Italie: Salvini continue son pressing pour des élections mais des résistances émergent
Par AlAhed avec AFP
L'homme fort du gouvernement italien Matteo Salvini a maintenu samedi son pressing pour obtenir des élections anticipées, multipliant meetings et selfies, après avoir mis à mort la coalition au pouvoir, mais des résistances au vote émergent face au risque d'instabilité de la troisième économie de la zone euro.
Le chef de la Ligue (extrême-droite) était attendu samedi midi dans la station balnéaire de Policoro, en Basilicate (sud), après un marathon de meetings sur la côte Adriatique qui doivent se conclure en Sicile dimanche.
Vendredi, il a encore justifié son coup de force, en direct sur la télévision Rai Uno, disant en avoir eu assez des refus de ses ex-partenaires du Mouvement Cinq Etoiles (M5S), sur de grands chantiers comme le train à grande vitesse Lyon-Turin, pendant les 14 mois de leur alliance.
«Je suis dans les Pouilles, je rencontre des artisans, des agriculteurs, ils veulent un gouvernement qui donne des certitudes aux investisseurs», a-t-il dit.
Déjà en campagne, l'ancien pourfendeur d'un «Sud assisté» veut soigner l'électorat du Mezzogiorno, focalisant son discours sur une fiscalité trop lourde et «les règles de Macron et Merkel» à changer en Europe.
La «tournée des plages» du «Capitano», sorti vainqueur des Européennes (avec le double des voix du M5S à 34 %), vise à accroître encore sa popularité. Et ça fonctionne. Partout des foules enthousiastes. Comme Carlo Acquaviva, un avocat de 27 ans de Bari, adepte de la Ligue depuis deux ans, qui dénonce un M5S ayant «utilisé l'espérance des jeunes de la région, à leurs dépens».
Pendant ce temps à Rome, les spéculations vont bon train sur l'éventuelle formation d'un nouvel exécutif Cinq Etoiles, soutenu de l'extérieur (au parlement) par l'aile du Parti démocrate (centre-gauche) proche de l'ex-chef de gouvernement Matteo Renzi, et d'autres parlementaires, paniqués à l'idée de perdre leur fauteuil en cas de scrutin anticipé.
Des déclarations du M5S et de parlementaires «renziens» allant dans ce sens ont provoqué la fureur de M. Salvini: «Pas de jeux de palais, ni de manœuvres bizarres, cette coalition est morte, il faut aller aux élections», a-t-il martelé sur Rai Uno.
«L'Italie est le deuxième pays industriel d'Europe, et si la cuisine est inondée, on ne va pas attendre deux semaines pour appeler le plombier. A moins que certains n'aient besoin de temps pour récupérer des voix de ci, de là», a asséné Matteo Salvini, intimant aux élus de «bouger leurs fesses» pour rentrer à Rome et voter la chute d'un gouvernement sans majorité.
Point d'interrogation
Alors que le Parlement est en vacances, tous les élus de la Ligue ont été convoqués pour lundi après-midi. Pris de court par le revirement de son ex-allié, Luigi Di Maio, chef de file du M5S, entend compter ses troupes lundi matin.
Le soir, vers 16H00 GMT, les chefs des groupes parlementaires du Sénat se réuniront pour définir le calendrier de cette inédite crise de Ferragosto (le congé du 15 août).
Si l'Italie a l'habitude de voir valser les gouvernements, c'est la première fois qu'elle pourrait voter à l'automne, période cruciale de l'élaboration du budget de l'année suivante.
La perspective d'une longue période d'instabilité a effarouché les marchés vendredi, avec des taux italiens qui se sont nettement tendus (à 1,805 % contre 1,530 % la veille, creusant le «spread», l'écart avec l'Allemagne, grimpé à 240 points) et la bourse qui a perdu près de 2,5 %.
La réunion au Sénat déterminera à quelle date rappeler les élus et si la chambre haute examinera immédiatement la motion de défiance contre le chef de gouvernement Giuseppe Conte, déposée vendredi par la Ligue.
Selon les médias italiens, M. Conte voudrait se rendre au G7 de Biarritz (France), qui s'ouvre le 24 août, et choisir -- désormais sans l'avis de la Ligue -- le commissaire européen italien pour une date limite fixée au 27 août.
Les spécialistes tablent cependant sur un rappel des troupes parlementaires le 19 ou 20 août au plus tard, avec une dissolution des chambres d'ici à la fin du mois qui permettrait de voter fin octobre ou au tout début novembre, comme l'exige M. Salvini.
Le grand point d'interrogation sera l'attitude du président Sergio Mattarella, parti en vacances en Sardaigne. Une fois le gouvernement Conte révoqué, il sera le seul à pouvoir dissoudre le Parlement et convoquer le scrutin.
Or M. Mattarella est notoirement opposé à des élections en septembre-octobre, moment où la troisième économie de la zone euro, très endettée, élaborera la loi de finances et devra en discuter avec Bruxelles.