Le message de Hariri aux Libanais : le cri d’un impuissant
Par Ibrahim al-Amine*
Le message adressé jeudi dernier par (l'ancien Premier ministre, ndrl) Saad Hariri aux Libanais- les appelant à se révolter contre le Hezbollah, comme étant la première menace pour l'unité et la coexistence au pays- ce message survient huit ans après qu'il a adopté la doctrine «Le Liban d'abord». Hariri a trouvé que «la véritable source de danger au Liban, réside dans le tissu politique du pays, duquel le Hezbollah a réussi à s'approprier une grande part. Cette part transformée en importante force militaire, grâce à l'appui iranien sans précédent, permettant au parti d'imposer sa méthode sur la gestion de la chose publique».
Ceci dit, Hariri aurait besoin d'un discours ou de deux au maximum, avant de déclarer, à haute voix, qu'«Israël» n'est plus le premier ennemi du Liban, mais plutôt la résistance, qui avait chassé l'occupation israélienne et empêché l'ennemi de réoccuper le Liban.
Hariri n'a besoin d'aucune justification pour considérer l'Iran comme étant l'ennemi essentiel. Il a accusé le Hezbollah de «gâter la vie nationale et les relations fraternelles entre les Libanais, y compris les relations entre Sunnites et Chiites; d'altérer les relations entre le Liban et les pays arabes, et de mettre à découvert les intérêts des Libanais, les menaçant de répercussions économiques, financières et politiques; enfin, de flétrir les relations du Liban avec la communauté internationale».
Hariri s'est dit désolé de ne pas être à Beyrouth pour se donner entièrement à la campagne électorale de son courant. Il a omis de répéter les propos, tant ressassés, sur la coexistence, à la manière libanaise. Il a estimé que «les guerres entre les communautés au Liban étaient habituelles, tant que des parties intérieures et arabes nous aidaient à nous redresser». Il a toutefois exprimé «des craintes de ne trouver, cette fois, des frères ou des amis qui nous aideraient à panser les blessures et à déblayer les décombres de la folie confessionnelle».
Que comprenons-nous du message de Hariri?
Ce serait peut-être un discours discutable s'il fut prononcé par un autre, ou précisément, par une partie non impliquée dans la crise syrienne plus que le reste des Libanais, notamment du Hezbollah. Sauf si Hariri insiste toujours sur la version des «couvertures et du lait» offerts aux Syriens.
Cependant, le message a probablement été écrit par un ancien journaliste, qui maitrise parfaitement le jeu de la coexistence et de la critique du Hezbollah. Ce journaliste a voulu exprimer un avis sur ce qui est posé à la discussion entre les Libanais. Mais le problème du texte, de son écrivain et du destinateur, est qu'il n'avance pas une alternative. Il occulte un fait : l'expérience vécue de Hariri et de sa partie au pouvoir a eu des effets néfastes sur le Liban, depuis la fin de la guerre civile et jusqu'à ce jour.
En plus, Hairiri a voulu contourner les réalités politiques. Son discours semble celui d'un homme qui n'a aucun rapport avec ce qui se déroule en Syrie ou qui ne s'intéresse guère aux résultats de la guerre en cours. Comme s'il croyait que les Libanais sont tellement niais pour ignorer qu'il fait partie d'un axe opérant jour et nuit, depuis deux ans, pour détruire la Syrie. Un axe qui tient à se débarrasser du régime syrien mais aussi de tout ce que représente la Syrie. Les Libanais savent que Hariri, s'il fait preuve d'humilité, n'a pas uniquement les yeux braqués sur le palais Mouhajirine, mais plutôt sur le Liban, après le renversement de Bachar Assad. Hariri s'est enrôlé dans la guerre syrienne, dans l'espoir d'y remporter la victoire et puis de l'investir sur la scène libanaise. Hariri occulte la vérité selon laquelle son objectif personnel et politique est d'en finir avec le Hezbollah au Liban, tout en ayant la conviction que la Syrie est le poumon du parti.
Hariri met en garde les Libanais, en l'occurrence les Chiites, au nom de l'axe des démons du Golfe arabe, contre le fait qu'ils payeront le prix fort, s'ils renoncent à la mission de contrer le Hezbollah. Sans oublier de nous rappeler le terme rabâché de «la communauté internationale».
Cependant, le problème majeur réside dans la fuite de Hariri de la confrontation franche et directe. Une attitude adoptée par son camp politique au Liban et ses alliés à l'étranger. Ceux-là sont désormais contre l'intervention étrangère en Syrie, juste parce que la dernière intervention a assuré un appui au président Assad en face des factions combattant aux côtés de l'axe de Hariri. Pouvons-nous demander à Hariri : comment devions-nous prévoir votre discours, si le Hezbollah était intervenu pour soutenir les rebelles? Auriez-vous condamné ou considéré que le sang des combattants du Hezbollah était le pilier de l'unité islamique?
Hariri tente notamment d'éviter d'être confronté à son impuissance. Son impuissance de faire une autocritique qui le poussera à entreprendre un changement global de tout ce qu'il a déjà bâti. Son impuissance de traduire toutes ses gesticulations en véritables actions. Son impuissance, tout comme celle de son camp arabe et international, à confronter des centaines de milliers de Syriens qui attendaient les armées du salut, à la manière de la Libye. Hariri, tout comme son camp, se préparent à une nouvelle fuite en avant ou à une nouvelle aventure du genre qui torpille la région en parcelles.
En effet, un conflit oppose actuellement les parties occidentales, sur la prochaine démarche dans le jeu ouvert sur la scène syrienne. Une partie veut une nouvelle aventure, en dépit de l'échec des offensives américaines dans la dernière décennie. Une autre, préfère éviter une telle aventure, tout en désirant de faire payer aux Syriens et aux Levantins, le prix de ne pas se soumettre à leurs décisions. Hariri semble danser sur une ficelle, combinant les deux points de vue : son cœur aspire à une aventure folle, alors que son esprit est impuissant d'agir. Sauf de publier des communiqués ou de pratiquer l'incitation confessionnelle qui ne lui nuit guère puisqu'il est loin de la scène. Alors que ses partisans en payent le prix.
Article paru le 15 juin 2013, dans le quotidien Al-Akhbar, traduit par l'équipe du site
Le message adressé jeudi dernier par (l'ancien Premier ministre, ndrl) Saad Hariri aux Libanais- les appelant à se révolter contre le Hezbollah, comme étant la première menace pour l'unité et la coexistence au pays- ce message survient huit ans après qu'il a adopté la doctrine «Le Liban d'abord». Hariri a trouvé que «la véritable source de danger au Liban, réside dans le tissu politique du pays, duquel le Hezbollah a réussi à s'approprier une grande part. Cette part transformée en importante force militaire, grâce à l'appui iranien sans précédent, permettant au parti d'imposer sa méthode sur la gestion de la chose publique».
Ceci dit, Hariri aurait besoin d'un discours ou de deux au maximum, avant de déclarer, à haute voix, qu'«Israël» n'est plus le premier ennemi du Liban, mais plutôt la résistance, qui avait chassé l'occupation israélienne et empêché l'ennemi de réoccuper le Liban.
Hariri n'a besoin d'aucune justification pour considérer l'Iran comme étant l'ennemi essentiel. Il a accusé le Hezbollah de «gâter la vie nationale et les relations fraternelles entre les Libanais, y compris les relations entre Sunnites et Chiites; d'altérer les relations entre le Liban et les pays arabes, et de mettre à découvert les intérêts des Libanais, les menaçant de répercussions économiques, financières et politiques; enfin, de flétrir les relations du Liban avec la communauté internationale».
Hariri s'est dit désolé de ne pas être à Beyrouth pour se donner entièrement à la campagne électorale de son courant. Il a omis de répéter les propos, tant ressassés, sur la coexistence, à la manière libanaise. Il a estimé que «les guerres entre les communautés au Liban étaient habituelles, tant que des parties intérieures et arabes nous aidaient à nous redresser». Il a toutefois exprimé «des craintes de ne trouver, cette fois, des frères ou des amis qui nous aideraient à panser les blessures et à déblayer les décombres de la folie confessionnelle».
Que comprenons-nous du message de Hariri?
Ce serait peut-être un discours discutable s'il fut prononcé par un autre, ou précisément, par une partie non impliquée dans la crise syrienne plus que le reste des Libanais, notamment du Hezbollah. Sauf si Hariri insiste toujours sur la version des «couvertures et du lait» offerts aux Syriens.
Cependant, le message a probablement été écrit par un ancien journaliste, qui maitrise parfaitement le jeu de la coexistence et de la critique du Hezbollah. Ce journaliste a voulu exprimer un avis sur ce qui est posé à la discussion entre les Libanais. Mais le problème du texte, de son écrivain et du destinateur, est qu'il n'avance pas une alternative. Il occulte un fait : l'expérience vécue de Hariri et de sa partie au pouvoir a eu des effets néfastes sur le Liban, depuis la fin de la guerre civile et jusqu'à ce jour.
En plus, Hairiri a voulu contourner les réalités politiques. Son discours semble celui d'un homme qui n'a aucun rapport avec ce qui se déroule en Syrie ou qui ne s'intéresse guère aux résultats de la guerre en cours. Comme s'il croyait que les Libanais sont tellement niais pour ignorer qu'il fait partie d'un axe opérant jour et nuit, depuis deux ans, pour détruire la Syrie. Un axe qui tient à se débarrasser du régime syrien mais aussi de tout ce que représente la Syrie. Les Libanais savent que Hariri, s'il fait preuve d'humilité, n'a pas uniquement les yeux braqués sur le palais Mouhajirine, mais plutôt sur le Liban, après le renversement de Bachar Assad. Hariri s'est enrôlé dans la guerre syrienne, dans l'espoir d'y remporter la victoire et puis de l'investir sur la scène libanaise. Hariri occulte la vérité selon laquelle son objectif personnel et politique est d'en finir avec le Hezbollah au Liban, tout en ayant la conviction que la Syrie est le poumon du parti.
Hariri met en garde les Libanais, en l'occurrence les Chiites, au nom de l'axe des démons du Golfe arabe, contre le fait qu'ils payeront le prix fort, s'ils renoncent à la mission de contrer le Hezbollah. Sans oublier de nous rappeler le terme rabâché de «la communauté internationale».
Cependant, le problème majeur réside dans la fuite de Hariri de la confrontation franche et directe. Une attitude adoptée par son camp politique au Liban et ses alliés à l'étranger. Ceux-là sont désormais contre l'intervention étrangère en Syrie, juste parce que la dernière intervention a assuré un appui au président Assad en face des factions combattant aux côtés de l'axe de Hariri. Pouvons-nous demander à Hariri : comment devions-nous prévoir votre discours, si le Hezbollah était intervenu pour soutenir les rebelles? Auriez-vous condamné ou considéré que le sang des combattants du Hezbollah était le pilier de l'unité islamique?
Hariri tente notamment d'éviter d'être confronté à son impuissance. Son impuissance de faire une autocritique qui le poussera à entreprendre un changement global de tout ce qu'il a déjà bâti. Son impuissance de traduire toutes ses gesticulations en véritables actions. Son impuissance, tout comme celle de son camp arabe et international, à confronter des centaines de milliers de Syriens qui attendaient les armées du salut, à la manière de la Libye. Hariri, tout comme son camp, se préparent à une nouvelle fuite en avant ou à une nouvelle aventure du genre qui torpille la région en parcelles.
En effet, un conflit oppose actuellement les parties occidentales, sur la prochaine démarche dans le jeu ouvert sur la scène syrienne. Une partie veut une nouvelle aventure, en dépit de l'échec des offensives américaines dans la dernière décennie. Une autre, préfère éviter une telle aventure, tout en désirant de faire payer aux Syriens et aux Levantins, le prix de ne pas se soumettre à leurs décisions. Hariri semble danser sur une ficelle, combinant les deux points de vue : son cœur aspire à une aventure folle, alors que son esprit est impuissant d'agir. Sauf de publier des communiqués ou de pratiquer l'incitation confessionnelle qui ne lui nuit guère puisqu'il est loin de la scène. Alors que ses partisans en payent le prix.
Article paru le 15 juin 2013, dans le quotidien Al-Akhbar, traduit par l'équipe du site