2017 : la crise existentielle de l’Arabie saoudite
Les défis que doit relever l’Arabie saoudite proviennent de sa réputation amoindrie et de ses recettes pétrolières en baisse. Ses échecs régionaux se répercuteront-ils sur le plan national ?
Les cycles de prospérité et d’austérité en Arabie saoudite ne sont ni nouveaux, ni dangereux.
Cette dynamique se poursuivra en 2017, qu’il s’agisse de la récession économique continue ou d’une prospérité retrouvée en raison de la fluctuation des prix du pétrole, mais ce ne sera pas la particularité de cette année.
Pour l’Arabie saoudite, 2017 sera définie par une crise existentielle résultant de son incapacité à assurer son hégémonie à travers le monde arabe et à sortir victorieuse de sa longue rivalité avec l’Iran.
Cet échec et la crise qui en résultera auront d’importantes conséquences à l’échelle nationale et régionale.
Les dirigeants saoudiens débutent la nouvelle année avec un catalogue d’échecs dans leurs aventures militaires et leurs «offensives de charme» à travers la région.
Ceci est de mauvais augure pour l’avenir et ébranle son désir d’être le seul arbitre des affaires politiques à travers le monde arabe.
Échec en Syrie
C’est en 1967 que l’Arabie saoudite a cherché opportunément à supplanter le Caire comme centre de gravité.
Armés de leur colossale nouvelle richesse, et de dirigeants s’engageant à sauver les Arabes et les musulmans, les monarques saoudiens ont généreusement dépensé en propagande et réseaux de parrainage dans toute la région avec l’espoir d’en devenir les leaders incontestés.
Cinquante ans plus tard, en 2017, le roi Salmane et ses deux conseillers, le prince héritier Mohammed ben Nayef et le vice-prince héritier Mohammed ben Salmane, lutteront pour dissimuler leur triste échec en Syrie où la bataille d’Alep a abouti à la défaite des «rebelles», dont la plupart avaient été armés par les Saoudiens et l’Occident.
Les décombres d’Alep en viendront à symboliser l’échec des Saoudiens à destituer Bachar al-Assad et les mérites relatifs de l’alliance de ce dernier avec la Russie, l’Iran et les «milices chiites».
Les alliés de l’Occident, y compris l’Arabie saoudite, ont peur de l’avenir et s’inquiètent du fait qu’ils seraient eux aussi abandonnés aux heures les plus sombres.
Les heures les plus sombres
La chute de Moubarak en Égypte et celle de Ben Ali en Tunisie, tous deux alliés des Occidentaux, ont choqué les Saoudiens pour de nombreuses raisons, mais surtout parce que leur rapide éviction du pouvoir a montré la réticence des puissances occidentales à intervenir et à sauver leurs alliés, en particulier après l’échec total de l’intervention occidentale directe censée apporter la démocratie rêvée et promise.
Bien qu’il n’y ait pas d’alternative viable pour le moment, les Saoudiens vont commencer à remettre en question le mérite des sept décennies de relation spéciale avec les États-Unis.
Leur humiliation en Syrie est aggravée par le retrait du soutien inconditionnel et exclusif des États-Unis. Ce changement de politique, initié par le président Obama, est susceptible de se poursuivre et peut-être de s’ancrer davantage lorsque Trump s’installera à la Maison-Blanche fin janvier.
De moins en moins dépendants du pétrole saoudien, plus critiques de sa tradition sociale et condamnant sa vision religieuse, les États-Unis dirigés par le président Trump s’éloigneront probablement de l’Arabie saoudite.
Étant donné son approche financière de la politique étrangère, il semble peu probable que le président Trump continuera de choyer et de protéger une Arabie saoudite en proie aux déficits et aux dettes. Dans la vision du monde de Trump, payer pour être protégé est un article de foi.
Mais plus que jamais, l’Arabie saoudite aura besoin de la protection et des armes américaines pour effacer l’humiliation qu’elle a subie à Alep, où ses intermédiaires «rebelles» ont été vaincus.
Perte d’autorité
L’Arabie saoudite sera également confrontée à des défis dans la région. Des alliés traditionnellement accommodants, comme le président Sissi en Égypte, se révèlent être plus irrévérencieux et n’en faire qu’à leur tête, en dépit des subsides énormes que les Saoudiens ont versés.
Sur les conflits yéménites et syriens, Le Caire s’est écarté des Saoudiens et a poursuivi son propre intérêt national alors que les Saoudiens s’attendaient à une coopération totale et à un soutien inconditionnel.
Avec cette perte d’autorité régionale et l’humiliation en Syrie, le roi Salmane est susceptible de se concentrer sur le Yémen en 2017. Mais c’est aussi une région où l’Arabie saoudite aura du mal à réussir.
Ces dix-huit mois de guerre ont vu peu de progrès et ont suscité des critiques internationales, y compris de la part de ses soutiens à Washington et à Londres, pour son utilisation excessive et disproportionnée d’armes mortelles.
De plus, sans une victoire imminente au Yémen, les dirigeants saoudiens s’inquièteront de leurs «islamistes nationaux» qui attendaient une victoire rapide et sainte contre les Houthis, […].
La guerre contre le Yémen incarne un nouveau nationalisme militariste saoudien qui a enflammé l’imagination des «islamistes» mais risque de se retourner contre le roi Salmane et son fils, Mohammed.
Nouvelle vague de terrorisme ?
Si les «islamistes» nationaux combinent leur frustration vis-à-vis de leurs dirigeants avec la colère des militants revenant de Syrie et d’Irak, l’Arabie saoudite plongera dans une nouvelle vague de terrorisme, aux ravages semblables à celle qui a commencé en 2003 après le retour des militants saoudiens d’Afghanistan.
L’Arabie saoudite pourrait être la cible directe d’un consortium de militants en colère qui n’auront nulle part où aller si «l’État islamique (EI)» et d’autres groupes sont chassés avec succès d’Irak et de Syrie.
Sans stratégie de sortie pour les militants vaincus, beaucoup d’entre eux pourraient revenir en douce dans leur propre pays et se regrouper.
Ils vont canaliser leur effervescence militante vers l’intérieur, accusant de leur défaite le soi-disant ennemi proche : nuls autres que les dirigeants d’Arabie saoudite.
Les défis de l’Arabie saoudite en ce début 2017 ne dépendent pas de la diminution des recettes pétrolières mais plutôt du résultat d’une réputation régionale amoindrie.
Il reste à voir comment les Saoudiens, qui ne sont désormais plus un négociateur régional respecté en temps de paix et de guerre, réagiront à cette perte de respect à l’étranger et si cela créera des difficultés sur le plan national.
Source : middleeasteye.net