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Un programme américain à plusieurs volets pour détruire l’image du Hezbollah (2)

Un programme américain à plusieurs volets pour détruire l’image du Hezbollah (2)
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Par Soraya Hélou

Depuis la guerre de 2006 et la victoire, reconnue même par les Israéliens, du Hezbollah, l’administration américaine de George Bush a décidé de lancer un vaste programme pour détruire l’image rayonnante de cette formation. Cette guerre, voulue par cette administration comme un élément du plan d’édification d’un nouveau Moyen orient, a montré en effet de façon spectaculaire la puissance du Hezbollah, non seulement militaire, mais aussi sur le plan populaire, ainsi que la grande confiance dont il jouit auprès d’une partie importante de la population. Il était désormais impossible de songer à contrôler le Liban, sans détruire le Hezbollah. Comme ce ne fut pas possible militairement, il fallait donc songer à d’autres moyens plus subtils.
C’est ainsi que, de l’aveu même du secrétaire d’Etat adjoint Jeffrey Feltman, la somme non négligeable de 500 millions de dollars a été débloquée pour établir un programme à dimensions multiples et le mettre en application. Visiblement, le projet n’a pas été abandonné par l’actuelle administration, puisque le même Feltman a été maintenu à son poste et c’est très récemment qu’il a révélé devant le Congress de son pays que 500 millions de dollars ont été consacrés à la destruction de l’image du Hezbollah.  Des bureaux spécialisés dans les questions d’image ont donc été mis à contribution et il a été convenu de lancer le programme dans plusieurs domaines sociaux, culturels et médiatiques. Le fil conducteur du programme est basé sur le concept suivant: il faut éroder l’influence du Hezbollah en se concentrant sur un point en particulier: l’influence iranienne sur lui et le fait qu’il serait en quelque sorte étranger au tissu libanais, un peu comme une pièce rapportée qui n’a pas de racines profondes au sein de la population. Médiatiquement, ce plan a consisté dans une vaste campagne visant à montrer le Hezbollah comme une formation dédiée au martyre, cherchant et appelant de tous ses vœux la mort, alors que les Libanais, dans toutes leurs confessions, sont connus pour leur joie de vivre et leur don inégalé pour profiter de tous les plaisirs qu’offre la vie à
l’occidentale et à l’orientale et de saisir toutes les occasions pour s’amuser. Selon les concepteurs du projet, les chiites libanais ne sont pas différents de leurs compatriotes des autres communautés. Pour l’instant, le Hezbollah est trop puissant et parvient à imposer sa conception « austère » de l’existence, mais si on leur ouvre des opportunités, ils finiront par revenir à leur véritable nature libanaise de personnes cherchant les plaisirs et le profit rapide, vivant dans l’instant présent sans projection dans
l’avenir.
La campagne a donc été menée sur plusieurs fronts: sur le plan politique, les pro-américains doivent multiplier les déclarations pour maintenir la pression sur le Hezbollah. En même temps, sur le plan confessionnel, il faut s’employer à raviver en permanence les tensions confessionnelles: les chrétiens doivent continuer à avoir peur des chiites, alors que le vieux conflit communautaire entre sunnites et chiites doit être alimenté et nourri pour rester vivace dans les esprits. L’idée est de forcer les Libanais non chiites à considérer le Hezbollah comme une force hostile, autonome et dotée d’un agenda propre qui ne sert pas les intérêts du pays. Ce travail de sape s’accompagne d’une action similaire, plus subtile, au sein de la communauté chiite elle-même. Dans ce domaine, il s’agit d’attirer les chiites hors de la sphère du Hezbollah en leur faisant miroiter les plaisirs et la douceur de vivre libanaise. Selon les théoriciens de ce plan, la grande influence du Hezbollah sur la communauté chiite libanaise est axée sur trois éléments: la force militaire qui séduit et fait peur, la dimension religieuse qui maintient la population sous sa coupe par la foi et enfin les moyens financiers et sociaux qui, dans un pays où l’Etat ne se soucie pas des questions sociales, sont importants pour une population livrée à elle-même et à la charité des associations de bienfaisance souvent confessionnelles. Enfin, l’élément le plus important est de donner aux chiites du Liban une alternative, en leur montrant qu’il existe une autre voie pour eux que celle de suivre le Hezbollah, tout en ne perdant pas leur identité chiite, ni leurs convictions. Le plan américain, financé à coups de millions de dollars, s’articule donc autour de ces quatre axes. On voit ainsi depuis quelques années, une volonté délibérée de la part de certaines universités étrangères installées au Liban d’encourager les étudiants chiites à poursuivre des études supérieures chez elles dans le but non dissimulé de les attirer par la culture et
l’enseignement et de les éloigner de la religion et du Hezbollah. En contact avec les autres étudiants de différentes communautés, ils deviennent plus sensibles à leur mode de vie et certains d’entre eux seront forcément attirés par lui. La drogue aidant, ils deviennent une proie plus facile et se détourneront du Hezbollah et de sa résistance contre "Israël". Les étudiants ne sont d’ailleurs pas la seule cible. Les jeunes en général, chômeurs et sans avenir clair sont aussi visés ainsi que toutes les victimes des inégalités sociales nombreuses au Liban. Ce n’est pas un hasard si les ONG étrangères, américaines et européennes axent une grande de leur action dans la banlieue sud, au Sud et dans la Békaa. Officiellement, il s’agit des régions défavorisées qui ont le plus besoin d’aide. Mais en même temps, ces ONG procèdent à un recensement précis des habitants et surtout de ceux qui sont le plus susceptibles d’être tentés par leurs offres. Les ONG s’implantent ainsi dans le cœur des régions à majorité chiite et peuvent ainsi avoir les mains libres pour mener à bien leur action d’infiltration des chiites pour les éloigner du Hezbollah. Consciemment ou non, certaines de ces ONG jouent donc le jeu du programme américain de destruction de l’image du Hezbollah. Un programme qui, comme on le voit, est de longue haleine. La guerre contre le Hezbollah revêt ainsi des formes de plus en plus inattendues et elle ne semble pas de voir s’arrêter de sitôt.  

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