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La résistance des Yéménites, un exploit à enseigner dans les académies militaires

La résistance des Yéménites, un exploit à enseigner dans les académies militaires
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Par Samer Zoughaib

Comment le Yémen a résisté pendant huit ans malgré la supériorité militaire de la coalition saoudienne, soutenue par les Etats-Unis, «Israël», et les centaines de milliards de dollars dépensés.

A l’occasion du huitième anniversaire du début de l’agression saoudo-américaine contre le Yémen, l’armée yéménite et les comités populaires ont lancé, vendredi 25 mars, une série d'attaques en Arabie saoudite. L’une de ces frappes a détruit les installations du géant pétrolier Aramco, situées non loin du circuit du Grand-prix de Formule 1 à Jeddah. Une usine de désalinisation d’eau a aussi été touchée à Zahran et la capitale Riyad n’a pas été épargnée.

Ces attaques menées en profondeur dans le territoire saoudien incarnent l’échec du royaume wahhabite dans cette guerre pour laquelle il a mobilisé une «coalition arabe» directement soutenue par les Etats-Unis, leurs alliés occidentaux et «Israël», avec la complicité active ou silencieuse de la «communauté internationale» et des Nations unies, devenues un instrument de la diplomatie américaine. Une guerre pour laquelle Riyad a dépensé des centaines de milliards de dollars et commis les pires atrocités, allant des massacres de civils au blocus alimentaire et énergétique implacable.

Malgré toutes les ressources déployées, le prince Mohammad Ben Salman n’a pas gagné cette guerre au bout de «deux semaines», comme l’affirmaient ses milieux et ses médias il y a huit ans. Au contraire, il est sur le point de la perdre.

Ansarullah a transformé la menace en opportunité

La capacité de résistance des Yéménites est un cas rare dans l’histoire, qui mérite d’être étudiée et enseignée dans les académies militaires du monde entier.

Lorsque l’Arabie saoudite a lancé son agression baptisée la «tempête de la fermeté», il y a huit ans, Ansarullah se battait dans les conditions les plus déplorables. Le pays était miné par d’interminables dissensions ; l’Etat, dirigé par Ali Abdallah Saleh, était gangréné par la corruption, déchiré par des influences étrangères multiples ; l’armée, affaiblie par les concessions de désarmement consenties par Saleh sous la pression des Etats-Unis, n’était plus qu’un groupement d’îlots dirigés par des officiers aux allégeances douteuses. Le pays croulait sous le poids de la pauvreté, des conflits tribaux, des tentations séparatistes des sudistes et des ambitions dévorantes de ses voisins.

Faisant preuve d’une détermination sans failles et d’une efficacité sans limites, Ansarullah, conduit par sayyed Abdelamalak Badreddine al-Houthi, a réussi à transformer la menace en opportunité.

Vision stratégique et patience légendaire

Doté d’une vision stratégique hors-pair et d’une patience légendaire, Ansarullah s’est employé à surmonter un à un les nombreux obstacles qui rendaient vaine toute tentative de résistance, et inaccessible toute perspective de victoire.

Les dirigeants d’Ansarullah ont d’abord développé un discours politique tourné sans ambiguïtés contre l’hégémonie américaine et «israélienne», véritable obstacle empêchant l’édification d’un Yémen réellement libre, souverain et indépendant. Ce discours est allé droit au cœur d’une majorité de Yéménites et leur a permis de rassembler autour d’eux les forces politiques, les chefs tribaux et les personnalités authentiquement patriotiques.

Alors que la bataille faisait rage sur tous les fronts, Ansarullah a reconstruit l’armée yéménite, réorganisé l’administration et mis en place une économie de guerre.

Après avoir consolidé le front politique et populaire interne, Ansarullah s’est employé à développer ses capacités militaires. Un mécanisme de coordination a été mis en place entre l’armée régulière réorganisée et les comités populaires, qui a prouvé son efficacité sur le terrain. Une grande flexibilité a permis d’allier guerre classique, combats urbains et guérilla, et de passer de la posture défensive (bataille de Hodeïda, 2019) aux batailles offensives (Maareb, 2021).

Ce dispositif a aidé Ansarullah à supporter le premier choc de la guerre, avant de stabiliser les fronts et de commencer la reconquête du pays, En 2020, la reprise de la région de Nahem, à l’est de Sanaa, a permis de mettre définitivement la capitale à l’abri de toute menace militaire et de transporter la bataille vers Maarab, à l’ouest.

Les efforts se sont ensuite tournés vers Al-Jawf, la plus grande province du pays avec ses 40000 kilomètres carrés. La prise de la majorité de cette vaste région adossée à la frontière saoudienne a facilité les attaques à Najrane, à l’intérieur du royaume.

La supériorité aérienne saoudienne contrebalancée

Soutenus par des dizaines de milliers de combattants locaux proches des «Frères musulmans» (Le parti al-Islah) et d’Al-Qaïda, et de mercenaires étrangers, les armées saoudienne et émiratie se sont retrouvées sur la défensive sur plusieurs fronts, malgré leur puissance de feu et le soutien des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et d’«Israël», qui fournissent conseils, armes, munitions et renseignements (photos satellite etc…).

Tous ces succès n’auraient pas pu être réalisés sans l’introduction par Ansarullah dans la bataille d’un paramètre qui a permis de contrebalancer la supériorité aérienne de la «coalition» arabo-américaine : les drones de combat et les missiles balistiques. Pour cela, Ansarullah s’est lancé dans un vaste programme de développement de l’industrie militaire, qui a leur permis de maîtriser la technologie nécessaire pour construire sur place le matériel indispensable pour mener à bien cette entreprise.

Les drones et les missiles ont changé le cours de la guerre en fournissant à Ansarullah le moyen de prendre pour cible les pays agresseurs sur leurs propres territoires.

Aujourd’hui, les riches pétromonarchies, censés être protégées par leurs couteux arsenaux achetés à des centaines de milliards de dollars, sont aussi vulnérables que les Yéménites démunis et frappés par un implacable embargo. Elles sont mêmes davantage vulnérables, car elles ont beaucoup plus à perdre que le Yémen.

Mais tous les succès d’Ansarullah n’auraient pas été possibles sans un facteur essentiel : une vision claire portée par une infaillible volonté politique, protégée par un vaste soutien populaire.

 

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