Crise du Golfe : invité à Riyad, l’émir du Qatar devant un choix cornélien
L'émir du Qatar a été invité par le roi d'Arabie saoudite à un sommet annuel du Golfe prévu dimanche à Riyad, en dépit d'une profonde crise diplomatique opposant les deux voisins depuis juin 2017.
Après avoir lâché du lest sur le dossier yéménite, où des concessions saoudiennes ont permis aux belligérants de se retrouver en Suède pour entamer des pourparlers de paix, Ryad tend la main à Doha.
Alors qu’une grave crise diplomatique oppose les deux voisins depuis juin 2017 et que l’émirat gazier fait l’objet d’un embargo économique et diplomatique imposé par les Saoudiens et leurs alliés régionaux, l'émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al Thani, a été invité par l’Arabie saoudite à un sommet annuel du Golfe prévu le 9 décembre à Riyad.
L'émir a reçu, mercredi 5 décembre, selon l’agence nationale qatari QNA, «une invitation de la part du roi d'Arabie saoudite», le roi Salmane, pour le sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG) – qui regroupe depuis 1981 les six pétromonarchies arabes de la région : Arabie saoudite, Qatar, Bahreïn, Émirats arabes unis, Oman et Koweït –. Ce dernier joue le rôle de médiateur pour tenter de résoudre la crise.
Pour l’instant, aucune information n’a filtré sur la décision de l'émir, actuellement en visite officielle en Malaisie, ni sur le niveau protocolaire de la délégation qui se rendrait en Arabie saoudite. Les autres nations seront représentées au plus haut niveau, selon plusieurs médias locaux. Lors du sommet du CCG de 2017 organisé au Koweït, l'émir du Qatar avait assisté à la rencontre mais pas le roi Salmane, qui y avait dépêché son ministre des Affaires étrangères.
Un ministre pour représenter le Qatar ?
Lundi, loin de chercher à apaiser les tensions dans le Golfe, Doha a annoncé qu'il quitterait le mois prochain l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), non sans dénoncer la mainmise de l'Arabie saoudite sur les décisions de l'organisation.
«De mon point de vue, les Qataris ne souhaitent pas que leur émir bien-aimé aille à ce sommet, ils le supplieront de ne pas se rendre en Arabie saoudite pour la bonne et simple raison que nous vivons toujours sous embargo terrestre, maritime et aérien», explique à France 24 Ali al-Hil, un universitaire basé à Doha. Selon lui, le Qatar pourrait envoyer un ministre pour représenter l’émirat à Riyad.
L'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l'Égypte accusent le Qatar d’entretenir des liens avec des groupes terroristes et des mouvements islamistes, dont les Frères musulmans. Ils lui reprochent aussi de s’être rapproché de l'Iran, rival régional de la monarchie saoudienne. De son côté, Doha a toujours nié ces accusations et dénoncé les ingérences et les atteintes à la souveraineté de l’émirat dans le but de mettre au pas sa diplomatie.
Après avoir soutenu dans un premier temps l’offensive diplomatique contre le Qatar, au nom de la «lutte contre le financement de l'extrémisme», le président américain Donald Trump demande aux pays de la région de mettre un terme à leur dispute afin de présenter un front uni face à l’Iran. Il a même reçu l’émir du Qatar dans le bureau ovale en avril 2018.
«Les Saoudiens ont fait ce geste car nul n’ignore que le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, cherche la protection des Américains afin qu’ils couvrent ses agissements, qu’il s’agisse de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, en passant par la guerre au Yémen, jusqu’à la campagne de répression en cours dans son pays», décrypte Ali al-Hil.
Toujours est-il qu’en invitant l’émir du Qatar à Riyad, l’Arabie saoudite, qui a demandé et obtenu que le sommet du 9 décembre soit organisé sur son sol – alors qu’il devait initialement avoir lieu à Oman –, répond aux attentes de Washington. Une initiative qui lui permet de placer Tamim ben Hamad Al Thani devant un choix cornélien : soit il se montre conciliant en acceptant l’invitation, soit il repousse la main tendue par son puissant voisin, et apparaîtra comme un obstacle à la résolution de la dispute.
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