«Preuves irréfutables» de l’utilisation d’armes britanniques contre les civils au Yémen
Un rapport sur l’utilisation d’armes fabriquées au Royaume-Uni dans les frappes aériennes dirigées par l’Arabie saoudite sera annexé au dossier de l’action en justice visant à faire cesser les ventes d’armes britanniques au royaume.
Un nouveau rapport contenant des «preuves irréfutables» de l’utilisation d’armes britanniques contre des cibles civiles au Yémen sera annexé au dossier de l’action en justice d’un groupe militant pour empêcher le gouvernement de vendre des armes à l’Arabie saoudite.
Le rapport de Human Rights Watch montre que l’Arabie saoudite a frappé des usines au Yémen au moyen d’armes fabriquées au Royaume-Uni, notamment une bombe guidée Paveway et un missile de croisière Hakim, selon CAAT (campagne contre le commerce des armes).
Andrew Smith, porte-parole de CAAT, a déclaré que ce rapport apportait la plus solide confirmation de l’utilisation d’armes britanniques contre des civils, et serait joint à l’action en justice intentée contre le gouvernement britannique pour mettre fin à la vente d’armes à l’Arabie saoudite.
Le mois dernier, CAAT a obtenu un contrôle judiciaire des exportations d’armes à l’Arabie saoudite, faisant valoir que le gouvernement britannique ne pouvait garantir que des armes fabriquées au Royaume-Uni n’étaient pas utilisées par l’Arabie saoudite contre des civils yéménites.
«Le rapport présente des preuves claires et irréfutables de l’utilisation de bombes britanniques contre des entreprises et des cibles civiles», a déclaré Smith.
«L’Arabie saoudite a été largement accusée d’enfreindre le droit humanitaire et pourtant les ventes d’armes se sont poursuivies. Il est impératif que le gouvernement agisse au vu de ces allégations et cesse les ventes d’armes à l’Arabie saoudite. Les preuves fournies par HRW complèteront les preuves que nous avons déjà réunies pour le contrôle judiciaire», a déclaré Smith.
«Les preuves contenues dans ce rapport sont très complètes et nous espérons qu’elles seront prises très au sérieux par le gouvernement. Nous n’avons pas lancé le contrôle judiciaire dans le seul but de provoquer le débat, mais aussi pour initier un changement. Il faut souligner que le royaume saoudien n’est pas seulement un acheteur d’armes britanniques. Il est de loin le plus gros acheteur d’armes britanniques et ce contrôle judiciaire ira au cœur de la politique britannique en matière d’exportation d’armes.»
Le rapport de Human Rights Watch a recueilli des preuves au Yémen de ce qu’il a désigné comme le ciblage systématique de treize structures économiques civiles au cours de dix-sept raids menés par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, parmi lesquels des entrepôts alimentaires et une usine de soda.
HRW a indiqué que 130 civils ont été tués et 171 blessés dans ces attaques, qui sont contraires au droit international.
Le rapport signale que le groupe a trouvé des restes de munitions de fabrication américaine sur quatre sites et des restes de munitions britanniques sur trois sites.
L’une de ces munitions – une bombe guidée Paveway IV – a été produite en mai 2015, ce qui signifie qu’elle a été transférée à l’Arabie saoudite après le début de sa campagne aérienne au Yémen.
Un autre site a été touché par un missile de croisière britannique Hakim, qui a été produit par une société britannique dans les années 1990.
Middle East Eye a rapporté plus tôt cette année que les forces britanniques continuaient de former leurs homologues saoudiens à utiliser un nouveau missile de croisière, le «Storm Shadow», qui a également été utilisé au Yémen selon les militants.
Selon CAAT, le gouvernement britannique a depuis approuvé la vente d’armes pour un montant de 2,8 milliards de livres (3,3 milliards d’euros) à l’Arabie saoudite, en dépit des affirmations de graves violations des droits de l’homme commises par les forces de la coalition.
Les opérations dirigées par les Saoudiens ont reçu le soutien militaire des États-Unis et du Royaume-Uni, entre autres. Les combats ont fait plus de 3 200 morts parmi les civils, plus de 60 % d’entre eux en raison de frappes aériennes de la coalition, selon les Nations unies.
«Ce rapport prouve que les armes vendues après le début de cette guerre ont été utilisées lors de frappes illégales et contre des cibles civiles», a déclaré Priyanka Motaparthy, chercheuse auprès de la division Urgences de Human Rights Watch et rédactrice du rapport.
Le Royaume-Uni a aidé la coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen en «fournissant un soutien technique, des armes à guidage de précision et en échangeant des informations avec les forces armées saoudiennes», a déclaré le ministère de la Défense.
Le gouvernement britannique a insisté sur le fait que son octroi de licences pour les transferts d’armes faisait l’objet d’un examen minutieux.
Un porte-parole du ministère des Entreprises, de l’Innovation et du Savoir-faire, la branche du gouvernement britannique responsable de la délivrance des licences de vente d’armes, a déclaré à MEE : «Les risques relatifs aux violations des droits de l’homme sont un élément clé de l’évaluation [du gouvernement britannique] au regard des critères consolidés, et une licence ne sera pas délivrée à l’Arabie saoudite ou à toute autre destination si le faire se révélait incompatible avec une disposition des critères consolidés.»
Source : Middle East Eye