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Comment mesure-t-on l’islamophobie en France?

Comment mesure-t-on l’islamophobie en France?
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Passés relativement inaperçus dans le fracas de la manifestation Jour de colère, les chiffres des actes antimusulmans commis en 2013 et recensés par l'Observatoire national contre l'islamophobie ont été publiés dimanche 26 janvier. L'année dernière, 226 actes antimusulmans (164 menaces et 62 actions) ont été enregistrés auprès des services de police et de gendarmerie. Cela représente une augmentation de 11,3 % par rapport à 2012, une hausse plus faible que les années précédentes (+ 34 % en 2011, + 28,2 % en 2012).

Parmi les actes en forte augmentation, les responsables de l'Observatoire s'inquiètent des agressions de femmes voilées. Une quinzaine en Ile-de-France et au moins quatre en Champagne-Ardennes ont fait l'objet de plaintes. «Cela confirme le climat malsain qui existe dans notre pays et qui est favorisé par certaines déclarations des hommes politiques», commente le président de l'Observatoire, Abdallah Zekri, qui, au début de 2013, avait déposé plainte contre Jean-François Copé à propos de son anecdote sur les pains au chocolat, avant de la retirer. L'année dernière, en octobre, M. Zekri avait vu son propre domicile tagué d'insultes du type «Heil Hitler» ou «Les Arabes dehors».

Des chiffres «en dessous de la réalité»


L'Observatoire comptabilise les plaintes transmises au parquet grâce à des remontées de terrain.Comment mesure-t-on l’islamophobie en France? «Les responsables régionaux du CFCM [Conseil français du culte musulman], les recteurs de mosquée, les policiers me tiennent au courant», explique M. Zekri, qui ensuite confronte ses chiffres à ceux recensés par les services du ministère de l'intérieur lors d'une réunion trimestrielle Place Beauvau. «A deux ou trois actes près, nous tombons toujours sur les mêmes données», constate le président de l'Observatoire, pour qui ces chiffres sont en dessous de la réalité». «Il y a au moins 20 % des personnes qui ne vont pas porter plainte», estime-t-il.
Une analyse confirmée par les chercheurs, tel le sociologue Marwan Mohammed, qui a consacré un chapitre de son livre Islamophobie : comment les élites françaises fabriquent le problème musulman, coécrit avec Adbellalli Hajjat, à la mesure de l'islamophobie. «Le recensement des plaintes pour mesurer l'islamophobie est une donnée relativement fragile. Dans les études de victimisation, on remarque que le fait d'aller porter plainte est plutôt faible sur ces questions. Nous ne disposons pas non plus d'étude fiable sur l'accueil qui est réservé aux plaignants par les policiers. Et la plainte peut ensuite être requalifiée, par exemple en incitation à la haine raciale», explique M. Mohammed.

Des divergences politiques

Les chiffres de l'Observatoire sont par exemple très inférieurs à ceux du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qui a lui choisi de recenser les actes sur la base de déclarations de citoyens ou de remontées médiatiques. Ainsi, en 2012, le CCIF avait-il colligé 469 actes islamophobes, tandis que l'Observatoire en avait relevé 201.
Ces divergences sur les chiffres reflètent aussi les divisions politiques entre l'Observatoire et le CCIF. Emanation du Conseil français du culte musulman (CFCM), l'Observatoire a été créé en juin 2011, quelques mois après la signature d'une convention entre le ministre de l'intérieur de l'époque, Brice Hortefeux, et le CFCM pour «mieux suivre» les actes islamophobes. «Nous avions parlé de ces problèmes avec Brice Hortefeux en août 2010 au moment de la signature de la convention. Quand une enquête parlementaire nous a été refusée en 2011 sur ce sujet, nous avons décidé de prendre le taureau par les cornes en créant notre propre structure», se souvient Abdallah Zekri.
Une proximité avec le pouvoir régulièrement dénoncée par le CCIF. Les porte-parole de ce collectif, qui fut à sa naissance proche de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), plus rigoriste, adoptent volontiers un ton plus polémique. Après le contrôle d'une femme voilée à Trappes qui avait dégénéré en émeute en juillet 2013, le CCIF avait ainsi accusé les policiers d'islamophobie.
Les chiffres de l'Observatoire restent donc plus en conformité avec les chiffres recensés par le ministère de l'intérieur. «De fait, aujourd'hui, les chiffres de l'Observatoire sont ceux de Beauvau», analyse M. Mohammed, pour qui l'islamophobie reste mesurable à conditions de croiser les données.
Le chercheur explique s'appuyer sur les dépôts de plainte, sur les chiffres du CCIF, mais aussi sur les enquêtes sociologiques, comme le document «Trajectoires et origines», réalisé par l'Institut national des études démographiques, les études d'opinion de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui pointent régulièrement une hausse du sentiment antimusulman, ou encore les différents testings.

Source : Le Monde

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