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Un état démocratique « fou »

Un état démocratique « fou »
folder_openPresse occidentale access_time depuis 12 années
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L’attaque des pacifistes devait nécessairement inquiéter profondément le gouvernement israélien. En effet, derrière cette attaque, qu’elle porte le nom de flottille ou de flytille (ndltr : il s’agit de l’action « Bienvenue en Palestine »), il y a un point de vue qu’Israël a toujours voulu effacer. C’est l’idée qu’Israël n’est pas à l’abri de pressions extérieures et qu’il est un État occidental comme les autres où l’opinion publique influence le gouvernement et où, au moins, le courant politique principal accueille les militants pacifistes internationaux comme une alternative à une politique déraisonnable. Dans cette vision du monde, on prend pour argent comptant l’auto-proclamation par Israël qu’elle est la seule démocratie du Moyen-Orient et on croit réellement que les droits de l’homme- y compris ceux des êtres humains vivant sous occupation- font partie intégrante des débats publics importants.

Ces « dangereux envahisseurs » qui sont toujours qualifiés de « égarés»- tout comme la gauche israélienne est qualifiée de « timbrée », de « folle » ou du moins ignorante du monde dans lequel elle vit- s’acharne à changer une situation et une politique que même les superpuissances comme les Etats-Unis et l’Union européenne n’ont pas réussi à changer.
Israël croyait qu’il avait réussi à amalgamer les concepts de démocratie défensive et d’occupation défensive. Il présente la bande de Gaza comme si elle était sous sa souveraineté territoriale et en même temps le blocus comme un moyen de défendre cette souveraineté. Il adhère au droit international qui permet de bloquer la flottille qui cherche à miner sa souveraineté mais le rejette lorsque celui-ci lui suggère les moyens d’occuper « dans la légalité ».

Là est l’erreur des militants des droits de l’homme : Israël adopte le droit international uniquement quand il lui permet d’agir : arrêter, empêcher et restreindre l’apport calorique d’une population sous occupation (ndltr : l’auteur fait allusion ici au fait que le gouvernement israélien décide des vivres qui entrent dans la bande de Gaza en justifiant le contingentement par un calcul de l’apport calorique minimum nécessaire). Il repousse au-delà de ses frontières territoriales les interdictions du droit international, comme par exemple l’interdiction de construire dans les colonies ou celui de détruire des maisons.

Israël aspire a être « état démocratique fou ». D’un côté, un état avec un gouvernement élu, un système multi-partite, un état concerné par les droits civils et qui écoute ses citoyens. Et de l’autre côté, un état avec lequel il vaut mieux ne pas avoir à faire car, il est totalement imprévisible quand il s’agit de sécurité. Un état qui tire d’abord et pose des questions ensuite. Si des civils innocents sont tués – Palestiniens, Turcs ou pacifistes « égarés »-, ce n’est pas simplement une erreur humaine, un malheur de guerre mais c’est un instrument pour renforcer la réputation d’état démocratique « fou », réputation dont le but est la dissuasion.

Israël n’a pas inventé la méthode. La plus grande démocratie de toutes, les Etats-Unis, ont fait la même chose en Afghanistan et au Pakistan. Et l’Otan, au sein de laquelle il y a des troupes britanniques et turques, n’a pas écarté cet agent de dissuasion. La différence, c’est qu’eux, au moins, quand ils blessent des civils innocents, ils se sentent mal à l’aise, exprime des regrets et parfois même versent des compensations.

Israël jouit toujours de sa réputation de démocratie « folle » et elle a même réussi à convaincre la majorité de la population que c’est le seul moyen de garantir sa sécurité et la qualité de vie. Israël réussit si bien que la majorité des Israéliens ne trouve rien à redire au fait que l’on stoppe les bateaux d’aide pour Gaza et bloque l’entrée aux pacifistes. La majorité ne voit rien de mal dans le fait que les actions pour les droits de l’homme soient globalement définies comme une menace existentielle pour l’Etat d’Israël. L’endoctrinement a réussi au-delà de toute attente : l’Iran et les pacifistes sont mis dans le même sac.

L’anticipation stressée des Israéliens tourne toute entière autour du spectacle : La marine arrivera-t-elle à endommager les hélices des bateaux de la flottille et faire frissonner nos cœurs avec fierté ? Les centaines d’officiers de police héroïques réussiront-ils à capturer les membres de la maffia internationale des pacifistes ?

Là est le grand danger que ces activistes représentent pour Israël. Leur action pourrait démolir sa réputation de démocratie folle en mettant l’accent sur sa folie. Les activistes croient qu’au moins quelques citoyens vont lever le sourcil, poser une question et peut-être même manifester. Il faut espérer pour le bien de la sécurité de l’état et la paix d’esprit des citoyens que l’armée, la police et les autorités de l’aéroport puissent contrer ce danger en usant d’une force appropriée. Si Israël devait - à Dieu ne plaise ! –capituler devant les pacifistes demain, cela pourrait nous amener à obéir aussi aux demandes américaines. (ndltr : Il faut comprendre cette phrase finale comme une expression ironique. N’oublions pas que les Israéliens aujourd’hui considèrent que les USA font pression sur eux notamment concernant les colonies. L’invocation à Dieu n’est pas une habitude de l’auteur et fait sans doute référence aux religieux.)

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