio France) indiquait en effet qu'une corvette classe Baynunah vendue par la France et construite par CMN (Constructions mécaniques de Normandie) «participe au blocus maritime». Idem pour une frégate saoudienne construite en France.
«Grâce à des recherches en sources ouvertes, nous avons découvert des vidéos datant de la fin de l'année 2015 montrant l'implication de la corvette émiratie et de la frégate saoudienne en pleine opération de contrôle au large des côtes yéménites».
La première vidéo montre l'arraisonnement d'un navire indien par la corvette émiratie Al Dhafra. À partir des éléments topographiques contenus dans la vidéo, il a été possible de localiser précisément l'endroit au sud-ouest du Yémen, près des côtes.
Une autre vidéo, datant de la même période, montre cette fois la frégate Al Dammam de classe La Fayette saoudienne contrôlant un navire. Cette vidéo a été publiée en octobre 2017. La scène a pu être localisée à l'ouest du Yémen, au sud du port d’Hodeïda.
Le Yémen est en proie à un conflit sanglant dans lequel des milliers de civils sont morts au cours de frappes de missiles ou de faim. L'état de famine est aggravé en partie par le blocus naval imposé par la coalition internationale menée par l'Arabie saoudite.
Des frégates sous contrat de maintenance avec une société française
Des recherches sur les réseaux sociaux ont ensuite permis de retrouver la trace de salariés liés à l’entreprise française CMN assurant la maintenance de la flotte émiratie, dans le cadre de contrats passés avec les Émirats.
«Nous avons également découvert que Naval Group avait signé plusieurs contrats de maintenance de frégates saoudiennes en 2013 dont les prestations se sont poursuivies après le déclenchement du conflit au Yémen et au moins jusque fin 2018», indique la même source.
Un récent rapport d'Amnesty International souligne que la responsabilité juridique des entreprises occidentales impliquées dans la livraison de matériels peut être engagée, de même que dans le cadre d’une assistance apportée aux pays concernés par la guerre au Yémen. Selon l’ONG certaines entreprises ne respectent pas pleinement les exigences requises dans le domaine des droits humains.
Une «multitude de crimes de guerre»
Au début du mois de septembre, des experts des Nations unies (ONU) sur le Yémen ont fait état, dans un rapport, de la «multitude de crimes de guerre» qui auraient été commis par les diverses parties depuis le début du conflit.
«Les Etats peuvent être tenus responsables de l'aide ou de l'assistance qu'ils fournissent pour la commission de violations du droit international si les conditions de complicité sont remplies», insiste le rapport, pointant que plusieurs Etats apportent un soutien direct ou indirect aux parties, comme la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
Contactés, Naval Group et CMN n'ont pas répondu à nos questions.