Merkel et «l’étrange» campagne électorale allemande
Après de longues vacances, Angela Merkel doit enfin s'engager samedi, à six semaines des législatives, dans la campagne, mais celle-ci s'annonce bien sobre tant la chancelière semble intouchable.
C'est à Dortmund, dans l'ouest du pays, que la dirigeante conservatrice va participer pendant une petite heure à un meeting lançant sa course vers le quatrième mandat qui lui tend les bras.
Qu'il est loin le début d'année lorsque son challenger social-démocrate, Martin Schulz, semblait en mesure de lui damer le pion. Aujourd'hui, la CDU d'Angela Merkel est créditée de 37 à 40% des suffrages, quand le SPD est entre 23 et 25%.
Pourtant, le chef du SPD n'a pas ménagé ses efforts pour se démarquer de la chancelière bien que son parti soit dans la coalition au pouvoir, multipliant les propositions contre les inégalités sociales, sillonnant le pays à la rencontre des électeurs, enchaînant les interviews.
«Profiter de l'été»
En face, silence. Mme Merkel, maîtresse de l'esquive, n'a presque rien dit, rien fait, si bien qu'aucune thématique polarisante, aucune ligne de fracture ne s'est dessinée.
«La campagne électorale est ni chaude, ni froide, ni même tiède, elle n'est rien. C'est sans doute la campagne électorale la plus étrange de l'histoire de la république», relève le commentateur Heribert Prantl dans la Süddeutsche Zeitung.
Le ton est d'ailleurs donné par certaines affiches de la CDU: «Profiter de l'été maintenant, puis faire le bon choix à l'automne».
Le politologue Timo Lochocki du German Marshall Fund constate aussi cette monotonie: «Le SPD ne peut pas polariser la campagne seul, or la CDU ne lui répond pas. Donc (la campagne) se meurt».
Martin Schulz a bien essayé de donner un électrochoc en accusant Mme Merkel de porter atteinte aux principes démocratiques en refusant le combat.
«Une chancelière qui ne dit pas aux électeurs ce qu'elle compte faire néglige son devoir, et met en danger l'avenir de notre pays», a-t-il lâché dans un entretien au Spiegel.
Mais le coup n'a pas porté. Heribert Prantl relève que si la «suffisance» d'Angela Merkel pose en effet un problème pour le débat démocratique, Schulz «donne (lui) l'impression d'être vexé comme un pou. Il est le petit garçon qui se lamente parce que sa copine de bac à sable ne veut pas jouer avec lui».
D'autant que la chancelière apparaît comme un rempart, un garant de la stabilité, de l'ordre dans un monde toujours plus inquiétant. Et l'économie allemande va bien, avec une croissance au rendez-vous et un chômage faible.
Du coup, Martin Schulz est aussi forcé d'admettre que la chancelière n'a pas à rougir de son bilan.
«Il est clair qu'Angela Merkel a bien des mérites. Oui, c'est vrai l'Allemagne va bien», reconnaît-il auprès du Spiegel, avant d'ajouter en guise de critique «ça ne veut pas dire que tout le monde en Allemagne va bien».
Pour beaucoup d'observateurs, l'enjeu du scrutin du 24 septembre est de savoir si Mme Merkel formera encore une coalition avec le SPD, si ce sera de nouveau le tour des libéraux du FDP, ou si cette fois ce sont les Verts qui entreront au gouvernement.
«Ne pas lâcher»
Autre point positif pour Mme Merkel: la montée des populistes de droite de l'AfD, surfant sur les inquiétudes liées à la crise migratoire, semble enrayée pour le moment. L'Alternative pour l'Allemagne oscille entre 7 et 9% des intentions de votes, loin de leur pic à 15%.
Néanmoins, certains comme Béla Anda, ancien porte-parole du chancelier Gerhard Schröder, veulent croire que le SPD a encore une carte à jouer, rappelant qu'en 2005 la CDU de Mme Merkel n'était arrivée en tête que de 0,7 point après avoir compté 18 points d'avance dans les sondages à six semaines du scrutin.
Il appelle donc, dans les colonnes du quotidien populaire Bild, le candidat social-démocrate à «se battre»: «Il ne doit surtout pas lâcher. Au contraire! Il doit signifier à tous: je veux retourner la situation».
M. Schulz peut aussi se réconforter avec la baisse de popularité de 10 points de la chancelière cette semaine... Mais elle reste à 59% d'opinions favorables.
Source: AFP