Arabie saoudite : avant l’assassinat de Khashoggi, l’affaire Saad Hariri
Un an avant l'affaire Khashoggi, Mohammed Ben Salman, prince d'Arabie saoudite, avait déjà forcé le premier ministre libanais Saad Hariri à démissionner, après l'avoir attiré dans un guet-apens à Riyad. Retour sur les dessous de cette machination qui en dit long sur la méthode "MBS", comme le révèle une enquête du journal Le Monde publiée ce 16 novembre.
«J'espère que vous n'allez pas répandre la rumeur qu'il a été kidnappé». Malgré quelques rires dans la salle ce jour-là, cette plaisanterie de Mohammed Ben Salman n'a faire rire que lui ou presque. En tout cas certainement pas son voisin à la tribune Saad Hariri, premier ministre du Liban, présent à ce moment-là à Riyad pour le «Davos du désert».
Car un an plus tôt, Saad Hariri a bel et bien été l'otage de celui qu'on surnomme "MBS". Le 4 novembre 2017 sur invitation du Royaume, il s'attend à participer à un pique-nique dans le désert. Mais ce matin-là, comme le révèle le journal Le Monde, séparé de son escorte personnelle, le Premier ministre libanais est amené au palais de Mohammed Ben Salman :
«Saad Hariri est isolé dans une pièce avec, en face de lui, trois conseillers du prince héritier, des cadres intermédiaires du régime saoudien. Ils vont le secouer (...) Le Premier ministre libanais a ensuite été retenu contre son gré pendant quasiment deux semaines», dit à TV5 Benjamin Barthe, correspondant régional du journal Le Monde à Beyrouth
Pour les Saoudiens, Saad Hariri est trop tendre avec le partenaire de sa coalition au pouvoir à Beyrouth, le Hezbollah, mouvement chiite libanais allié de Téhéran, l'ennemi affiché de Riyad.
Pris dans un guet-apens comme Jamal Khashoggi des mois plus tard, Saad Hariri n'a d'autre choix que d'obtempérer. Même si sa lugubre démission devant les caméras de télévision provoquera un sursaut d'orgueil de la classe politique libanaise et une mobilisation de la communauté internationale. Tout comme les révélations actuelles dans l'affaire Khashoggi, cet épisode en dit long sur la méthode "MBS" :
C'est un mélange de brutalité et d'amateurisme. Ce qui est très étonnant dans le fonctionnement du prince héritier saoudien, c'est la très grande latitude qu'il donne à des seconds couteaux, notamment son conseiller médias Saoud al-Qahtani qui a supervisé l'interrogatoire et les pressions exercées sur Saad Hariri», ajoute le correspondant régional du journal Le Monde à Beyrouth
Saoud al-Qahtani était aussi aux manoeuvres dans l'affaire Khashoggi : d'après l'agence Reuters, il aurait signé l'arrêt de mort du journaliste. Limogé par Riyad le 20 octobre dernier, il est l'un des 17 responsables saoudiens sanctionnés par les États-Unis.
Source : TV5