La France kidnappe des libanais pour le compte de Washington
Par AlAkhbar*
Vendredi dernier (2 août 2019), la justice française a rejeté la demande de libération du détenu libanais Mazen Attat, incarcéré à Paris depuis octobre dernier, bien qu’aucune accusation ne lui ait été attribuée. 8 mois de prison, sans commettre de crime sur le territoire français. Il avait déjà été reconnu coupable de blanchiment d'argent, mais le tribunal français l'avait acquitté et ordonné sa libération. Cependant, le même jour, il a été arrêté à la porte du tribunal. La raison en est que les États-Unis avaient demandé qu’il soit déporté à New York pour y être jugé pour «financement du terrorisme» et pour avoir «contourner les sanctions américaines imposées à l'Iran, la Russie et la Syrie par un trafic d'armes et de pétrole».
Huit mois plus tard, les autorités américaines n’ont envoyé aucune preuve valable aux autorités françaises pour les persuader de leur remettre le détenu libanais. Mais cela n’a pas empêché les Français de mettre la pression sur le détenu Attat. Le procureur américain propose un accord pour réduire le nombre d'années d'emprisonnement et le condamne à une amende en échange de l'admission des charges retenues contre lui, tout en acceptant de se rendre aux États-Unis pour y être jugé. L’offre étant rejetée, le pouvoir judiciaire français intensifie sa pression. Après l'avoir informé de son consentement primitif pour sa libération conditionnelle (en le forçant à porter un bracelet électronique autour du poignet pour localiser sa place et limiter son déplacement dans une zone géographique bien déterminée), la justice française est revenue vendredi dernier sur ses paroles rejetant sa demande de libération. Selon des personnes bien informées sur l'affaire, le pouvoir judiciaire français souhaite, par cette décision, faire pression sur le détenu pour le contraindre à signer un accord avec les Américains. Si cela se produit, les Français peuvent se laver les mains de la décision d'extrader Attat vers les États-Unis en disant «c'est lui qui a signé un accord pour être jugé à New York, nous ne l'avons pas encore livré.»
Face à ces abus français, les autorités libanaises sont indifférentes du sort de leurs citoyens (en cas de remise du détenu à Washington, les autorités américaines demanderaient l'extradition d'autres personnes emprisonnées en France). Le ministère des Affaires étrangères a reçu, par l’intermédiaire de l’un de ses employés, la famille du détenu. Le directeur général de la Sécurité générale, le major général Abbas Ibrahim, a également reçu une délégation de la famille et a mené plusieurs contacts avec la partie française, mais jusqu’à ce jour il n’y a eu aucune réponse valable. Le directeur du poste de renseignement français à Beyrouth, a répondu aux questions (de la sécurité générale) concernant le dossier en disant «c’est une affaire judiciaire qui n'a rien à voir avec nous».
Les Français n'ont toujours pas donné au Liban de réponse fiable à la question : «Quelle est la justification légale pour maintenir Georges Abdallah en prison ?»
La partie libanaise considère que l'action de de la justice française est entièrement soumise à la volonté américaine. Selon des sources biens informées, l’attitude française dans l'affaire Attat était la même pour les autres affaires. Dans le dossier du détenu libanais dans les prisons françaises, Georges Abdallah, les Français n'ont toujours pas présenté au Liban de réponse fiable à la question : «Quelle est la justification légale pour maintenir Georges Abdallah en prison ?». Le président de la République, le général Michel Aoun, avait chargé le major général Abbas Ibrahim, en tant qu'envoyé présidentiel, pour communiquer avec les Français afin de trouver une solution permettant la libération d'Abdallah. M. Ibrahim avait contacté le directeur français des renseignements étrangers, Bernard Emmier (l’ancien ambassadeur de France au Liban). Les signes d'un accord primitif entre les deux parties se voyaient à la lueur afin d’emmener le dossier de Georges Abdallah vers une issue positive conjointement avec la visite du président français Emmanuel Macron à Beyrouth, qui était prévue en février dernier. Après l’annulation de la visite de Macron, la partie française chargée de l’affaire a mis un terme à ses contacts avec la partie libanaise.
Bien que le président Michel Aoun ait demandé à l'ambassadeur français Bruno Fuchia, le 17 juin dernier, de remettre une lettre à Macron lui demandant de libérer Abdallah, aucun développement n'a eu lieu. Les sources concernées affirment que «selon le critère de la souveraineté, le Liban est plus immunisé contre les américains que les pays européens, notamment la France». «Malheureusement, les européens disent aux libanais que le seul moyen de résoudre ces problèmes est d'adopter la même politique que celle adoptée pour libérer le libanais Ali Fayyad, emprisonné en République tchèque à la demande des américains. Ce dernier a été libéré par les autorités tchèques en février 2016, après l'enlèvement de cinq Tchèques, (Juillet 2015) dans la Békaa, parmi eux il y avait au moins un officier des services du renseignement».
* Article paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar, traduit par l'équipe du site