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Arabie saoudite: Le prince des fiascos veut devenir roi

Arabie saoudite: Le prince des fiascos veut devenir roi
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   Par Samer R. Zoughaib

Bouleversant l’ordre de succession au risque de provoquer de graves scissions au sein de la dynastie des Saoud, le roi Salman a limogé le prince héritier, Mohammad Ben Nayef, pour le remplacer par son fils Mohammad. Une promotion incompréhensible pour un homme qui a, à son actif, une série impressionnante de fiascos.

Arabie saoudite: Le prince des fiascos veut devenir roi

La décision du roi d’Arabie saoudite, Salman Ben Abdel Aziz, de limoger le prince héritier Mohammad Ben Nayef pour le remplacer par son fils Mohammad Ben Salman (31 ans) marque le début d’une période d’incertitude et de troubles pour le royaume wahhabite. Cette ascension fulgurante a bouleversé les équilibres au sein de la dynastie des Saoud. L’annonce selon laquelle 31 des 34 membres du Conseil d’allégeance auraient appuyé la décision royale ne cache pas la réalité que cette mesure brise l’ordre de succession adelphique (le plus âgé des fils du fondateur de la dynastie accédait au pouvoir) et marginalise une grande partie des princes influents. Car parmi les fils du fondateur, certains princes, comme Ahmad Ben Abdel Aziz, âgé de 73 ans, pouvaient encore prétendre au trône.

Feu vert américain

La nomination de Mohammad Ben Salman a été interprétée comme un coup d’Etat blanc, qui ne répond à aucun argument raisonnable sinon à celui de l’ambition démesurée d’un jeune prince qui veut devenir roi, sans être doté de qualités et de compétences exceptionnelles. Si encore Mohammad Ben Salman était porteur d’un projet de réforme d’un royaume archaïque, la décision du roi aurait eu une certaine légitimité. Mais bien au contraire, le nouveau prince héritier n’est porteur d’aucune vision de modernisation du système ou d’une volonté  de démocratisation de la vie politique. Profitant du soutien sans limite de son père, il a concentré, en deux ans seulement, tous les pouvoirs militaires et économiques entre ses mains, écartant un après l’autre ses rivaux (comme le prince Moqren Ben Abdallah, ancien vice-prince héritier limogé en 2015, et Mohammad Ben Nayef, en 2017).

Ce coup d’Etat n’aurait pas pu réussir sans le feu vert des Etats-Unis, que Mohammad Ben Salman a obtenu auprès de Donald Trump, lors de sa visite à Washington en janvier. Mais ce soutien était conditionné par des achats d’armes  et des financement de projets d’infrastructure en Amérique pour un montant de 480 milliards de dollars, annoncés lors de la visite de Trump à Riyad, le 19 mai. La décision de débourser cette somme astronomique répond à une promesse de campagne de Trump, qui ne cessait de répéter qu’il ferait payer l’Arabie saoudite en contrepartie de la protection que lui accorde Washington. La transaction était tellement alléchante que Trump a lâché Mohammad Ben Nayef, longtemps considéré comme l’homme des États-Unis, formé au FBI et à Scotland Yard, et qui a obtenu des résultats dans la lutte contre «Al-Qaïda».

Plusieurs autres milliards de dollars ont été versés pour faire taire des princes mécontents ou acheter l’allégeance d’autres membres de la dynastie. Il s’agit donc du coup d’Etat le plus onéreux de l’histoire de l’humanité.

Echecs sur tous les dossiers

La propulsion de Ben Salman est d’autant plus incompréhensible que le prince ambitieux n’est pas connu pour être un grand travailleur, ou un homme bardé de diplômes. C’est au contraire un jet-setter, amoureux des longs voyages, avec en poche un simple baccalauréat décroché dans une école saoudienne.

Plus grave encore, le bilan des deux années passées au pouvoir est loin d’être reluisant. Il est au contraire catastrophique. En effet, l’une des premières décisions de Mohammad Ben Salman après sa nomination à la tête du ministère de la Défense était de lancer une guerre contre son pauvre voisin du sud, le Yémen. Vingt-six mois après, Riyad n’a enregistré aucune victoire militaire ou politique décisive. Ansarullah et leurs alliés sont toujours à Sanaa et se battent même à l’intérieur de l’Arabie saoudite, où ils ont occupé une bande de 20  kilomètres de profondeur en moyenne à Jizan et Assir. Dans le sud du Yémen, une rivalité oppose les Saoudiens à leurs plus proches alliés, les Emiratis. Résultat: Aden et les provinces du sud sombrent dans un indescriptible chaos et «Al-Qaida» et «Daech» prospèrent. Cette guerre coûterait à l’Arabie saoudite plus de 100 millions de dollars par jour.

Mohammad Ben Salman est aussi l’artisan de la campagne lancée contre le Qatar avec le soutien des Emirats. Trois semaines plus tard, le Qatar tient toujours tête à ses adversaires.

A l’échec militaire du Yémen et diplomatique du Qatar s’ajoute un fiasco économique. Affirmant que le royaume serait en faillite dans les 5 ans, Mohammad Ben Salman a décidé, en tant que président du comité économique, de réduire les salaires des fonctionnaires du secteur public. Constatant l’impopularité de cette décision, il est revenu sur cette mesure quelques mois plus tard, prétextant que l’équilibre financier avait été retrouvé. Entretemps, et malgré les difficultés financières rencontrées par l’Etat et par la population, il s’est payé le yacht Serena… pour 500 millions de dollars.

Voulant se donner une image de réformateur, il a lancé le projet «Vision 2030», avec pour objectif de «diversifier» l’économie nationale, qui repose essentiellement sur le pétrole. Il a proposé de vendre au privé 5% de la société pétrolière Aramco. Ses conseillers lui ont ensuite expliqué la difficulté de placer en bourse à New York les actions d’Aramco, en raison des menaces de citoyens américains de saisir la justice contre Riyad pour soutien au terrorisme, conformément à la loi Jasta.

Le «prince du chaos», comme le décrit l’écrivain britannique David Hurst dans un article publié par le Huffington Post, a accumulé les fiascos en deux ans, ce qui n’a pas empêché son père de lui ouvrir la voie vers le trône. Mohammad Ben Salman a compris les trois secrets de l’ascension au pouvoir: donner son argent aux Américains, se poser en ennemi de l’Iran, et faire les doux yeux à «Israël». Trois positions qui ne servent en rien les intérêts de son peuple.

Source: french.alahednews

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