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Sayed Nasrallah: Aucun membre du Hezbollah n’est accusé par le TSL

Sayed Nasrallah: Aucun membre du Hezbollah n’est accusé par le TSL
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Le secrétaire général du Hezbollah Sayed Hassan Nasrallah a affirmé, dans une interview accordée à la chaîne « Al Manar », que des membres et des sympathisants du Hezbollah ont été bel et bien convoqués pour être entendus par le bureau du procureur général du Tribunal spécial pour le Liban, chargé d'enquêter sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. Il a ajouté qu’ils ont été entendus en tant que témoins, soulignant que ce n'est pas la première fois qu'une telle convocation a eu lieu.  Voici le texte de l’interview.


Amr Nassif: Nous voulons savoir  dans quelle mesure les informations diffusées par les médias sur la convocation des membres du Hezbollah par le bureau du procureur général du TSL sont exactes ? 


Sayed Nasrallah: C'est vrai qu’au cours des dernières semaines, le bureau du procureur général du TSL a convoqué des membres du Hezbollah et des proches du parti pour leur interroger.
 
Amr Nassif: Peut-on connaître le nombre des personnes convoquées?    


Sayed Nasrallah: Je crois qu'elles sont 12, entre les membres et les proches du parti. Six autres personnes seront bientôt entendues, mais nous sommes en train de vérifier s’il s’agit de membres du parti ou de simples amis. 


Amr Nassif: Est-ce la première fois que des membres de Hezbollah sont convoqués dans le cadre de l'enquête du TSL?


Sayed Nasrallah: Non, ceci n'est pas nouveau. Les premières convocations, voire les principales remontent à 2008, plus précisément après les événements de 7 mai et avant la libération des 4 généraux. Il y en a eu ensuite quelques unes en 2009. Mais en 2008 et 2009, il n’y a pas eu le même tapage médiatique qu’au cours de ces dernières semaines.
En fait en 2005, plusieurs Libanais ont été convoqués pour des motifs mineurs, non en tant que membres du Hezbollah ou pour les interroger sur un de membres du parti.


Amr Nassif: A-t-on interrogé des cadres du Hezbollah?


Sayed Nasrallah: A l'époque précédente ce n'était pas le cas. Mais récemment on a convoqué un responsable culturel, un intellectuel  intéressé par l'écriture des livres et des analyses culturelles, et un autre qui travaille dans le domaine du Jihad et qui est en contact avec nos frères palestiniens surtout ceux des territoires occupés. Il s’agit d’un ami des martyrs Ali Saleh et Ghaleb Awali. On ne peut donc pas parler de dirigeants connus sur la scène politique et médiatique.
  
Amr Nassif: Sur quoi portent les interrogatoires?


Sayed Nasrallah: J'en parlerai plus tard. Nous sommes très soucieux de préserver  le secret des enquêtes. Puisque nous demandons au TSL de rester discret dans l'intérêt de la justice, nous le ferons aussi. Jusqu'à nouvel ordre, nous ne devons pas dévoiler les noms ni le contenu des enquêtes toujours en cours..          


Amr Nassif: Attendez-vous à d'autres convocations dans le futur, et pourrait-on convoquer des cadres du Hezbollah?


Sayed Nasrallah: Nous ne possédons aucune information précise sur ce sujet, mais en se basant sur ce qui circule dans certains salons politiques et sécuritaires ou sur les rumeurs véhiculées par certains journaux au Liban, tout est possible et nous devons tout prévoir. 


Amr Nassif: Est-ce des simples auditions ou des interrogatoires?

Sayed Nasrallah: Il faut bien faire la différence entre ce qui est diffusé par les médias et qui circule dans les salons d'une part et l’entretien officiel, ou semi-officiel qui se déroule entre des représentants du Hezbollah et des membres du bureau du procureur général.  Au cours de cet entretien, plusieurs sujets sont abordés. En tout cas, les membres du TSL nous ont assuré que toutes les personnes sont entendues en tant que témoins et non en tant qu'accusées.   


Amr Nassif: Que pensez-vous de ce qu'on entend aujourd'hui dans les médias?
 
Sayed Nasrallah: En général, nous avons deux hypothèses sur les informations évoquées dans les médias. Concernant les rumeurs répandues non seulement par les médias, mais aussi par les déclarations  des ambassades et des services de renseignements étrangers et arabes, soit elles ont pour but de lancer des accusations politiques et médiatiques pures, soit elles sont liées à la commission d’enquête du TSL. Les deux possibilités peuvent être liées.
Il existe deux versions impliquant le Hezbollah dans l'assassinat: la première parle du "Hezbollah,  de celui qui est avec lui et qui le soutient", quant à la deuxième, elle cherche à atténuer l’accusation en parlant d’ "un groupe au sein du Hezbollah" ou "de membres du Hezbollah", sans impliquer la totalité de la formation. Tout cela devrait être clarifié par le comportement de la commission d'enquête avec nos frères et nos amis.
Revenons aux fuites médiatiques, nous remarquons que c'est le quotidien français "Le Figaro" qui en a parlé le premier dans un article détaillé publié en  août 2006. Plus tard, après les événements de mai 2008, l’hebdomadaire allemand "Der Spiegel", se basant sur l'article français ou sur ses propres sources, a publié, voire confirmé, des détails liés à l’enquête et relatifs aux contacts téléphoniques ainsi qu'à l'installation des réseaux de communication. Selon ces détails, la décision de l'assassinat et ses mobiles tentent  d'impliquer des Etats régionaux.           
En Mars 2009, un autre article a été publié dans le journal koweitien "Assiyassa", orientant les soupçons vers le Hezbollah ou un groupe appartenant au parti. Cet article a été publié un mois après la libération des quatre généraux, alors qu'en 2005 c'est le même journal koweitien qui avait dessiné un scénario impliquant les 4 généraux et la Syrie
En mai 2009, à la veille des élections législatives, c'est "Der Spiegel" qui en parle de nouveau, citant pour la première fois des noms. Ensuite c'est au tour du quotidien français "Le Monde" dans un numéro publié en février 2010 de revenir sur la même thèse.  
Tous ces articles n'ont pas seulement tenté d'accuser le Hezbollah. Ils ont aussi dressé des scénarios, mentionné des personnes, et donné des détails pour conforter leurs accusations. En plus, toutes les révélations étaient attribuées soit à des sources au TSL soit à des sources proches de personnalités politiques libanaises. Ce qui renforce notre opinion sur le fait que ces accusations sont purement politiques et médiatiques.
Tout le monde sait que le 14 février 2005, quelques heures après l'assassinat du premier ministre Rafic Hariri, des accusations ont commencé à être lancées contre la Syrie, son commandement et ses services secrets, tout comme le "système sécuritaire libano-syrien" était mis en cause. Cette accusation politique s’est poursuivie tout au long des 5 dernières années, je peux même dire qu'avant la visite du premier ministre Saad Hariri en Syrie, celle-ci continuait à circuler dans certains milieux.


Amr Nassif: Peut-on affirmer qu'aucun membre du Hezbollah n'a été accusé?


Sayed Nasrallah: Jusqu'à présent, tout en me basant sur des faits, aucun des nôtres n’a été convoqué en tant qu’accusé, mais bien sûr nous ne pouvons pas prédire ce qui se passera dans le futur.
 
Amr Nassif: Que pensez-vous de l'origine des informations circulant dans certains médias?


Sayed Nasrallah: L'accusation politique et médiatique nous vise depuis 2005. Je me souviens encore comment des forces politiques connues et des Etats régionaux ont accusé la Syrie et les hauts officiers libanais. A l'époque, certains responsables israéliens prétendaient que le Hezbollah a tué le premier ministre Hariri, ce sont eux qui nous ont accusés en premier. Pour nous, c’est normal de la part d'"Israël" qui veut se venger, comme il a tenté de le faire après les attentats de septembre 2001 aux Etats Unis, lorsque le lobby israélien a accusé le Hezbollah d’être responsable de ces attentats.
Cette accusation n’a pas fait long feu, vu que le plan en 2001 visait l'Irak et l'Afghanistan afin de contrôler la région. Les attentats ont été utilisés pour servir le projet politique de l’époque.
Même après que les Etats Unis aient accusé "al Qaeda", les Israéliens ont poursuivi leur campagne prétendant qu’il y a une coopération entre "al Qaeda" et le Hezbollah. On a même lu des articles évoquant une prétendue rencontre entre Haj Imad Moughniyeh et Ossama Ben Laden à la frontière pakistano-afghane ou pakistano-iranienne.
Ce même projet d’en finir avec le Hezbollah se poursuit. Avant 2006, on a essayé de le faire en ciblant la Syrie et ses alliés tout en profitant des développements internes libanais, notamment les tiraillements sectaires et religieux. Le projet s’est poursuivi au cours de la guerre de 2006 qui visait à éliminer la résistance et son peuple et à provoquer un changement démographique au sud.  Il a aussi échoué.
Le 7 mai 2008, une nouvelle tentative d’entraîner la résistance dans un conflit sectaire a eu lieu. Mais une fois de plus nous avons surmonté ce piège.
Longtemps marginalisé et neutralisé, le Liban est au contraire, désormais présent sur la scène régionale. Il en est même devenu un des acteurs.  Aujourd'hui, la résistance est plus ciblée qu'auparavant, grâce à son impact et à son rôle dans l'équation locale et régionale. Ce dont nous sommes fiers. C'est donc pour la détruire que plusieurs moyens sont utilisés, y compris celui de ternir son image de mouvement résistant, tantôt en l'accusant de trafic de drogue et tantôt de blanchiment d'argent. Mais même ce moyen n’a pas pu nuire à son image  jihadiste.
Bref, nous considérons la campagne actuelle comme la dernière carte contre la résistance et ses symboles.  Par la suite, je n'écarterai pas la possibilité que le tribunal international ou la commission d'enquête ou encore certaines forces politiques soient impliqués dans la fabrication de tout ce qui a été diffusé par les médias depuis 2006.          


Amr Nassif: Vous venez de révéler un plan  systématique visant à impliquer le Hezbollah. Dans quel but ? 


Sayed Nasrallah: Je me rappelle qu'en mai 2009, au moment des législatives, on a dit que le TSL publiera son acte d’accusation dans les trois prochaines semaines. Mais rien ne s'est passé.
La coïncidence aujourd’hui entre les nouvelles convocations et les déclarations de certains responsables et journalistes qui, se rapportant à des sources du TSL, ont fixé le mois d'avril comme date de la publication de l’acte d’accusation nous pousse à dire que ce que nous entendons aujourd'hui dans les salons politiques et sécuritaires ne relève pas de la simple spéculation. 


Amr Nassif: Donc vous n'écartez pas les fuites?


Sayed Nasrallah: Je vous donne trois hypothèses. Dans la première, ces responsables et journalistes ne font que deviner par pure coïncidence le scénario envisagé par la commission d'enquête. Ils ont les mêmes données et aboutissent aux mêmes conclusions. Il me semble étrange en cas de non fuites que des parties politiques et sécuritaires au Liban et dans le monde puissent prédire les noms, les dates, et les scénarios liés à l'enquête.
La seconde hypothèse suppose un fuite d'informations de la part de la commission d'enquête à des parties politiques, sécuritaires et médiatiques qui ont pour rôle de les faire circuler dans des buts politiques, même si l’enquête n’aboutit pas à des résultats.
La troisième hypothèse suppose que les auteurs des informations aient des dons de voyance, comme s'ils étaient des prophètes qui connaissent la voie qui sera celle de la commission d'enquête et les réponses des personnes interrogées.


Amr Nassif: Mais ne considérez-vous pas que n'importe quel média doit se baser sur des informations crédibles sinon il serait la risée du public?


Sayed Nasrallah: C'est pour cela que je parle d'une fuite. Il me semble qu'il existe un scénario envisagé par la commission d'enquête dont on ne sait rien à l'exception de ce qu'on lit dans les journaux. La seule donnée réelle en notre possession est la volonté du TSL d’entendre certains d’entre nous.
En fait, depuis la première commission d'enquête, plusieurs personnes ont été informées des accusations portées contre elles par les médias. Peu après,  elles étaient convoquées pour être entendues. L'histoire de la commission d'enquête et du tribunal est pleine de fuites, en raison sans doute de l’hétérogénéité au sein du tribunal, formé de personnes venant  du Canada, des USA, de la Bretagne, d'Australie et appartenant à d'autres nationalités. Comment explique-t-on les démissions accélérées de plusieurs membres du tribunal, dont certains ont quitté leur poste au bout d’un an. C'est plutôt un mélange où tout le monde est présent… sauf le 8 mars ! Bref, dans un tel tribunal sans contrôle ni cohérence, les fuites peuvent paraître normales.
         
Amr Nassif: Vous attendez-vous à ce que le stade de l’accusation soit dépassé pour atteindre l'élimination pure et simple du Hezbollah par exemple?


Sayed Nasrallah: L'élimination du Hezbollah est une chimère. Je pense donc que le but de cette campagne est de ternir l'image de Hezbollah  qui bénéficie du respect, de la crédibilité, et du soutien d’une grande partie de la population au Liban et dans le monde arabo-musulman. Il s’agit donc de détruire son image avant de lancer contre lui des accusations. Ils mettent à profit le laps de temps avant la publication de l’acte d’accusation pour mener leur campagne de dénigrement et pour exercer des pressions sur le Hezbollah, peut-être pour en définitive lui proposer un deal lié à ses armes et à la résistance contre Israël.


Amr Nassif: Il me semble qu'on veuille poser des obstacles devant vous…  


Sayed Nasrallah: Ils sont sans valeur. Tout le monde doit savoir que rien ne détournera le Hezbollah de sa priorité, la résistance.      
Que ceux qui sont inquiets se rassurent: ni la situation interne, ni l'enquête internationale, ni la situation régionale ne modifieront la priorité du Hezbollah. Nous avons des dirigeants, des cadres et des équipes qui sont seulement concernés par les questions politiques et la situation interne, mais il y a au sein du Hezbollah des gens qui travaillent jour et nuit pour  que la résistance soit plus forte et prête en équipement et en nombre.
 
Amr Nassif: Puisque  vous avez qualifié ces accusations de "politiques", quelle valeur ont-elles?
Sayed Nasrallah: En fait en 2005 c'était aussi une accusation politique dont les répercussions étaient énormes sur les plans politique, social, et sécuritaire. Des pressions ont été exercées pour faire sortir les troupes syriennes du Liban, je ne parle pas des manifestations, mais des pressions et des menaces internationales de la part de Georges Bush et de Jacques Chirac visant la Syrie dont le commandement, sage et calme, a décidé de ne pas entrer dans une confrontation, et de retirer ses troupes du Liban.       
En 2005, plus précisément avant la formation de la commission d'enquête, un grand changement politique a eu lieu au Liban qui s’est répercuté dans les élections législatives. Par exemple, dans certaines régions, on disait que celui qui vote pour les autres listes que celles du mouvement en place, vote en réalité pour les assassins du premier ministre Hariri. Cette même accusation a aussi été utilisée  lors des élections de 2009. La région se dirigeait vers la tourmente suite à cette accusation. La Syrie a vécu également une sorte d'isolement et des tentatives visant à changer son régime, des ouvriers syriens ont été tués au Liban, à cause de ce genre d'accusation.
Bref , l'accusation politique et médiatique a une grande portée et nous ne resterons pas silencieux face à ce genre de pratique.  
C'est clair, nous sommes présents dans le gouvernement ainsi que dans le parlement, et nous n'accepterons jamais que l’on nous lance de telles accusations.
Je ne pense pas qu'on oserait mener la même campagne provocatrice d'avant. On pousserait ainsi le pays vers une radicalisation des positions. Je n'accepterai plus ni l'accusation politique ni celle émanant des médias car elles auront des retombées aussi bien sur la scène régionale que sur le Liban. Nous avons ainsi entendu dire que certains conseillaient à des personnalités étrangères de ne pas nous rencontrer car nous serions impliqués dans l'assassinat du premier ministre Hariri et que nous devrions en être accusés ultérieurement..  


Amr Nassif: Comment évaluez-vous le comportement de la commission d'enquête? Selon vous, cette commission est-elle credible?


Sayed Nasrallah: Tout citoyen libanais a le droit d'évaluer à sa manière le travail de la commission d'enquête. Nous ne cherchons pas à soulever une polémique. J'ai lu aujourd'hui l'interview  de l'ancien ministre Bahije Tabbarah accordée au quotidien "Assafir" qui évoque exactement la phase de la formation de la commission de l'enquête et celle du Tribunal International. De fait, je ne suis pas d'accord avec lui sur quelques points. Cependant, cette interview est, de mon point de vue, pondérée, pointue et technique.     
Je ne vais pas revenir sur la formation, car nous sommes devant un fait accompli qui est le Tribunal spécial pour le Liban. Auparavant, il y avait eu la commission d'enquête, aujourd'hui c'est le bureau du procureur général.  Mais pour nous, c’est un peu la même chose.
Nous avons, toutefois, plusieurs remarques primordiales sur ce sujet:
D'abord, toute commission d'enquête doit respecter le secret aussi bien au niveau des témoins qu'à celui du contenu des enquêtes. Or, cette commission ne l’a pas fait. Toutes les informations étaient disponibles dans les salons, les quotidiens et les médias, ce qui met en doute sa crédibilité et corrobore la thèse de l'exploitation politique de l'enquête.
Ensuite, une commission professionnelle enquêtant  sur un assassinat devrait étudier toutes les pistes, même celles imaginaires, faibles et rares. Par la suite, elle les classera selon leur degré de probabilité et se concentrera sur les suppositions les plus probables placées en tête des priorités.
Or, ce n'est pas le cas de cette commission qui a étudié dès le premier jour une seule hypothèse : la piste de la Syrie et des officiers libanais. Ce qui prouve que l'enquête a été politisée.
Par ailleurs, la recherche et l'audition des faux témoins étaient basées sur cette même hypothèse. Toutes les autres éventualités ont été exclues: celle du "Hezbollah", d'"al Qaida", d'"Israël" ou  même de tout service de renseignements visant à déstabiliser le Liban et la région.
Dès le premier jour, l'hypothèse d'"Israël" a été écartée. Je n'accuse pas "Israël", faute d’éléments. Cependant, j'analyse les faits, comme les autres le font. J'estime que ceux qui écartent la piste israélienne humilient le premier ministre martyr, en laissant croire qu’Israël ne l’assassinerait pas… 
De même, la piste salafiste du groupe des 13 a été prise à la légère. Des responsables politiques et sécuritaires libanais ont dévoilé, à l'époque, l'implication de ce groupe en se basant sur les aveux de ses membres. Peu après, ils ont dit qu'ils se sont rétractés et le dossier a été clos sans que personne ne sache comment, ni ce qu’il est advenu de cette bande…
Cette hypothèse ne sert ni l'ancienne vision de la commission accusant la Syrie et les officiers libanais ni la nouvelle direction inculpant le Hezbollah.


Amr Nassif: Quelle est votre évaluation de la convention sécuritaire libano-américaine d’autant que certains vous accusent de l’exploiter tantôt pour attaquer les FSI qui découvrent des réseaux d'espionnage israéliens, tantôt pour viser le TSL et l'enquête ?


Sayed Nasrallah: Concernant les accusations, ce pays est fait comme ça. Cette convention existe. Certes, le fait de l'annuler ou de la résilier n'influencera pas le TSL, ni  l'enquête internationale.  Cependant, lorsque vous avez une logique difficile à discuter, les autres parties préfèrent vous répondre en lançant des accusations. Il vaudrait mieux débattre des remarques formulées, au lieu de parler des intentions cachées et de prétendus plans…
Il en est de même pour les propos portant sur notre prétendue attaque des FSI et sur l'amendement du don américain approuvé par les ministres de l'opposition dans le cadre du gouvernement d’union.
Aujourd'hui, le ministre Mohamad Fneich a précisé que les ministres précités ont agi de cette façon dans le but de renforcer les FSI et pour  leur fournir les équipements et les moyens nécessaires, non pour les attaquer.
J'ai entendu certains dire que ceux qui critiquent les FSI veulent en fait que les réseaux d’espionnage en faveur d’Israël continuent à être actifs au Liban. Si ces personnes parlent du Hezbollah, c'est ridicule.
Nous avons toujours appelé et coopéré pour dévoiler les réseaux d'espionnage. Moi et mes frères au Hezbollah, nous avons salué les services sécuritaires libanais y compris les FSI, dans maintes cérémonies populaires, à cause de leurs exploits dans ce domaine.
Cependant, ce n’est pas une raison pour passer sous silence les fautes, notamment celles dangereuses. Arrêtons cette absurdité et discutons de l’accord et de ses finalités.   
Nous avons des réserves fondamentales sur la convention. Certes, son volet constitutionnel et législatif  a été abondamment évoqué. L'ancien ministre Bahije Tabbarah, plusieurs avocats et spécialistes ainsi que les députés en ont parlé longuement. Le cabinet, le parlement et le Conseil constitutionnel  sont concernés. Moi, je veux discuter du contenu relatif à des points dangereux.
D'abord, je demande aux ministres, aux députés et aux parties politiques qui disent que cette convention est un « don sans condition » de respecter l'intelligence des Libanais.
De fait, les trois premières lignes de la première page après l'introduction montrent qu'un accord (ici la convention est nommée accord) a été conclu entre les Etats Unis et le Liban précisant les engagements stables et les ressources que chaque pays doit assurer pour soutenir cet accord. Donc, un accord contraignant a été conclu et toute violation de ses clauses de la part du Liban permet aux Etats Unis de s'en retirer.
Par ailleurs, le contenu concerne trois titres: la sécurité, le terrorisme et la dignité nationale que défendent tous les peuples et les gouvernements du monde.
Concernant le sujet sécuritaire, il apparaît  que les Américains ont fourni des équipements à tous les centres de FSI au Liban. Ces équipements consistent en des menottes, des gilets pare-balles, des bottes et des casques... Sous le couvert de ces équipements, les USA ont accès sans obstacles à tous les centres des FSI, peuvent prendre possession de leurs listes et présenter un rapport concernant les effectifs utilisant les équipements ainsi que la manière dont ils le font. De cette façon, nous autorisons les USA à entrer dans toutes les institutions sécuritaires lorsqu'ils le désirent. En réalité, les USA peuvent ainsi prendre les informations qu’ils souhaitent obtenir..
Imaginez vous, à titre d'exemple, qu'un jour un dossier sur un dangereux réseau d'espionnage israélien est détenu au département des renseignements des FSI, le même lieu où se trouvent des équipements fournis par les Américains. Conformément à la convention, ces derniers ont le droit d'y entrer et d’obtenir les informations concernant le réseau.
Au sujet du terrorisme, une clause de l'accord stipule que le gouvernement libanais doit s’assurer que tous les membres des FSI suivant l’entraînement proposé par l’accord ne font pas partie d’une organisation que  les USA considèrent comme terroriste ou même qu’ils n’ont pas commis des actes violant les droits de l'homme. Par ailleurs, un autre texte exige que les membres des FSI ne doivent avoir aucun lien avec ces organisations.  Il est possible que le frère ou le père d'un membre des FSI soit un membre de Hezbollah. Alors, les Américains peuvent lui interdire de suivre l'entraînement.
Le fait de signer cette convention signifie que nous avons, en tant que Libanais, accepté la classification américaine au temps où des Etats importants, l'Union européenne et même les Nations Unis ne l'ont pas fait. De même, notre principale problématique réside dans le fait que les entraînements que subissent les membres et les officiers des FSI qui devraient instaurer la sécurité et la paix, sont basés sur cette culture et cette classification américaines.
Une autre remarque concerne le fait que le droit accordé aux Américains n’est pas limité dans le temps. 

Au sujet de la dignité nationale, l'accord impose à l’Etat libanais de déployer tous ses efforts pour que la somme qui lui a été offerte, soit 50 millions de dollars, (qui ne vaut rien dans les budgets militaires), ne soit pas utilisée ni dans le trafic de drogue, ni dans une quelconque action illicite. C’est insultant !

Nous visons via ces remarques à protéger notre pays et à appuyer  les FSI pour qu'elles puissent démanteler les réseaux d'espionnage. Nous agissons pour que les sessions de formation suivies par les FSI soient ciblées contre l’ennemi israélien, non  contre celui choisi par les Américains.


Amr Nassif: Une question en deux parties: il est fort possible que certains prétendent que ces hypothèses sont théoriques. Or, elles sont pratiquement rejetées ? De plus, que recherchez-vous à travers la discussion de cette convention? Est ce dirigé contre la partie qui  l'a conclue ou bien voulez-vous son annulation ?


Sayed Nasrallah: Tout le monde sait que nous ne visons personne, ni le directeur général des FSI, ni le ministre de l'Intérieur, ni l'ex Premier ministre ni l'actuel. Nous avons lu l’info publiée à ce sujet dans le quotidien "Assafir" et nous avons présenté le dossier à la commission parlementaire de l'Information et de Télécoms. Notre objectif est de traiter cette question, que nous jugeons dangereuse, soit en l'annulant, soit en l'amendant. Au Hezbollah, ce qui nous importe  c’est que cette convention contient des points dangereux. Nous avons des remarques à faire à ce sujet, c’est tout. J'estime que l’avantage de l'évocation de ce sujet est de mettre en lumière  les dogmes, que les stagiaires des FSI étudient lors des entrainements.
J’ai devant moi un fascicule qu’on distribue aux stagiaires des FSI: l’article 3 porte sur le terrorisme international. Il classe les principales organisations terroristes internationales selon divers critères: les extrémistes religieux y compris les groupes soutenus par certains pays, les organisations palestiniennes radicales  En tête de la liste, figure Al-Qaeda, puis en second plan,   le Hezbollah, puis vient le Hamas et ensuite le Jihad islamique, le Front populaire pour la libération de Palestine, le Front populaire-commandement général. Toutes ces organisations doivent être combattues dans l’optique américaine. De même, parmi les pays qui soutiennent le terrorisme, on cite Cuba, l'Iran, l'Irak, La Libye, la Corée du Nord, le Soudan, la Syrie. Or, Israël qui a commis, de 1948 jusqu'en 2006, des massacres au Liban ne figure pas surs la liste américaine des Etats terroristes.
Hier, certains m'ont notifié, sans avoir un document officiel, qu'il y a eu de la part du chef des FSI des tentatives pour régler certaines parties contestées de cette convention : il a envoyé une lettre à l’ambassade des USA dans laquelle il précise que les documents sur l'entraînement suivi par les membres des FSI considèrent l'Iran et la Syrie comme des pays terroristes. Or, pour le Liban, ce sont des pays amis. De plus, au sujet du terrorisme, ils mentionnent le Hezbollah qui est pour nous un parti libanais ayant des députés, des ministres et une résistance. Certes, nous remercions le général Rifi pour cette initiative, mais cette lettre n'impose aucune obligation aux Américains après que le gouvernement libanais ait accepté la classification américaine des organisations terroristes. C'est bien que les membres des FSI s'entrainent. Mais, le plus grave dans toute cette affaire ce sont les classifications et la culture et l’idéologie qu’on inculque aux membres des FSI.
Par ailleurs, le cabinet libanais s'est engagé via cette convention à dispenser les Américains de payer les impôts et à leur octroyer une immunité diplomatique. Sous le prétexte du matériel et des équipements, les USA peuvent faire entrer au Liban des personnes dans le genre de celles qui ont assassiné le dirigeant de Hamas Mahmoud al Mabhouh.  Les services de renseignements libanais ne peuvent pas les arrêter ou les détenir. En cas de doute, elles sont uniquement expulsées hors du Liban. Tout ce qu’on veut c’est que ce point soit corrigé. Comment?  Je ne sais pas, un projet sera présenté au président du parlement qui va examiner la constitutionalité de cet accord, le président de la république a aussi le droit de le faire. Le Premier ministre peut également demander qu’on discute l’accord. Je répète : nul ne veut affaiblir les forces de sécurité libanaises. Nous voulons  des institutions sécuritaires fortes mais dans des conditions qui préservent la dignité, la souveraineté et la sécurité nationale.


Amr Nassif: La solution que vous avez présentée exige un accord interne et un dialogue au Liban, et c’est là qu'on peut s'interroger sur la table du dialogue, et le timing de la formation du comité du dialogue national, sont-ils liés à la rencontre à Damas qui vous a réuni avec les présidents Bachar al-Assad, et Ahmadi Najad?


Sayed Nasrallah: Je ne le crois pas, c'est vrai que cela a été dit et même certains de nos amis l’ont analysé de cette façon, quant à moi, je ne pense pas que le président de la république a appelé à la table de dialogue en réponse à la réunion de Damas. Des semaines avant la rencontre de Damas, j'étais au courant des préparatifs effectués dans l'entourage du président concernant le lieu, le temps et la forme de la table de dialogue. Je ne crois pas qu'il existe un lien entre la date de la table de dialogue et la réunion de Damas.


Amr Nassif: Le timing  est-il donc lié à la pression exercée par les États-Unis?


Sayed Nasrallah: C’est possible, en fin de compte les Américains, l'ONU, et son Secrétaire général Ban Ki-moon ne se préoccupent que des armes de la résistance au Liban. Ban parle chaque jour de nos armes, et les Etats-Unis, les pays occidentaux et l'ONU demandent constamment  aux autorités libanaises ce qu'elles font au sujet des armes. Le gouvernement libanais répond que cette question fait l'objet d’un dialogue interne. C'est là qu'ils s'interrogent donc sur le retard de la tenue de ce dialogue. Puisque nous l’avons commencé, il n’y a aucun mal à ce que le dialogue ait pour résultat de réduire  la pression étrangère ou externe exercée sur les autorités libanaises.


Amr Nassif: Permettez-moi de poser une question partagée par des millions. A la table du dialogue, il existe des partis dont la seule préoccupation est de viser la résistance et ses armes, qu’est-ce qui vous oblige à participer à un dialogue en présence de telles parties? 


Sayed Nasrallah: Le Liban comprend des composantes diverses. C’est même un pays particulier, sensible où le dialogue entre les Libanais doit être primordial, même s’il ne mène pas rapidement aux résultats escomptés. En principe, le dialogue doit atteindre des objectifs et donner des résultats, mais je vous assure que parfois le dialogue est en lui-même un résultat. Certains disent  par exemple qu’il n’aboutira à rien, cependant ils y participent, parce que l'existence même de cette table, la rencontre de ces personnes les unes avec les autres et le débat sur certaines questions calment le pays, apaisent la tension, et maintiennent les canaux de communication ouverts. Or, nous en avons grandement besoin au Liban. En fin de compte, nous ne pouvons pas dire que la table de dialogue est sans résultats, même si c’était le minimum requis sur le plan politique, psychologique et moral. D’un autre côté, nous avons notre propre vision, notre logique, nos preuves, et nous sommes capables d’argumenter, quelle que soit la position de l'autre partie, ses intentions, son histoire, sa géographie et sa vision pour l'avenir. Celui qui fuit le dialogue est faible. Alors que celui qui se base sur une logique convaincante et cohérente, est capable de dialoguer même avec ses ennemis, que dire alors si nous sommes face à des amis amers ou à des adversaires… Peut être que  pendant les séances de dialogue, Dieu leur donnera l’inspiration  d'écouter la voix de la raison et de l'accepter… tout est possible.


Amr Nassif: Certaines parties ont pour but de faire comprendre au monde entier qu'il n’y a aucun accord ou consensus sur la question de la  résistance, et il semble que vous leur donnez cette chance?


Sayed Nasrallah: Ce sujet date de 1948. Quant à la phase que nous avons vécue, c'est-à-dire depuis 1982, il existe une division au sujet de la résistance au Liban, et ce n'est pas une tare ni la faute de la résistance s'il y a des gens qui ne l'adoptent pas ou conspirent contre elle. Ce n’est pas non plus sa faute s’il existe une division à son sujet.
L’absence de consensus au sujet de la résistance n’affecte pas celle-ci ni les personnes qui se sont engagées à défendre leur pays, leurs lieux saints et la dignité de leur peuple en se sacrifiant.
Aucune résistance dans l'histoire, ancienne et contemporaine, n'a fait l’objet d’un consensus dans son pays.  Quand on parle d'un occupant, il y a des gens qui coopèrent avec lui, le soutiennent et quand il sort, ils sortent aussi, nous pouvons trouver des exemples partout dans le monde. D'autres personnes préfèrent se mettre à l’écart, mais certaines d’entre elles doutent de la résistance alors que d’autres prient pour son succès. Une autre catégorie  résiste. C’est la vie et c’est  l'Histoire. Notre objectif n’est donc pas d’obtenir un consensus national et nous ne le considérons pas comme une condition pour mener notre action de défense de notre pays, de nos maisons et de nos familles.


Amr Nassif: Certaines parties participant à la table de dialogue vous reprochent également de n’avoir pas exposé votre point de vue et votre vision de la stratégie de défense?


Sayed Nasrallah: Au cours de l'avant-dernière réunion (avant la guerre de 2006), le chef de l'assemblée Nabih Berri qui présidait la table de dialogue à l'époque, a demandé  qui était prêt à commencer le débat sur la stratégie de défense. Personne ne l'était, il m’a alors donné la parole et j'ai improvisé sans avoir aucun papier en main. Mais ce sujet est pour moi aussi naturel que le fait de manger et de boire. Cest comme prier…J'ai parlé pendant longtemps et j’ai expliqué ma vision de l'option militaire, et cela a été enregistré. Tout le monde a noté le compte rendu de la réunion. Nous avons soumis cette vision à nos interlocuteurs. Quelques semaines plus tard, nous l’avons appliquée dans la guerre de Juillet, dont nous sommes sortis vainqueurs et nous avons prouvé à quel point notre vision était correcte. Après la guerre, la table de dialogue a redémarré. Certaines parties ont présenté leurs visions respectives, d’autres n'ont rien présenté. On dit que nous n'avons rien proposé, ce qui n’est pas vrai car nous avons été les premiers à le faire.

Vous me direz qu’il vaut mieux présenter notre point de vue par écrit, je vous réponds oui, il se peut que nous le fassions plus tard. Mais nous attendons les exposés des autres parties. En fin de compte, les feuilles seront distribuées à tout le monde, et en tant que participants, nous lirons les documents présentés par toutes les parties et peut-être que nous bénéficieront des idées et des expériences qui y sont contenues.  Nous utiliserons les points positifs et, en définitive, nous  pourrons offrir une dernière vision à la lumière de la première appliquée en 2006. Les documents des autres parties constitueront un riche matériel à discuter. Mais dire que nous n’avons rien proposé est faux. Nous avons proposé une vision complète, et plus tard nous présenterons quelque chose de bien étudié compte tenu des expériences et des leçons de la guerre de Juillet et celle de la résistance à Gaza.


Amr Nassif: Certains demandent à discuter plusieurs autres points à la table…


Sayyed Nasrallah: Nous n'avons pas d'objection à ce qu’il y ait d'autres sujets,  mais pour l’instant, certaines parties considèrent que les armes du Hezbollah ou de la résistance constituent le grand titre. Ce n’est pourtant pas le cas, et cela ne l’était pas  à la table de dialogue présidée par le Président de la Chambre avant la guerre de Juillet. Si c’était  titre, je n’aurais jamais participé à ces réunions. Le titre était l’adoption d’une stratégie nationale de défense, et dans la nouvelle composition  de la table du dialogue le Président de la République l'a confirmé. Certains ne veulent voir que les armes, pourtant la stratégie de défense est aussi bien politique que militaire. Elle concerne l'ennemi, l'ami, les relations internationales, les alliances ainsi que les conventions et accords.
Il y a aussi une stratégie de sécurité, dont le travail au sujet des réseaux d'espionnage qui est excellent, fait partie. Il existe également une stratégie médiatique, culturelle, économique, financière et une autre sociale comprenant les hôpitaux, les premiers secours, les abris et les lieux pour accueillir les personnes déplacées, et bien sûr, le Centre de gestion des catastrophes, dont on a parlé ces derniers temps.
Il est donc faux de considérer que le seul sujet de la stratégie de défense est "l’aspect militaire". Comment est formé le conseil de sécurité nationale, ou le conseil de défense? Pourquoi les présidents, le ministre de la défense, le commandant de l'armée, les dirigeants des services sécuritaires, ainsi que les ministres de l'information, de l'intérieur, des finances, et  de l'économie assistent-ils à leurs réunions? C'est que le sujet de la défense n'a pas seulement une  dimension militaire, il y a d'autres dimensions que je viens de citer, et sous ces rubriques, on peut discuter beaucoup d'autres .sujets .

Amr Nassif: Peut-on placer la baisse de ton israélien sous le signe  du "calme avant la tempête"?

Sayed Nasrallah: Oui je suis toujours convaincu qu’il s’agit d’un calme qui précède la tempête. Les Israéliens se comportent toujours de la même manière, ils attaquent,  menacent, et si vous avez peur et vous renoncez, ils poursuivent leurs menaces. En revanche, quand ils voient une position ferme et solide au Liban, en Syrie, en Palestine et en Iran, quand ils assistent à une scène comme celle de la rencontre de Damas, ils refont leurs comptes. "Israël" vit aujourd'hui une véritable impasse, il ne peut ni faire la "paix" qui est en fait un règlement, ni déclencher la guerre quand il le souhaite, d’autant que toute guerre dans le futur aura pour objectif israélien "la victoire" qui n'est pas garantie à l'heure actuelle, ni même dans l'avenir prévisible.

Amr Nassif: Le député Walid Joumblatt a été en Syrie. Faut-il féliciter M.Jumblatt ou Sayed Nasrallah?

Sayed Nasrallah: Ce n'est pas une question de félicitation, en fin de compte cette visite est dans l'intérêt de tous les libanais, de la situation politique au Liban, et les relations libano-syriennes. Nous devons toujours regarder devant nous, profiter de l'expérience du passé, et considérer le futur ainsi que les défis à relever par le Liban comme étant la seule obsession qui dicte notre action. Ce qui a été accompli aujourd'hui est en fait un bon résultat. Et je profite de l'occasion pour remercier le président syrien Bachar Assad, car ce n'était pas une question facile. Au contraire elle a fait l’objet de débats et remarques en Syrie et au Liban.
Le président Assad a mis de côté ses considérations personnelles, et, comme on l’a dit dans notre communiqué publié après l’interview qu’il a accordée à votre chaîne, il s'est comporté comme un grand leader arabe responsable, doté d'une vision stratégique du conflit dans la région et de ses priorités. Celles-ci dictent toute relation qui pourrait être établie et permettent de dépasser les évènements et les différends du passé.

Amr Nassif: Le président syrien vous a chargé de la relation de la Syrie avec certaines parties libanaises, ce qui est tout à fait nouveau?


Sayed Nasrallah: J'ai suivi l'interview qu’il vous a accordée. La Syrie a des critères, dont le premier consiste à considérer qu’ "Israël" est l'ennemi. La Syrie veut donc un Liban fort face à toute agression israélienne, et ceci du fait de son engagement patriotique et national. Car tout ce qui nuit au Liban nuit à la Syrie et vice versa. Dans ce cadre, la Syrie a toujours appuyé la résistance surtout dans les moments difficiles, refusant tout complot la visant. Et là je révèle qu'en 2004 au temps où on exerçait des pressions pour faire sortir la Syrie du Liban, le président Assad a refusé la proposition des hauts responsables et dirigeants dans le monde de lui offrir le Liban en échange de son engagement à désarmer la résistance
Pour la Syrie, il y a des questions fondamentales, la résistance, les meilleures relations spéciales avec le Liban stipulées dans l'accord de Taëf en font partie. Ainsi que le fait que le Liban ne serve jamais de base d’attaque contre la Syrie ou mette sa sécurité en péril.
C'est suivant ces critères et priorités que la Syrie établit ses relations avec les différentes parties. Bref, la Syrie accepte l'amitié de toute partie adoptant ces critères, à plus forte raison si cette partie est la résistance elle-même. 
Je trouve donc cette attitude positive et bonne et cette relation solide entre la Syrie et la résistance très normale. Mais cela ne signifie pas, comme l’ont dit certains après le succès de la médiation, que la relation libano-syrienne passe par la porte du Hezbollah. En fait le président syrien a une relation directe avec le président Michel Sleimane, ainsi qu'avec le premier ministre Saad Hariri et le chef de l'assemblée Nabih Berri, c'est une relation entre deux Etats. On disait "deux peuples dans deux pays" mais la réalité c'est que nous sommes "un peuple dans deux pays" grâce à la relation historique, sociale et familiale entre libanais et syriens, donc je ne pense pas que la relation entre les deux pays puisse être limitée à un canal aussi proche soit-il du coeur du commandement syrien.


Amr Nassif: Une relation calme est-elle le maximum auquel vous aspirez ou bien envisagez-vous un futur meilleur?


Sayed Nasrallah: Je souhaite que les relations soient basées dans le futur  sur la coopération.. Je vous rappelle  ce que le président syrien a dit : " nous ne voulons pas interférer dans les affaires libanaises internes, et nous réclamons en échange que les libanais eux-mêmes ne nous le demandent pas.
Cette révision a été faite par le président Bachar Assad même avant 2005, et il m'avait dit lors d'une rencontre après l’élection présidentielle et la formation du gouvernement d’union : « au Liban il y a maintenant un président, un gouvernement, et un parlement c'est à eux d'être responsables, pourquoi donc veulent-ils nous pousser à intervenir dans les détails, dont certains sont personnels et secondaires ? ». C'est la démarche suivie par la Syrie aujourd'hui, et je vous assure que les Syriens n'ont rien demandé à leur alliés et amis présents dans le gouvernement actuel, ni dans celui d'avant. C'est pour cela qu’à chaque fois que des personnalités et forces politiques libanaises se dirigent vers la Syrie, on leur dit "discutez de tout avec nos alliés au Liban et mettez vous d'accord, car nous ne voulons pas intervenir ». 
Pour conclure, je dirais que la Syrie a été courageuse d’adopter cette voie tout en profitant de l'expérience du passé. C’est à nous maintenant de tourner la page comme les Syriens ont déclaré l'avoir tournée. Et de mon point de vue, le Liban a besoin de la Syrie plus que celle-ci  a besoin de lui. C’est  lui qui bénéficiera le plus de toute coopération entre les deux pays dans les différents domaines.


Amr Nassif: A quel point les municipales reflètent-elles l'équilibre des pouvoirs politiques au Liban?


Sayed Nasrallah: Comme partout dans le monde les élections municipales revêtent un aspect de développement, même les listes dépendent plus des familles que de la politique, mais au Liban tout est politisé, même les élections syndicales et celles des conseils d'étudiants aux universités. En fin de compte, je ne pense pas que les municipales reflètent les poids politiques. Par exemple dans certains villages il se peut qu'on forme deux listes appartenant à la même ligne politique, en cas de non consensus entre les familles. Ce n'est donc pas comme les élections législatives, mais il se trouvera certainement des gens qui profiteront des résultats des municipales pour tenter de déterminer les poids politiques.      


Amr Nassif: Voulez-vous que les municipales se tiennent à la date prévue ou bien préférez-vous un report de deux mois ou d’un an?


Sayed Nasrallah: Nous sommes ouverts à toutes les possibilités, et nous tenons le même langage dans les coulisses. On lit dans les journaux que certaines parties politiques veulent reporter les municipales mais personne n'est prêt à en assumer la responsabilité. Et bien moi, je suis prêt à le faire. Le Hezbollah ne craint pas les élections municipales qui n'auront aucun effet sur son influence populaire et politique. Nous et nos frères dans le mouvement Amal sommes présents dans la plupart des municipalités. Bref nous n'avons rien à craindre, et nous mènerons notre campagne et formerons nos listes. Mais si on nous demande pourquoi nous préférons le report, je dirai que nous avons toujours besoin de calmer la situation alors que les municipales créeront des conflits dans des villes et des villages.
Nous disons alors : donnez au gouvernement la chance de présenter au peuple une réalisation quelconque. Pour ces raisons, nous n'avons aucun problème à ce que le scrutin se tienne à la date prévue ou soit reporté.


Amr Nassif: Selon quelle loi électorale?


Sayed Nasrallah: Il serait préférable d'attendre pour tenir les élections en même temps que les réformes, il s'agit d'un report technique, c'est la position du général Michel Aoun et nous la soutenons. Mais si tout le monde préfère tenir le scrutin sur la base de l'ancienne loi électorale, nous n'aurons aucun problème.


Amr Nassif: quelle est votre position à l'égard de la loi proportionnelle?

Sayed Nasrallah: Nous étions très clairs quand nous avons exprimé, au sein du cabinet, notre soutien à la proportionnalité dans les grandes municipalités, mais nous considérons son adoption un peu compliquée et créera une confusion dans les villes plus petites dont le nombre des membres du conseil municipal ne dépasse les 18.


Amr Nassif: Entre vous et le mouvement Amal, est-ce une simple entente ou alliance?   

Sayed Nasrallah: Nous nous sommes déjà mis d'accord sur une alliance globale dans toutes les régions, il y aura donc des listes unies comprenant les deux partis. En fait nous avons achevé un brouillon et établi des règles, et il ne reste que les dernières retouches et la formation des comités dans les différentes régions que je pense être facile à accomplir.
Hezbollah et Amal tous deux misent sur la sensibilisation de leurs masses populaires dans les régions qui témoigneront d'une activité électorale, surtout concernant l'importance de poursuivre la coopération et cohésion dont on a toujours besoin surtout qu'elles ont déjà démontré leur efficacité.

Amr Nassif: Que dites-vous de la situation en Palestine qui fait preuve des détails les plus dangereux du projet israélien visant al Qods et la mosquée al Aqsa?


Sayed Nasrallah: Nous sommes connus être francs même si la vérité fait mal. Il ne faut pas que les peuples arabes, musulmans et chrétiens, ni les gouvernements et les forces vives de la nation vivent des illusions concernant al Qods. Il se peut que les israéliens se divergent sur les sujets de Gaza, du Golan, de la cisjordanie, et de la zone frontalière, cependant deux sujets s'avèrent hors question pour les israéliens: "l'état juif" et al Qods comme capitale éternelle de cet état.            
C'est dans ce contexte qu'on peut mettre le discours de Netanyahu à la conférence d'AIPAC depuis les Etats Unis où il a déclaré que "Jérusalem n'est pas une simple colonie mais la capitale éternelle d'Israël" ajoutant que "la colonisation y persistera".
Bref les israéliens sont prêts à discuter, manoeuvrer et nous faire tromper sur la question des colonies dans la cisjordanie mais en ce qui concerne al Qods ils poursuivent la construction des logements, la destruction des maisons palestiniennes et le déplacement des habitants.
Le plan israélien vise à judaïser al Qods au niveau du peuple et des symboles historiques et religieuses dont la mosquée al Aqsa et l'Eglise de Résurrection, en d'autres termes les israéliens projettent d'expulser les musulmans et chrétiens y résidant. Pour atteindre leur but, ils poursuivent la destruction des maisons, le retrait de résidences et nationalités tout en exerçant des restrictions sur la vie des palestiniens. 
Les israéliens cherchent à détruire la mosquée al Aqsa, attendant l'occasion et l'opportun. Il y en a plusieurs façons de le faire, soit d'une manière formelle via des chars et des bulldozers, soit en disant que des extrémistes juifs ont bombardé la mosquée, quant à la troisième façon c'est celle qui est adoptée aujourd'hui et consiste à creuser des tunnels au dessous de la mosquée sainte ce qui conduit à son effondrement.            
Le monde reste silencieux à l'égard de ces grandes excavations au temps où les parties religieuses et politiques ainsi que les responsables des dotations religieuses ont averti du danger qui menace la mosquée. Nous devons donc accorder une grande importance à ce sujet, et se rendre compte des résultats en cas où on ne réagit pas.      
J'ai lu un rapport très bien préparé par l'association d'al Qods comprenant en détails et en nombres toutes les procédures israéliennes dont beaucoup de personnes dans le monde arabo-musulman ne sont pas au courant et se contentent de grands titres.

Amr Nassif: Le sommet arabe a approuvé un montant de 500 millions de dollars, et a demandé au président américain de ne pas renoncer à sa position concernant la colonisation? 


Saye Nasrallah: Concernant l'argent, nous rappelons le grand sommet à Sharm Sheikh suite à l'agression israélienne sur Gaza.

A l'époque, on a parlé de dons de 5 à 6 milliards de dollars pour reconstruire la bande de Gaza. Eh bien dans quelle situation se trouve la bande aujourd'hui? On ne lui permet même pas d'avoir accès au matériel de construction. Bref, ces 500 millions de dollars ne sont que de la propagande. Qu'ils prennent une choix et une décision politiques interdisant la destruction des maisons. Que feront les 500 millions? reconstruiront-ils les maisons délabrées à al Qods, où on les donnera aux palestiniens y résidant pour être enracinés dans leurs terres?
C'est une grande question, alors que parier sur les Etats Unis et le règlement a beaucoup traîné. Nous entendons aujourd'hui les partisans du règlement s'interrogeant "qu'avons-nous récolté autre que les déceptions pendant 18 années de négociations?"

(à suivre)           

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