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Un colonel français risque des sanctions pour avoir critiqué la stratégie de la «coalition» en Syrie

Un colonel français risque des sanctions pour avoir critiqué la stratégie de la «coalition» en Syrie
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Par AlAhed et sites web

Le colonel François-Régis Legrier, tout juste relevé de mission en Irak, ne s’est pas fait que des amis dans l’État-major français. Dans un texte publié dans la revue Défense nationale, celui-ci critique la stratégie de la France et de la «coalition internationale» contre «Daech» lors des ultimes batailles du conflit. Un article qui pourrait lui valoir quelques ennuis.

Alors que la «Coalition internationale» contre «Daech» sonne les dernières heures du «califat», un article qui aurait presque pu passer inaperçu donne un autre son de cloche.

Repéré jeudi 14 février sur Twitter par l’historien Michel Goya, l’article, intitulé «La bataille d’Hajin: victoire tactique, défaite stratégique ?» a été publié dans le numéro de février de la revue mensuelle spécialisée Défense nationale, rubrique Opinions. Son auteur est le colonel François-Régis Legrier, chef de corps du 68e régiment d’artillerie d’Afrique. Et son texte paraît alors que l’officier vient tout juste d’être relevé de sa mission de six mois en tant que commandant des artilleurs de la Task Force Wagram, bataillon en Irak chargé d’utiliser les canons Caesar contre les derniers bastions de «Daech».

Rédigé alors que l’officier était encore en mission, ce texte de près de sept pages revient en termes très critiques pour la France et la «Coalition internationale» sur la bataille d’Hajin, ultime affrontement contre les combattants du groupe terroriste en Syrie.

«Nous n’avons en aucune façon gagné la guerre»

Nous sommes en septembre 2018. Les 2 000 derniers combattants – au sol, en tout cas – de «Daech» sont retranchés à Hajin, petite ville syrienne dans la vallée de l’Euphrate à une 50e de kilomètres de la frontière avec l’Irak. Encerclée par les forces armées de la Coalition, cette dernière enclave de «Daech» va résister jusqu’à fin janvier 2019 avant de finalement tomber. Si cette bataille se termine en victoire pour les forces armées occidentales, François-Régis Legrier tient à en soulever le prix : «la bataille d’Hajin a été gagnée (…) à un coût exorbitant et au prix de nombreuses destructions.»

Ainsi, le colonel Legrier avance que «l’ennemi» n’a «pas été autant [détruit] qu’on a bien voulu le faire croire dans les comptes rendus alignant un BDA [Battle Damage Assessment] impressionnant calculé de façon statistique et non pas par observation visuelle» et qu’il n’a pas été atteint «à l’évidence» dans «son moral et sa volonté de combattre » puisqu’il a «déployé jusqu’au bout une combativité inébranlable». En outre, poursuit-il, la «défaite devenue inéluctable, il s’est exfiltré vers des zones refuges pour poursuivre la lutte en mode insurrectionnel ne laissant sur place qu’une poignée de combattants étrangers.» D’où, d’ailleurs, les combats en cours dans les environs du village de Baghouz.

En outre, le chef de corps du 68e RAA critique le recours aux FDS, c’est à dire à des «proxys» pour mener la bataille au sol. «Les Occidentaux en ont certes retiré un avantage politique à court terme : celui d’éviter des pertes et un mouvement d’opinion contre leur politique. En revanche, sur le moyen-long terme, ce choix s’est avéré désastreux», écrit-il.

«La conséquence la plus immédiate d’une telle approche est la perte de la maîtrise du temps : l’opération avance au gré de la volonté des proxys et selon leur propre agenda et elle traîne en longueur quelle que soit l’ampleur des moyens consentis. Cela s’appelle un enlisement», poursuit le colonel Legrier, par ailleurs auteur d’un essai remarqué intitulé «Si tu veux la paix, prépare la guerre. Essai sur la guerre juste».

Et la décision du président Trump, au sujet du retrait de ses troupes de Syrie a mis l’état-major américain [et la coalition] en porte à faux, ce qui a conduit à une intensification des frappes aériennes et donc à plus de destructions. «Hajine a subi le même sort que Mossoul et Raqqa : une destruction quasi complète», déplore le chef de la TF Wagram.

«Cette victoire tactique, par la façon dont elle a été acquise, a compromis l’avenir de cette province sans ouvrir de perspectives stratégiques intéressantes pour la Coalition. L’avenir du Nord-Est syrien est plus que jamais incertain et Daech, s’il a perdu son territoire, ne semble pas atteint dans sa volonté de continuer la lutte», estime le colonel Legrier.

Et ce dernier souligne également que si la bataille d’Hajine a été gagnée, elle l’a été de «façon très poussive» et «à un coût exorbitant». Et le refus des Occidentaux d’engager des troupes au sol interroge.

«Pourquoi entretenir une armée que l’on n’ose pas engager ? Si la réduction du dernier bastion de l’État islamique ne vaut pas la peine d’engager des troupes conventionnelles, quelle cause sera assez importante pour le faire? Extrêmement à l’aise pour remplir les grands états-majors multinationaux d’une ribambelle d’officiers, les nations occidentales n’ont pas eu la volonté politique d’envoyer 1.000 combattants aguerris régler en quelques semaines le sort de la poche d’Hajin et épargner à la population plusieurs mois de guerre», s’insurge le colonel Legrier.

Et d’insister dans sa conclusion : «En refusant l’engagement au sol, nous avons prolongé inutilement le conflit et donc contribué à augmenter le nombre de victimes au sein de la population. Nous avons détruit massivement les infrastructures et donné à la population une détestable image de ce que peut être une libération à l’occidentale laissant derrière nous les germes d’une résurgence prochaine d’un nouvel adversaire. Nous n’avons en aucune façon gagné la guerre faute d’une politique réaliste et persévérante et d’une stratégie adéquate. » Aussi, il pose la question : «Combien d’Hajine faudra-t-il pour comprendre que nous faisons fausse route?».

Des propos qui font grincer des dents

L’article a fait grincer des dents au sein de l’armée. On lui reproche de ne pas avoir soumis son projet de publication à sa hiérarchie, et de ne pas avoir attendu son retour en France pour s’exprimer. En effet, le premier «retour d’expérience» que doit faire un chef de corps est auprès de ses généraux, via un «compte rendu de fin de mission», confidentiel.

L’article a d’ailleurs déjà été retiré du site Web de la revue Défense nationale, qui quoiqu’indépendante du ministère des Armées, a à sa direction des officiers généraux. Le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue indique au Monde avoir «manqué de discernement» en publiant ce texte. Sur Twitter, certains internautes, dont l’historien Michel Goya, critiquent la décision de retirer l’article du site et parlent même d’un «acte de censure». L’article du colonel Legrier est pour autant toujours accessible dans la version papier du journal

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