noscript

Please Wait...

Entre la France et le Hezbollah, des contacts permanents

Entre la France et le Hezbollah, des contacts permanents
folder_openAnalyses access_time depuis 13 années
starAJOUTER AUX FAVORIS

Soraya Hélou

Il y a quelque chose de nouveau dans l’air. L’information publiée dans le quotidien « Al Akhbar » sur une demande présentée par l’ambassadeur de France Denis Pietton pour rencontrer le secrétaire général du Hezbollah sayed Hassan Nasrallah n’est pas passée inaperçue. Certes, du côté de l’ambassade de France aussi bien que de celui du Hezbollah, on refuse de faire le moindre commentaire. Mais cette absence de démenti formel (ni d’ailleurs de confirmation claire) est en elle-même l’indice que l’information est plus qu’une simple rumeur. Il faut certes encore du temps pour qu’elle trouve son chemin jusqu’à Haret Hreik et pour que les positions se clarifient. Mais des sources proches de l’ambassade de France ont déclaré à certains médias que le principe d’une telle rencontre est acquis. La France a décidé depuis longtemps de s’ouvrir à toutes les parties libanaises et d’adopter une politique équilibrée entre toutes les composantes de cette société. C’est ainsi que depuis des années, la France a établi des liens avec tous les partis représentés au sein du Parlement, y compris avec le Hezbollah, qui possède un important bloc de députés. Les rencontres entre ces députés et les fonctionnaires de l’ambassade sont régulières. Plus que cela, la France a organisé sur son territoire la conférence de dialogue inter-libanais à Saint Cloud et les représentants du Hezbollah à cette conférence, MM.Mohammed Fneiche et Nawaf Moussawi ont été officiellement invités à Paris et accueillis comme les autres participants par le ministre français des AE Bernard Kouchner. On raconte même que ce dernier aurait été impressionné, au cours des rencontres de Saint Cloud, par le calme, l’ouverture et la solidité du raisonnement des représentants du Hezbollah.
 C’est dire que les autorités françaises ont établi un dialogue avec le Hezbollah depuis plusieurs années et il serait naturels qu’un jour, le niveau de ce dialogue passe par une rencontre entre l’ambassadeur et le secrétaire général du parti. D’autant que la France, à l’instar de l’Union européenne n’a jamais accepté de placer le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes.
De son côté, le responsable des relations internationales du Hezbollah, sayed Ammar Moussawi reflète en gros le climat. Dans un entretien avec le site « french.moqawama », il a précisé que les deux parties sont soucieuses de maintenir un contact régulier entre elles, même lorsque le climat est quelque peu brumeux. Cela ne signifie pas, selon sayed Moussawi que les deux parties sont d’accord sur toutes les questions, mais il est utile de maintenir le contact. « Nous avons déclaré à maintes reprises, affirme sayed Moussawi, que la France et l’Union européenne ne devraient pas coller leur politique à celle des Etats-Unis dans la région. La France et l’Union européenne peuvent mieux comprendre les subtilités de la région et être par conséquent plus efficaces. En n’ayant pas une politique propre, elles neutralisent leur rôle dans la région ». Sayed Moussawi fait remarquer à cet égard que la France et l’Union européenne sont ainsi absentes des négociations israélo-palestiniennes actuellement en cours. Le ministre français des AE Bernard Kouchner l’a lui-même déclaré : « Nous sommes absents, même de la photo », a-t-il lancé.
Le responsable des relations internationales du Hezbollah reconnaît que la France et l’Union européenne ont refusé de suivre les directives américaines et de placer le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes, mais il ajoute qu’elles peuvent remplir un rôle plus important encore dans la région et au Liban. Il revient ainsi sur les récentes tentatives de modifier les règles de l’action au Sud et la position claire du Hezbollah selon laquelle toute tentative de ce genre ne peut être décidée unilatéralement mais doit faire l’objet d’une entente et obtenir l’accord de toutes les parties.
Sayed Moussawi rappelle qu’en plus de l’iftar donné par l’ambassadeur Pietton, auquel il a assité, une rencontre a eu lieu ces derniers jours entre lui et le chargé d’affaires français. C’est dire que les contacts sont constants et ils sont publics et médiatisés, la France ayant dépassé le complexe du secret sur ses contacts avec le Hezbollah. Toutefois, le dossier du TSL reste un sujet de divergence entre les deux partis. Au début, a précisé sayed Moussawi, la France avait fait du tribunal spécial pour le Liban, une affaire quasi personnelle. Aujourd’hui, cette position est plus nuancée et le président Nicolas Sarkozy a placé en tête de priorités la stabilité libanaise dans son derniers discours devant la conférence des ambassadeurs de son pays. Auparavant, les diplomates français avaient tâté le terrain sur la réaction du Hezbollah au cas où des éléments du parti seraient accusés de l’assassinat du Premier ministre martyr Rafic Hariri et notre réponse a été claire : une telle accusation est la voie la plus rapide vers la guerre civile. Nous sommes naturellement convaincus qu’il s’agit d’une tentative politique de s’en prendre à la résistance, en disant aux sunnites que des chiites ont tué leur leader. Cette accusation éventuelle est d’autant plus suspecte qu’elle intervient après des accusations similaires  portées contre la Syrie qui se sont évaporées comme par miracle lorsque les relations entre la Syrie et la communauté internationale se sont améliorées…
Maintenant, c’est le tour du Hezbollah d’être visé et certaines voix s’élèvent pour dire qu’il faut prendre notre réaction à la légère et que nous cherchons simplement à faire peur. Ce n’est évidemment pas vrai. Pour nous, il ne s’agit pas d’assurer la stabilité aux dépens de la justice. Au contraire, nous voulons la justice, mais une justice « juste » et fondée sur des éléments concrets, non sur des considérations politiques.  En ce qui nous concerne, nous demandons à la communauté internationale de cesser d’utiliser cette affaire et d’en faire une partie d’un vaste plan visant à affaiblir la résistance. Le Liban ne supporte pas que l’on joue avec ses équilibres confessionnels et avec sa fragile sécurité. Ceux qui se considèrent comme les amis du Liban doivent aider à désamorcer cette bombe à retardement… ».
A partir de ces constantes, toute rencontre devient possible et c’est aux deux parties, précise sayed Ammar Moussawi, de définir le niveau de leurs rencontres. Il rappelle aussi qu’il y a deux mois, l’ambassadeur de France s’est entretenu avec cheikh Naïm Kassem, « alors que chaque délégation française au Liban prévoit dans son emploi du temps libanais une rencontre avec des responsables du Hezbollah. De même que certains responsables, notamment du centre de documentation du parti sont invités à participer à des forums en France… ».
Une éventuelle rencontre entre l’ambassadeur Pietton et sayed Nasrallah - si elle se vérifie- constituerait donc un développement tout à fait normal. Elle aurait surtout une valeur symbolique de la part de la France, d’autant qu’à peine l’écho publié dans la presse libanaise, de vives protestations lancées par les dirigeants israéliens et dans la presse israélienne (notamment le quotidien Yedioth Aharonot) ont commencé à se faire entendre. Si l’information se concrétise, cela signifierait  que le climat général en Europe aurait changé et que l’Europe serait de moins en moins convaincue des positions israéliennes.

Comments

//