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Après le putsch manqué: Erdogan plus autoritaire, la Turquie plus faible

Après le putsch manqué: Erdogan plus autoritaire, la Turquie plus faible
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   Par Samer R. Zoughaib

La tentative de coup d’Etat avorté en Turquie aura des répercussions négatives sur la stabilité politique du pays, sa cohésion sociale, sa situation économique et son rôle régional. Le président Recep Tayyeb Erdogan va concentrer davantage les pouvoirs entre ses mains dans une Turquie plus faible que jamais.

Après le putsch manqué: Erdogan plus autoritaire, la Turquie plus faible

Après la tentative de coup d’Etat en Turquie, condamnée par tous les partis politiques représentés au Parlement, Recep Tayyeb Erdogan avait le choix entre deux attitudes: le consensus et l’unité, ou la répression et la vengeance. Les premiers indices montrent que le président turc a choisi la seconde voie. Il semble qu’il veuille profiter du coup d’Etat avorté pour régler ses comptes avec ses détracteurs, éliminer ses opposants et raffermir son autorité dans le but de réaliser son objectif premier, qui consiste à concentrer entre ses mains tous les pouvoirs. Il n’a d’ailleurs pas caché ses intentions de procéder à une purge profonde, en promettant, dimanche, d'éliminer «le virus» factieux au sein de l'Etat turc. «Nous allons éliminer le virus de toutes les institutions étatiques», a lancé M. Erdogan, qui s'exprimait lors d'une cérémonie à la mosquée Al-Fatih d’Istanbul en mémoire des victimes des soldats rebelles.
Les forces de police, qui sont restées globalement fidèles à Erdogan pendant le déroulement du coup d’Etat, avaient procédé, 36 heures après les événements, à plus de 6000 arrestations. Des dizaines de généraux, de juges et de procureurs ont été arrêtés dimanche lors de coups de filet dans toute la Turquie pour leur implication présumée dans le putsch manqué, qui a fait au moins 265 morts à Ankara et Istanbul.
C’est une véritable purge qui est en cours au sein de l’armée et de la Justice, qui se déroule d’une manière douteuse quant au respect des lois. Des partisans du prédicateur Fathallah Gulen, installé aux Etats-Unis et qu’Erdogan accuse d’être à l’origine du coup d’Etat, ont également été appréhendés. Cette rafle, qui se déroule sur tout le territoire turc, a suscité de vives inquiétudes dans le monde.

Mandats d’arrêt contre 2745 magistrats

Trente-quatre généraux de différents grades ont été arrêtés jusqu'à présent. Il s'agit notamment de figures emblématiques de l'armée comme Erdal Ozturk, commandant de la troisième armée et Adem Huduti, commandant de la deuxième armée. Tôt dimanche, dans la ville de Denizli (ouest), le commandant de la garnison Ozhan Ozbakir été arrêté avec 51 soldats. Un haut gradé de l'armée de l'air et d'autres militaires de haut rang ont été arrêtés pour leur implication présumée dans le putsch sur la base d'Incirlik (sud).
Erdogan fait le ménage même dans ses cercles les plus proches. Son aide de camp, le colonel Ali Yazici, a été placé en garde à vue dimanche dans le cadre de l'enquête.
L'agence officielle Anadolu, proche des services de renseignements dirigés par un fidèle d’Erdogan, rapporte que des mandats d'arrêt ont été délivrés à l'encontre de 2745 juges et procureurs dans toute la Turquie.
Autre signe d’une dérive autoritaire, le président Erdogan a évoqué dimanche un possible rétablissement de la peine capitale en Turquie, abolie en 2004 dans le cadre de la candidature d'adhésion d'Ankara à l'Union européenne. «Nous entendons cette demande qui est la vôtre», a répondu le chef de l'Etat à des sympathisants qui réclamaient l'exécution des putschistes. «Je pense que notre gouvernement va en discuter avec l'opposition et qu'une décision sera sans aucun doute prise», a-t-il ajouté dans un discours à Istanbul. D’ailleurs, ses partisans n’ont pas attendu le rétablissement de la peine de mort, des vidéos sur l’égorgement et la décapitation de soldats putschistes sur le pont du Bosphore ont fait le tour du monde.
Cette purge au sein de l’armée va porter un coup sérieux à cette institution, qui est à l’origine de la fondation de la Turquie moderne. En l’affaiblissant, Erdogan risque de miner l’un des fondements de la République, ce qui risque d’ouvrir une grande plaie dans le corps de la nation.    

De lourdes conséquences sur l’économie

La tentative de coup d’Etat militaire risque aussi d’être lourde de conséquences pour l’économie turque. L’agence Bloomberg a estimé, dimanche, que l'instabilité politique pourrait déboucher sur une véritable catastrophe pour le pays, qui finance la plupart de ses transactions au moyen d'investissements étrangers. Selon les analystes, le déficit budgétaire turc pourrait atteindre 4,5%.
«Quelle que soit la stratégie que le gouvernement turc adoptera en vue de résoudre les problèmes politiques accumulés dans le pays, le marché boursier risque de perdre jusqu'à 20%, estime Emad Mostaque, analyste des marchés en voie de développement chez la société de conseil Ecstrat.
En outre, l'instabilité pourrait déboucher sur un ralentissement économique généralisé pour tous les pays à croissance économique rapide», ajoute l'expert.
Depuis les événements d’Ankara et d’Istanbul, la livre turque a déjà plongé de 4,6%, passant sous le seuil symbolique de 3,0157 pour un dollar et battant un nouveau record vieux de huit ans.
Le président turc pourrait réussir, à moyen terme, à raffermir son contrôle sur le pays et même à réaliser son vieux rêve de modifier la Constitution pour transformer la Turquie de démocratie parlementaire en système présidentiel. Cela ne signifie pour autant que la Turquie sortira renforcée de ces événements. C’est plutôt le contraire qui va se produire, le pays va voir son influence régionale baisser, car il va s’enfoncer dans une période d’instabilité politique et de troubles sociaux. Erdogan va devoir recentrer tous ses efforts vers l’intérieur, ce qui le contraindra de se désengager des dossiers régionaux, notamment en Syrie, où son rôle a consisté ces cinq dernières années à soutenir des groupes extrémistes dans l’espoir de renverser le président Bachar al-Assad. Son attitude n’était pas moins belliciste vis-à-vis de l’Irak, où il a dépêché un contingent près de Mossoul, malgré les protestations répétées de Bagdad.
Erdogan, qui se voyait déjà dans les habits d’un sultan exerçant son pouvoir d’Istanbul à Bagdad, en passant par Damas, n’est plus aujourd’hui que le président contesté d’un pays affaibli.

Source: french.alahednews

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