Yémen : 25 ONG demandent à l’Allemagne d’étendre son moratoire sur les exportations d’armement à l’Arabie
Par AlAhed avec sites web
Après quatre ans de guerre au Yémen, 25 ONG yéménites et internationales demandent à l’Allemagne d’étendre son moratoire sur les exportations d’armement à l’Arabie saoudite.
Madame la Chancelière,
En tant qu'organisations œuvrant à la protection des civils dans les conflits armés, nous vous demandons de prolonger le moratoire sur licences d'exportation d'armes vers l'Arabie saoudite qui sont utilisées dans le contexte du conflit au Yémen. Cette décision serait conforme aux obligations légales de l'Allemagne et permettrait à l’Allemagne de rejoindre un nombre croissant de ses voisins européens.
En octobre 2018, l'Allemagne a rejoint plusieurs États européens, dont l'Autriche, la Belgique le Danemark, la Finlande, l’Irlande, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et la Suisse et a annoncé qu’elle refuserait le transfert de nouvelle licences à l’Arabie saoudite. Cela a bloqué l'exportation de certaines armes produites par la France et le Royaume-Uni qui nécessitent des pièces et composants d'origine allemande.
Parmi les Etats membres de l'Union européenne, la France et le Royaume-Uni sont de plus en plus isolés dans leur refus d'envisager d’interrompre la vente de composants d'armes à la coalition. Plutôt que d'entreprendre des actions qui aideraient à mettre fin aux atrocités au Yémen, la France et le Royaume-Uni ont publiquement critiqué la décision prise par l'Allemagne et vous ont encouragé à reprendre les exportations d'armes vers l'Arabie saoudite. Cela risquerait d'affaiblir les normes internationales en matière de contrôle des armements et pourrait constituer une violation des obligations découlant à la fois du Traité sur le commerce des armes (TCA), notamment celle de « respecter et faire respecter le droit international humanitaire » pour « prévenir la souffrance humaine » ; celles de la Position commune de l'Union européenne sur les exportations d'armes, qui impose aux États membres de faire respecter par ce pays le droit international humanitaire du pays destinataire ; et enfin celles du droit national allemand.
Mettre fin aux exportations d'armes à l’ensemble des parties au conflit au Yémen est la seule position qui soit conforme aux obligations européennes et internationales, notamment le TCA et la position commune, ainsi qu'au droit international humanitaire et au droit international des droits humains.
Depuis le 26 mars 2015, date à laquelle la coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis a lancé son intervention militaire au Yémen, la coalition a mené plus de 19 000 frappes aériennes, soit une toutes les 106 minutes. Des frappes ont régulièrement visé les civils et les infrastructures civiles.
Par ailleurs, les restrictions imposées par la coalition sur les importations vitales de nourriture, de médicaments et de carburant ont grandement contribué à ce que l'ONU a qualifié de « pire crise humanitaire du monde ». Vingt-quatre millions de personnes ont besoin d'aide humanitaire, 10 millions sont au bord de la famine. De plus, tout au long du conflit, les frappes aériennes de la coalition ont détruit des installations de traitement de l'eau, des gazoducs et les principaux moyens de transport, entravant l'accès à l'eau potable. Il y a eu 1,3 million de cas soupçonnés de choléra - la pire épidémie de l'histoire moderne.
La coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis a en outre visé des installations médicales et du personnel médical, qui jouent un rôle vital pour venir en aide aux populations civiles dans le besoin. Les frappes aériennes ont endommagé ou détruit des hôpitaux et des cliniques, à un moment où les besoins de soins d’urgence étaient décuplés. Des frappes aériennes ont également touché d'autres infrastructures civiles essentielles à la protection de la santé et du bien-être des civils au Yémen.
Nous espérons que l'Allemagne continuera à adopter une position de principe qui soit conforme à ses obligations juridiques, notamment en vertu du droit allemand interdisant l'exportation d'armes, y compris de pièces de rechange et de composants, lorsqu'il existe un risque majeur que ces dernières soient utilisées pour commettre ou faciliter des violations du droit international humanitaire et des droits humains. La conduite de la guerre au Yémen par la coalition depuis 2015 a clairement démontré ces risques.
Nous espérons que, pendant sa présidence du Conseil de sécurité de l'ONU, en avril, l'Allemagne fera preuve de la même exemplarité. La réunion selon la formule Arria, organisée le 1er avril par la France et l'Allemagne au cours de leurs présidences successives du Conseil de sécurité, consacrée à la protection du personnel et des installations humanitaires et médicales et à la protection plus large des civils dans les conflits armés, marque une étape importante. Il est essentiel que l'Allemagne utilise tous les moyens dont elle dispose pendant et après sa présidence du Conseil, notamment des déclarations, réunions et résolutions, pour mieux protéger le droit des populations civiles et faire en sorte que toutes les parties responsables de violations du droit international au Yémen rendent des comptes.