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Une vidéo "surprenante" change le récit sur la Syrie

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"Le régime syrien bombardait les protestataires pacifiques non armés, jusqu'au moment où les groupes de l'opposition ont finalement décidé de s'armer comme une réaction d'auto-défense".

C'est l'un des mythes qui a falsifié la couverture honnête des évènements en Syrie l'année dernière, et aucune idée n'a été défendue aussi violement que ce mythe.


En revanche, il y a une preuve irréfutable que les groupes armés ont attaqué et tué des forces de sécurité et des civils, juste quelques semaines après l'organisation des petites manifestations en mars 2011. Un article que j'ai déjà écrit à propos des dégâts en Syrie relate les tueries de neuf militaires de l'armée syrienne à Banias en avril 2011. C'est une date importante concernant la chronologie des évènements en Syrie, qui marque une violence préméditée de la part de l'opposition. Fermer les yeux sur cette information extrêmement critique pour le paysage sécuritaire a dessiné un récit d'évènements fondamentalement falsifié. Ce récit a directement contribué à l’aiguisement de la crise, stimulant la rage contre la violence "unilatérale" de la part du régime, et enhardissant ses adversaires par une "justice" égarée qui étouffe le débat légitime en Syrie. En effet, ce récit s'est avéré de plus en plus clair durant les mois derniers : des photos et des vidéos ont circulé présentant des hommes portant de lourdes armes, dont des islamistes extrémistes appelant à tuer les civils en se basant sur les différences sectaires.

Les jihadistes se font parler sur des groupes armés en Syrie, sur des explosions suicidaires à Alep, et sur l'appel d'Al Qaëda à "lutter". Ces bavardages ont poussé les experts occidentaux - qui savent distinguer la ligne rouge à admettre à contrecœur qu'en Syrie, il y a deux camps pour une guerre atroce. Soudain, cette reconnaissance a entraîné un changement dans le discours sur la Syrie. Pourtant, les adversaires du régime se sont rassurés que le nouveau discours mentionnera l'existence des groupes armés en Syrie, sans mettre en cause le principe de base des "massacres perpétrés par le régime contre les manifestants pacifiques". Ceci signifie que la notion de l'opposition armée peut seulement être introduite dans le récit de la crise syrienne à une date qui survient longtemps après le déclenchement des manifestations.

En conséquence, c'est justement durant le début de l'an 2012 que les milieux médiatiques ont fait état de la présence des groupes armés, toujours dans le contexte d'un récit délicatement relaté. Un article d'opinion paru dans le New York Times en février en est un bon exemple : "la résistance a commencé à s'armer maintenant et à pratiquer l'auto-défense", a-t-il prétendu.


Al-Jazira façonne l'histoire de la Syrie

La démission du journaliste Ali Hachem d'Al-Jazira le mois dernier n'aurait pas été aussi étonnante,Une vidéo serait-elle survenue dans des circonstances normales. Mais le correspondant basé à Beyrouth a été l'un des employés d'Al-Jazira dont les emails ont été piratés et publiés. L'insatisfaction croissante des employés de la couverture biaisée de leur chaîne satellitaire fut alors dévoilée.

La démission de Hachem de cette entreprise médiatique est éclipsée par la bombe qu'il est sur le point de lancer. Hachem affirme qu'Al-Jazira a refusé de diffuser les images d'hommes armés à l'intérieur des frontières syriennes capturés en mai 2011. Avec son équipe, Hachem a vu des groupes armés entrant en Syrie trois semaines auparavant, en avril 2011, mais il n'a pas été capable de les capturer sur vidéo qu'en mai. Parmi les armes portées, ils ont aperçu des kalachnikovs et des RPG (grenades propulsées par fusée). Aujourd'hui, Hachem révèle qu'il possède en main la même vidéo censurée, illustrant les hommes de l'opposition durant des affrontements en Syrie en mai dernier. Il affirme également que la vidéo sera diffusée plus tard cette semaine. Durant un court examen de cette vidéo captée par son iPad, le journaliste vétéran explique : "Je possède la vidéo qu'Al Jazira a refusée de diffuser en direct, et le segment de la vidéo qu'elle a diffusée. J'étais en train de dire en direct aux téléspectateurs que je vois des hommes armés menant des accrochages avec l'armée syrienne. Pourtant, ce qu'on pouvait lire sur l'écran d'Al-Jazira était entièrement différent. C'était dans la région de Tel-Kalekh sur les frontières libano-syriennes. On peut clairement voir les hommes armés dans la vidéo, et quand tu compares entre les deux vidéos, tu peux clairement voir qu'ils sont capturés dans le même endroit".

“Ensa enno fi masallahin” (Néglige la présence d’hommes armés)

La valeur médiatique de la vidéo a été immédiatement décelée par Hachem et son équipe. Il a été donc surpris quand le rédacteur en chef d'Al-Jazira lui a ordonné via téléphone "insa enno fi masallahin", ou "néglige la présence d’hommes armés". Hachem a refusé, suscitant un débat agité avec son rédacteur en chef sur la déontologie du métier et les éthiques de la couverture médiatique. Hachem a beau essayé qu'on lui permette de dire ce qu'il témoigne. Et il l'a fait, mais Al-Jazira n'a pas diffusé la vidéo des hommes armés pendant que Hachem était en train de les décrire en direct. Plus tard, La chaîne a insisté que les propos de Hachem étaient une "erreur de bonne foi".

Il serait intéressant de voir si la vidéo de Hachem change vraiment l'opinion dominante sur la Syrie.Une vidéo En outre, il n'y a pas de motivation sincère de la part de médias de masse pour corriger une histoire qui alimente une formule lucrative : mauvais dictateur, protestataires pacifiques, changement de régime et fin heureuse. C'est irritant d'observer la complicité des médias, des organisations humanitaires, des gouvernements et des principaux ONG dans leur support de la version falsifiée des évènements. Par exemple, les tueries des neufs soldats de l'armée syrienne à Banias en avril dernier ont été blanchies à chaux par Al-Jazira, the Gardian, BBC et les autres médias. Ils ont cité des activistes qui affirment que les neuf ont été exécutés par leurs confrères soldats pour avoir refusé de tirer sur des civils. Mais de simples recherches d'informations sur Youtube  concernant les soldats tués - comme le lieutenant-colonel Yaser Qashur et le colonel Waeb Issa – montrent des funérailles pro-régime organisées pour ces soldats. Ce genre de services commémoratifs ne se fait pas généralement pour les sympathisants avec l'opposition.

Les organisations humanitaires ont à leur tour sous-estimé les violences commises par les groupes de l'opposition d'une manière éhontée. Neil Sammonds, militant à Amnesty International spécialisé dans les affaires syriennes, s'est exprimé récemment sur le sujet dans un entretien à la radio BBC. Il a évoqué un "coup à l'œil" comme un exemple des abus des hommes armés de l'opposition, comme s'il ne put franchement se rappeler d'aucune violence documentée associée à ces hommes armés. C'est dommage pour lui que je possède sa longue correspondance avec un activiste syrien qui détaille les tueries, les tortures et les violences de l'opposition. Dans la correspondance, l'activiste le supplie à maintes reprises d'investiguer sur ces crimes et d'exposer leur prévalence en Syrie.

Un communiqué de presse publié par l'organisation Human Rights Watch (HRW) en Mars reprend le même scenario. C'était la première organisation internationale de droits qui braque la lumière à ce point sur les exactions de l'opposition, mais elle l'a fait selon l'ancien récit, qui place la présence des groupes armés dans la chronologie de l'histoire syrienne bien après le déclenchement des manifestations en Mars 2011. "Tous les mouvements de protestation en Syrie était majoritairement pacifiques jusqu'à septembre 2011. Ensuite, les médias ont commencé à rapporter qu'un nombre croissant de transfuges militaires et de résidents locaux ont décidé de se doter d'armes, sous le prétexte de se défendre contre les raids des forces de sécurité, ou d'attaquer les points de passage et les facilités sécuritaires dans leur villes", a brièvement décrit HRW dans le communiqué. Lors d'une conversation avec le chercheur de HRW Ole Solvag sur l'écart entre ces délais contradictoires, il a avoué : "le mot-clé est "majoritairement". Nous ne disons pas qu'il n'y avait pas de violence contre les forces du gouvernement avant cette date. Ce que nous voulons dire est que la violence anti-gouvernementale est devenue plus systématique et plus fréquente depuis cette date." En effet, Solvag ajoute qu'il n'y a pas beaucoup à dire de la part de HRW sur la violence de l'opposition durant les premières étapes du mouvement de protestation : "Nous avons documenté qu'il y avait une violence exercée contre les forces du gouvernement... et contre les soldats et les civils capturés". Il m'a surpris en admettant que "cela ne justifie pas le tir des forces gouvernementales sur les protestataires, même si les foules possédaient des armes et même si les protestataires ont tiré sur les forces du gouvernement".

Je pense que la vidéo d'Ali Hachem doit être diffusée. Il est le temps d'une réévaluation en gros des faits de la crise en Syrie, commençant du premier jour, à partir de l'origine, et sans se baser sur les anciennes hypothèses qui inhibent l'investigation hors du thème "le bon et le mauvais". N’y-a-t-il pas de bons gens en Syrie ? Ou bien la crise en Syrie est plus en relation avec les aspirations géopolitiques des autres qu'avec les Syriens ? Nous ne pouvons répondre précisément à cette question que si nous retournons à avril 2011 évoquée par Hachem pour découvrir qui a détourné les protestations pacifiques en Syrie. Est-ce le régime ? Ou bien les partisans du changement du régime ? Si on ne revient pas à l'origine, tout pas en avant serait un pas fait par un sourd, muet et aveugle en Syrie.



Source : Al Akhbar english, par Sharmine Narwani
Traduit par : moqawama.org

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