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La fumée de Tripoli pour cacher le feu de Tell Kalakh...

La fumée de Tripoli pour cacher le feu de Tell Kalakh...
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Par Scarlett Haddad

C’est dans un climat particulièrement tendu que Tripoli s’apprête à accueillir ce week-end les premiers corps des islamistes libanais tués à Tell Kalakh en Syrie. Des milieux tripolitains estiment d’ailleurs que la nouvelle escalade entre les deux quartiers rivaux de Bab el-Tebbaneh et Baal Mohsen (qui d’ailleurs est en train de s’étendre à d’autres quartiers) n’est pas étrangère au drame de Tell Kalakh qui constitue un véritable problème pour le courant du Futur d’abord, mais aussi pour le gouvernement et pour le Liban en entier.

Si le nombre exact des membres de ce groupe est encore inconnu, des sources suivant de près ce dossier à Tripoli affirment qu’il y aurait eu 14 tués, 4 jeunes gens arrêtés par les forces du régime syrien et 3 qui ont rallié les rangs de l’opposition syrienne. Ce que l’on sait pour l’instant, c’est que les jeunes tués dans le cadre de l’opération de Tell Kalakh appartiennent à des familles tripolitaines connues et posent un véritable problème à leurs parents. Comment ont-ils été enrôlés, qui les a envoyés en Syrie, suivant quels réseaux... Toutes ces questions embarrassent le courant du Futur qui voudrait ne pas avoir à y répondre car ces détails montrent à quel point il est débordé en son sein par les groupes ultra-islamistes qui sont en train d’augmenter leur influence sur les jeunes à Tripoli et au Akkar.

La fumée de Tripoli pour cacher le feu de Tell Kalakh...

L’embrasement du front traditionnel de Bab el-Tebbaneh et Baal Mohsen serait donc un moyen de détourner l’attention de l’opinion publique des liens complexes entre l’opposition syrienne et certains groupes libanais ainsi qu’avec le courant du Futur qui, quelque part, sert de couverture politique à ces mouvements. Cette thèse semble confirmée par le fait que, selon les rapports des forces de sécurité, les premières étincelles du nouvel embrasement ont été lancées à partir de Bab el-Tebbaneh lorsque les informations sur le piège de Tell Kalakh ont commencé à se répandre et à se préciser. Ces étincelles ont été d’abord présentées comme une bouffée de colère des habitants des quartiers proches de Jabal Mohsen, considéré comme un foyer d’alaouites proches du régime syrien. Mais la bouffée s’est transformée en vague mortelle qui déferle et qui ne semble pas devoir se calmer, surtout avec l’arrivée, en principe à partir d’aujourd’hui, des dépouilles mortelles des combattants tués en Syrie.

En même temps, l’embrasement de ce front dérange le Premier ministre Nagib Mikati et vise à l’affaiblir dans son fief électoral, en l’absence du mufti de la ville cheikh Malek Chaar (à l’étranger en raison de menaces sur sa sécrité), qui est une figure très respectée par toutes les parties et l’une des rares en mesure de convoquer des réunions de réconciliation entre les différents protagonistes dans la capitale du Nord.

Mais le fait d’analyser les raisons qui justifient ce soudain embrasement du front ne rend pas la réalité des combats plus légère. Et les victimes libanaises continuent à tomber pour régler des comptes qui les dépassent.
En réalité, l’affaire de Tell Kalakh met en lumière un autre problème, celui de l’afflux des combattants islamistes vers la Syrie, devenue la nouvelle Terre promise du jihad. Selon des sources sécuritaires, le groupe qui s’est introduit en Syrie et a été pris dans le piège de Tell Kalakh serait en réalité formé d’une quarantaine de membres au minimum et, outre les 21 Libanais, les autres combattants appartiendraient à diverses nationalités arabes, notamment yéménite, saoudienne et libyenne. Ces combattants entrent en Syrie par deux voies principales, le Liban et la Turquie.

À cet égard, la Turquie serait même une voie plus accessible, les autorités de ce pays fournissant des facilités aux combattants jihadistes souhaitant se rendre en Syrie. Un accord aurait même été conclu entre les autorités turques et celles du Yémen pour laisser passer des combattants extrémistes devenus indésirables au Yémen où ils ne cessent de provoquer des incidents notamment à la frontière avec l’Arabie saoudite, obligeant les gardes-frontières saoudiens à intervenir. Ces combattants appartiennent à des organisations classées dans la mouvance d’el-Qaëda comme « Ansar al-Charia », « el-Qaëda de la péninsule Arabique » ou encore « Qaëdat al-Jihad » au Yémen. Ceux qui pénètrent par la Turquie se joignent aux groupes combattant à Alep et dans ses environs alors que ceux qui viennent du Liban sont envoyés combattre à Homs, Damas et leurs environs. Les sources sécuritaires précisent qu’en devenant un aimant pour les jihadistes du monde arabe, la Syrie permet à certains pays de se débarrasser en quelque sorte de leurs « éléments perturbateurs », ces pays allant même jusqu’à financer le transfert des combattants et les réseaux qui permettent de les introduire sur les lieux des combats. Le Liban est ainsi doublement concerné par cette affaire, d’une part parce qu’il est utilisé comme voie d’entrée clandestine en Syrie et d’autre part à cause de ses propres jeunes qui combattent dans ce pays. Le fait qu’au moins 4 jeunes Libanais aient été arrêtés par les forces du régime syrien constitue ainsi un nouvel élément d’inquiétude pour le Liban. Les députés de Tripoli et membres du bloc du Futur réclament leur restitution en application du traité de coopération et de fraternité conclu entre le Liban et la Syrie en 1991, et les autorités syriennes refusent parce qu’elles craignent que ces jeunes ne fassent pas l’objet d’une enquête au Liban et, par conséquent, que l’affaire soit étouffée, affirmant que l’application du traité signé entre les deux pays ne se fait pas « à la carte ». Entre ces deux positions extrêmes, le gouvernement est une nouvelle fois sur la sellette, se cachant derrière la fameuse politique de distanciation, qui devient de plus en plus virtuelle.

Source: L'Orient Le Jour

 

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