L’armée birmane a utilisé Facebook pour inciter au génocide des Rohingya
Nouveau pavé dans la mare de Facebook : le New York Times affirme que l'armée birmane s'est servie du réseau social pour instiller la haine collective à l'égard des Rohingya qui est à l'origine de leur génocide. Des révélations qui confirment que le plus gros réseau social du monde est devenu l'outil privilégié des dirigeants malveillants pour véhiculer la haine et diviser les populations.
Le journal américain affirme qu'au cours des 5 dernières années, des centaines de militaires de l'armée du Myanmar ont orchestré «une campagne systématique sur Facebook» qui ciblait la communauté musulmane des Rohingya. Il tiendrait cette information de 5 personnes qui ont demandé à conserver l'anonymat pour des raisons de sécurité.
Les Rohingya sont une ethnie de confession musulmane, minoritaire dans un pays à majorité bouddhiste. Depuis des décennies, ils sont discriminés et persécutés en raisons de leurs différences d’origines, de religion et de langue. Officiellement apatrides, ils ne peuvent pas voyager ou se marier, n’ont pas accès au marché du travail ni à l’école.
Une cellule de 700 hommes
Près de 700 militaires ont été impliqués dans ce programme destiné à faire du réseau social un «outil de nettoyage ethnique», mis en œuvre dans les locaux de l’armée birmane, à proximité de la capitale Naypyidaw. L’objectif était de diviser la population, et de présenter l'armée comme l'ultime rempart pour assurer sa protection.
Cela impliquait la création de faux comptes de célébrités et de médias de l’actualité et de comptes de «trolls», qui étaient ensuite garnis d'une profusion d'articles et de commentaires haineux concernant la communauté Rohingya à l’attention des 18 millions d'internautes birmans utilisent Facebook, qu'ils confondent souvent avec Internet. «L'un d'eux affirmait que l'islam était une menace mondiale pour le bouddhisme. Un autre relatait une histoire fausse à propos du viol d'une femme bouddhiste par un homme musulman», indique le journal.
Des techniques de guerre psychologique parfois empruntées à la Russie
Le groupe avait aussi exploité l'anniversaire du 11 septembre 2001 pour diffuser des rumeurs distinctes destinées à alimenter la division entre les communautés. Aux bouddhistes, ils ont adressé des avertissements selon lesquels les musulmans préparaient des «attentats» contre leur communauté, tout en adressant simultanément des messages à la communauté musulmane affirmant que des moines bouddhistes nationalistes se préparaient à organiser des manifestations anti-musulmanes.
À l'époque, Facebook avait constaté que certains de ces messages avaient été adressés par des faux comptes, et les avait supprimés, mais n'avait pas établi le lien avec l'armée birmane.
Selon le New York Times, les militaires ont exploité les compétences qu'ils ont développées à l'époque où le pays était gouverné par une junte militaire, mais aussi des techniques empruntées à la Russie. Ils ont notamment exploité une règle d'or de la guerre psychologique : si le quart d'un contenu est réel, cela rend le reste crédible.
Au mois d'Août, Facebook avait suspendu le compte du chef d'Etat-major de l'armée birmane
Au mois d'août, Facebook avait fermé les comptes officiels de certains hauts gradés de l'armée birmane, totalisant 1,3 million d’abonnés, y compris celui du chef de l’Etat-major, Min Aung Hlaing. Cette décision a fait suite à la publication d’un rapport de la commission d’enquête de l’ONU accusant les hauts gradés de l’armée birmane du génocide des Rohingya. Cependant, la firme n’avait pas pour autant découvert l'ampleur et les détails de cette campagne de propagande. «Nous avons découvert que ces pages apparemment indépendantes sur le divertissement, la beauté et l'information étaient liées à l'armée birmane», avait-elle expliqué.
«Plus de 700 000 Rohingya ont fui le pays en un an, en raison de ce que les officiels des Nations unies qualifient de un cas d'école de nettoyage ethnique», rappelle le New York Times.
La Birmanie rejoint donc le triste club des pays qui utilisent les réseaux sociaux pour lancer des campagnes de «fake news» et de désinformation, auquel adhéraient déjà la Russie et l'Iran.
L’utilisation de Facebook est corrélée avec les faits de violence raciale
Au mois d’août, une étude menée en Allemagne par des chercheurs de l’Université de Warwick, avait établi une corrélation entre l'utilisation de Facebook et les faits de violence raciale. Les chercheurs ont constaté que les attaques contre les réfugiés étaient plus fréquentes dans les localités où l’utilisation de Facebook était supérieure à la moyenne nationale, quelle que soit leur taille, leur richesse, ou leur orientation politique. Dès que l’utilisation de Facebook par personne atteignait un écart-type supérieur à la moyenne nationale, le nombre des agressions contre les réfugiés augmentait d’environ 50 %. Et cette conclusion ne s’appliquait qu’à Facebook, et non à l’usage de l’internet en général, ou à une autre plateforme de communication.
Source : agences