Macron annonce que les représentants des «gilets jaunes» seront reçus au ministère de l’Ecologie
Le président de la République a cherché ce matin à répondre à la colère des «gilets jaunes» avec plusieurs annonces. Les représentants du mouvement seront finalement reçus au ministère de l'Ecologie, alors que Benjamin Griveaux avait indiqué ce matin que le gouvernement ne les recevrait pas.
«Depuis plusieurs semaines, un mouvement de contestation (...) grandit dans le pays. Ce mouvement a donné lieu à des manifestations importantes, et aussi à des violences inacceptables dans l'Hexagone comme dans les Outre-mers. Je veux ici dire que je ne confonds pas ces actes inacceptables avec les manifestations sur lesquelles ils se sont greffés. Je ne confonds pas les casseurs avec nos concitoyens qui veulent faire passer un message», a-t-il expliqué, alors que plusieurs ministres avaient jusqu'à présent assimilé une partie des manifestants à des «chemises brunes» ou à des «séditieux» d'extrême droite.
«J'entends la grogne»
Renouant avec son traditionnel «en même temps», le chef de l'État s'est engagé à «entendre les protestations d'alarme sociale sans renoncer à (ses) responsabilités (...) parce qu'il y a aussi une alarme environnementale». «Les inégalités sociales et territoriales que nombre de nos concitoyens dénoncent à juste titre sont bien souvent doublées d'inégalités environnementales», a-t-il ajouté. Selon lui, ceux qui «disent que “ce sont toujours les mêmes qui font des efforts” ont raison», car ils ne sont «pas les auteurs mais les premières victimes» des politiques qui les ont plongés dans leur situation «depuis des décennies».
Pour Emmanuel Macron, «nos concitoyens expriment depuis quelques jours la crainte (d')être laissés pour compte» et de «payer la transition énergétique sans en bénéficier». «Cette crainte, je ne peux que la comprendre et la partager», a-t-il assuré. Affirmant que «tout est mis en œuvre pour accompagner socialement la transition écologique», il a dit vouloir «que l'écologie à la française puisse être une écologie populaire» et pas «un sujet d'urbains et de bobos». «J'entends la grogne», a-t-il poursuivi, s'engageant à «traiter» la question «des fins de mois» sans négliger celle de «la fin du monde».
«Je ne me déroberai pas»
Exhortant les acteurs concernés à «apporter des réponses concrètes plus rapidement et plus fortement», il a cité le «chèque énergie» pour démontrer que lorsqu'un outil n'est «pas assez concret, pas assez tangible ou pas assez simple, les gens ne l'utilisent pas». «La méthode (que je propose consiste) en quelque sorte à bâtir une véritable transition qui soit un agenda de solution et un agenda de protection», a-t-il glissé. «À l'issue des trois mois (de consultation), s'il faut revoir (des choses), je suis prêt à les revoir avec le premier ministre», a-t-il lâché.
Il a ensuite estimé que «la crise que nous connaissons ne se limite pas aux prix des carburants». «En face de ces sentiments, (voire) de ces ressentiments, je ne me déroberai pas. (...) Je crois comprendre très profondément les colères sourdes, les rancunes et les rancœurs de nos concitoyens devant un pouvoir qu'ils sentent loin d'eux. (...) Ceci vient de loin. Je considère qu'il fait partie de notre devoir, et au premier titre du mien, d'apporter une réponse. (...) Ce qui a été dit doit être entendu plus profondément», a-t-il détaillé, plaidant pour une «conversion mentale de tous les décideurs à laquelle nous devons arriver».
Répondre à la fronde des gilets jaunes tout en fixant le cap énergétique de la décennie à venir. Après dix jours de mobilisation des «gilets jaunes», Emmanuel Macron a profité de la présentation de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), pour faire quelques annonces visant à apaiser la grogne sociale. Des réponses concrètes, «adaptées aux territoires», seront en outre apportées dans trois mois à l'issue d'une «grande concertation de terrain sur la transition écologique et sociale» a indiqué le chef de l'Etat.
• Un mécanisme pour adapter les taxes aux fluctuations des prix du pétrole
C'est la réponse à la grogne des «gilets jaunes» contre la hausse des prix du carburants. Emmanuel Macron veut adapter la hausse des taxes à l'évolution des prix mondiaux du pétrole. L'objectif: limiter l'impact de la fiscalité des carburants et de la fluctuation des prix pour les Français qui utilisent beaucoup leur voiture. «Il nous faut construire une méthode pour nous mettre à l'abri de tel phénomène et adapter la hausse des taxes à l'évolution des cours», a annoncé le président de la République. «Il faut construire une méthode pour rendre plus intelligente cette taxe et avoir tous les trimestres un rendez-vous pour atténuer les effets pour nos concitoyens.» Ce dispositif sera discuté lors de l'examen en deuxième lecture, mi-décembre, du projet de loi de finances pour 2019, précise l'Elysée.
• Lancement d'un débat national dans les territoires sur la transition écologique
Dans les trois mois, le président souhaite que les associations et hommes politiques puissent «mettre au point une méthode de constructions pour apporter des solutions concrètes». «Je souhaite un débat national inscrit dans les territoires. Je souhaite une stratégie accompagnement, partout sur nos territoires et sur les réseaux sociaux pour faire des propositions», a souligné Emmanuel Macron, qui dit refuser «que la transition écologique accentue l'inégalité entre les territoires». «Je souhaite aussi que des représentants des «gilets jaunes» puissent aussi «proposer des solutions».
• La part du nucléaire ramenée à 50% en 2035
«Je n'ai pas été élu sur un programme de sortie du nucléaire mais sur une réduction du nucléaire dans le mix énergétique» a rappelé Emmanuel Macron. «J'aurais aimé le faire dès 2025. J'aurais aimé le faire dès 2025. Nous maintenons le cap des 50% mais repoussons l'échéance à 2035». Pour cela, 14 réacteurs de 900 mégawatt seront arrêtés en 2035, dont les deux de Fessenheim qui le seront à l'été 2020. Deux réacteurs pourraient être arrêtés dans le prochain quinquennat, en 2025-2026, si la sécurité d'approvisionnement est assurée et si nos voisins européens accélèrent leur transition énergétique, a précisé le chef de l'Etat. Deux réacteurs seront arrêtés en 2027-2028, a-t-il ajouté, et quatre à six réacteurs seront fermés avant 2030, selon l'évolution des marchés de l'électricité et des systèmes électriques de nos voisins. «Je fixe d'emblée à EDF une règle: aucune fermeture complète des sites. Réduire la part du nucléaire ce n'est pas renoncer au nucléaire» a-t-il ajouté.
• Développer les énergies renouvelables
«Nous devons transformer notre production d'électricité», a indiqué Emmanuel Macron. Pour ce faire, il a évoqué «un mix électrique» qui reposera «sur l'essor des énergies renouvelables les plus compétitives. Le parc d'éolien devra être triplé et le photovoltaïque devra lui être multiplié par cinq» d'ici 2030. «L'éolien en mer sera aussi développé», a précisé le président. Il veut aussi renforcer l'énergie hydraulique. Ce soutien aux énergies renouvelables atteindra entre 7 et 8 milliards d'euros d'ici la fin de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui s'achève en 2028, selon l'Élysée. Cela représente un total de 71 milliards d'euros de soutien aux énergies renouvelables (électriques, biogaz, chaleur renouvelable) sur 2019-2028. Une «montée en puissance inéluctable», selon Emmanuel Macron.
• L'Etat pourrait monter au capital d'EDF
Le chef de l'Etat souhaite aussi que la direction d'EDF réfléchisse aux évolutions du groupe, qui devront préserver son intégrité, et n'écarte par l'hypothèse d'un renforcement de la participation de l'Etat au sein de l'énergéticien français, selon des éléments transmis mardi à Reuters par l'Elysée. Aujourd'hui, EDF est détenu à 83,7% par l'Etat. EDF remettra ses propositions dans le cadre du plan stratégique élaboré après la présentation de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et l'Etat ouvrira de son côté une réflexion sur le renforcement de sa participation au capital de l'entreprise en lien avec les enjeux et risques particuliers de l'activité nucléaire.
• Une stratégie européenne des batteries de véhicules électriques
Le chef de l'État a demandé à EDF d'intensifier ses recherches dans le nucléaire, mais aussi dans le secteur du «renouvelable et dans le stockage de l'énergie», souligne le président. «Il faut plus d'indépendance dans la production des batteries des véhicules électriques. Il faut une stratégie franco-allemande, au moins, et au mieux une stratégie européenne», défend le président.
• Fermeture de l'ensemble des centrales à charbon d'ici 2022
Le chef de l'Etat a aussi indiqué que «l'ensemble des centrales a charbon seront fermées d'ici 2022». «Il faut réduire nos consommations d'énergie et le faire de manière concertée en prévoyant les investissements publics et en apportant des solutions adaptées et concertées», a-t-il précisé.
• Mieux isoler les bâtiments
«Nous devons encourager de meilleures isolations sur les vieux bâtiments, les commerces, logements…» a déclaré le président. Il a rappelé que «9 milliards d'euros» ont été alloués dans le cadre du plan investissement mais que les résultats sont trop timides, «nous devons accélérer». En outre, il a rappelé l'objectif de «renouveler toutes les chaudières au fioul d'ici 10 ans».
• Création d'un Haut Conseil pour le climat
Cette nouvelle structure, composée d'experts, sera chargée de veiller au maintien du cap écologique de la politique gouvernementale. «J'ai voulu établir ce Haut conseil pour le climat, pour rétablir des faits. On ne peut pas confronter des avis sur des fausses informations et des contre-vérités» a expliqué Emmanuel Macron.
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