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Union européenne, un brouillard sur le monde des affaires

Union européenne, un brouillard sur le monde des affaires
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Eline Briant, Paris

Avec Philippe Arondel

Après une levée de boucliers en France, la directive européenne sur la protection des informations des entreprises a finalement fini par être validée à Bruxelles. Cette disposition qui pourrait bien compliquer le travail des journalistes et l’émergence de lanceurs d’alerte a été signée juste après le nouveau scandale Panama Papers.

Pendant ce temps, en France, Michel Sapin, le Ministre des Finances, a présenté son projet de loi sur la transparence financière pour «permettre à la France de se placer au niveau des meilleurs standards internationaux».

Alors, ce texte, adopté en conseil des ministres, qui vise juste à élargir les compétences de l’actuel Service central de prévention de la corruption serait peut-être l'occasion, pour l’Assemblée nationale, d’effacer ce désastreux précédent sur le secret des affaires.

Mais au niveau européen, on semble nager en pleine thèse/anti-thèse où la cohérence des mots ne semblent pas correspondre avec les textes signés ci et là.

Monsieur Philippe Arondel, économiste, essayiste, auteur de «Gouvernance, une démocratie sans le peuple» nous offre son analyse.

Union européenne, un brouillard sur le monde des affaires

1/ Il y a près d'un mois l'Union Européenne votait la loi sur le secret des affaires, que prévoit cette loi exactement ? Est-ce véritablement pour protéger les petites entreprises ? Ou pouvons-nous y voir un projet de sécurisation plus globale des grandes multinationales telles que... Monsanto et ses produits ultra dangereux par exemple ?

Cette loi tente une synthèse entre le désir -légitime- de protéger les entreprises européennes face à des concurrents étrangers prêts à tout pour l’emporter dans la «guerre économique» et le souci -non moins légitime- de permettre aux lanceurs d’alerte d’effectuer leur travail citoyen de dénonciation de certaines turpitudes des multinationales. Y parvient-il ou est-ce simplement de la poudre aux yeux ? Je crois que, refusant de céder à quelque extrémisme que ce soit, il faut admettre que ce texte constitue une avancée- certes mince mais réelle- puisque, selon son article 4.2, il rend possible, au nom de la notion «d’intérêt public», un travail d’investigation relativement libre de la part des lanceurs d’alerte et des journalistes. Il reste- et c’est sans doute cela qui pose problème aux yeux de certains représentants des ONG- que le texte  actuel est empreint d’une forme de minimalisme gênant concernant les lanceurs d’alerte…et qu’il faudra sans doute attendre de nombreuses années avant que l’on dispose d’une jurisprudence fine et fournie en la matière.

2/ A ce sujet, certains éditoriaux avancent un rapport entre le scandale de panama papers et loi sur le secret des affaires. Et vous, qu'en dites-vous ?

Il est très difficile de donner une réponse à cette question, même si on ne peut s’empêcher de penser que «certains»- et ces «certains sont très connus, ont parfois pignon sur rue à Bruxelles !- ont à cœur de bloquer toute tentative de  remise en cause de leurs privilèges, de mettre à nu leurs pratiques douteuses. Il faut cependant, là encore, faire preuve d’un grand sens de la mesure, la philosophie de la transparence présidant aux déballages médiatiques actuels n’étant pas exempte d’ambiguïté. La volonté de transparence peut, dans un contexte de guerre des propagandes mondialisées, couvrir les pires manœuvres subversives…ou, au contraire, nous révéler des vérités interdites. Sachons donc raison garder à un moment historique où, sur fond de confusion intellectuelle, s’aiguisent les affrontements entre puissances…parfois présentées comme amies !

3/ Le scandale panama papers aurait-il été possible avec cette directive ? (la loi sur le secret des affaires était en discussion depuis déjà de nombreuses semaines)

Sur ce point précis, toute analyse paraît incongrue, dans la mesure où le texte de la directive va désormais être transposée dans chaque droit national- la France a deux ans pour le faire- et que, pour l’instant, nous ne savons pas bien quelle liberté éventuelle celle-ci va prendre par rapport au texte adopté par le Parlement européen  le 14 avril dernier, d’ailleurs à une très large majorité.

4/ A ce sujet, j'aurais souhaité savoir ce que vous pensez de cette affaire. Pourquoi un tel scandale aujourd'hui ?

S’il n’est pas question de nier la pertinence de nombre des accusations portées, on ne peut néanmoins manquer de s’interroger sur la finalité  d’une opération qui a nécessité des moyens, tant matériels que journalistiques, très importants, avec une forme de coopération internationale rarement vue. Quel est le but réellement poursuivi par nos soi-disant «chevaliers blancs»…qui semblent avoir, en certains cas, une indignation plus que sélective, en recyclant notamment des informations assez vieilles et pas toutes vérifiées ?

5/ Affaire luxleaks, aujourdhui panama papers... les Etats Unis jamais véritablement visés... ?

Certaines rumeurs insistantes- difficiles à vérifier- semblent attester l’idée que certains oligarques américains seraient à la manœuvre en poursuivant un «agenda» de déstabilisation de nations, telle la Russie par exemple, au cœur d’une redéfinition de la géopolitique dominante. Bref, et quelques commentateurs n’hésitent pas à franchir le pas, «l’impérialisme américain» orchestrerait toute cette offensive se parant des plus belles vertus civiques. Force est cependant de constater que, au moment où nous nous exprimons, ce sentiment de «complot» n’est pas suffisamment étayé pour que l’on s’y rallie sans réticence.

6/ Y a-t-il concrètement un moyen de lutte contre l'évasion fiscale d'une part et d'autre part de protection des populations face au pouvoir sans cesse croissant des multinationales ?

Il est urgent et vital de comprendre que l’on ne pourra, dans les années qui viennent, faire face au phénomène d’évasion fiscale qu’en rompant avec l’idéologie néo-libérale et en  reconstruisant de véritables Etats souverains, dédiés au bien commun…et n’hésitant à faire rendre gorge à tous ceux qui sont pris la main dans le sac. Sans cette véritable «révolution culturelle»- qui, vu les rapports de force actuels, est loin d’être acquise- il ne saurait y avoir de changement profond en ce sujet domaine, avec, à la clé, des désordres sociaux de grande ampleur.

Source : French.alahednews

 

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