Hollande nomme son Premier ministre: Jean-Marc Ayrault à Matignon
François Hollande, le premier socialiste élu depuis 17 ans, est désormais le septième président de la Ve République. Passation de pouvoir à l’Elysée, suivie d’un discours d’investiture soulignant le rassemblement de la Nation, Hollande a nommé enfin son Premier ministre. Il a chargé le chef des députés socialistes Jean-Marc Ayrault, âgé de 62 ans, de former son premier gouvernement.
Ayrault, un socialiste réformiste est peu connu du grand public. Germanophile et germanophone, le choix de le nommer pourrait rassurer l’Allemagne, vers laquelle le nouveau président s’est dirigé mardi, en première visite à l’étranger, pour rencontrer la chancelière Angela Merkel.
La nomination de Jean-Marc Ayrault a immédiatement été contestée par les opposants de Hollande, qui avait promis durant sa campagne présidentielle de ne pas avoir dans son équipe des personnes jugées et condamnées. Le problème du nouveau Premier ministre est d’être condamné depuis 1997 à six mois de prison avec sursis, pour favoritisme après un marché accordé sans appel d’offres par l’association qui gérait le bulletin municipal de Nantes, à une société proche du Parti socialiste local.
Son second problème, est d’être dépourvu de toute expérience ministérielle, tout comme le nouveau président de la République. Mais dès sa nomination, il a promis de se mettre au service du pays. « Il y a urgence à le faire. L’équipe qui sera constituée sera d’abord au service du pays », a-t-il affirmé dans sa première déclaration.
Réputé sur la scène française pour son sens de consensus et sa proximité avec le nouveau chef de l’Etat, sa nomination n’a pas été une surprise. Depuis deux semaines son nom revenait dans les conversations au siège du parti socialiste, Hollande ayant annoncé qu’il souhaitait s’associer à une personnalité socialiste qui connait bien le Parlement.
Maire de la ville de Nantes (ouest) depuis 1989 et président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale depuis 1997, Ayrault a longtemps siégé dans l'hémicycle aux côtés de François Hollande, quand celui-ci était premier secrétaire du PS.
Le problème de l’Europe est politique, non juridique
Pour Jean-Marc Ayrault, le problème de l’Europe n’est pas juridique, il est politique. « Tant qu’il n’y a pas de volonté de se battre ensemble, on stagnera », dit-il, en affirmant qu’il savait que la marge de manœuvre était étroite, mais que c’était dans l’épreuve que se forgent les grands ensembles.
Selon ses propos, la réussite de François Hollande à la présidentielle, lui a donné la légitimité politique qui lui permettra de reprendre le dialogue sur d’autres bases avec Angela Merkel.
« D’un côté, il faut remettre de l’ordre dans nos affaires, comme l’a fait l’Allemagne. De l’autre, nous voulons une « Europe de combat » qui cesse de plier l’échine devant les marchés et se dote des moyens politiques pour défendre ses intérêts » avait-il dit dans une déclaration.
« Ce débat existe en Allemagne. Les sociaux-démocrates et les Verts défendent plus fermement qu’auparavant une orientation pro-européenne. Les sociaux-démocrates se sont interrogés sur leur défaite, sur la désaffection du vote ouvrier à leur égard. D’une certaine manière, ils se sont rapprochés de nous » avait-il précisé.
En tant que maire de Nantes, il a noué de nombreuses affinités sur le continent africain, notamment au Bénin. Il y a rencontré en septembre 2011 le chef de l’État, Boni Yayi, et l’ancien président Nicéphore Soglo, actuel maire de Cotonou, avec lequel sa ville a signé un accord de partenariat.
Parfois critiqué pour faire partie d’un trop grand nombre de cercles à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault ne dédaigne clairement pas les sujets internationaux. Comme député, il a fait partie de bon nombre de groupes d’amitié ou d’études, concernant, au côté de la Géorgie et de l’Irlande du Nord, des pays comme l’Afrique du Sud, le Sénégal, le Maroc, le Cameroun ou encore l’Algérie.
En sa fonction de président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, le nouveau Premier ministre s’est même essayé le 3 mars 2011, en plein printemps arabe, à un semblant de discours de politique étrangère appliqué à l’Afrique. Il y avait formé un certain nombre de propositions à l’adresse d’Alain Juppé, alors ministre des Affaires Étrangères. « Il revient à la France de soumettre des programmes d’aides spécifiques, destinés à stimuler la productivité agricole africaine. La France doit avoir le courage de proposer un moratoire des subventions européennes aux produits agricoles exportés vers l’Afrique, afin de rendre compétitives les denrées africaines », avait-il notamment déclaré avant de critiquer la politique migratoire française à l’origine d’une fuite des cerveaux dommageable au continent africain. « Une nouvelle Afrique émerge », avait-il conclu. « Elle mérite une nouvelle politique. » De belles paroles qu’il a désormais les moyens de transformer en actes.
Libye: Ayrault favorable à une solution politique en Libye
Interrogé par France 24, sur l’accord entre les socialistes et l’UMP durant la crise libyenne et s’il accordait la carte blanche au gouvernement et à Nicolas Sarkozy, Jean-Marc Ayrault avait répondu : «Non, pas de carte blanche parce que, d'abord, il n'y a aucune raison sur une affaire aussi grave mais je pense qu'il est important d'être cohérents avec une position que nous avons défendue. Depuis le début - il y a un peu plus de quatre mois - nous demandions qu'il y ait une intervention en Libye pour arrêter le bras sanglant de Kadhafi qui était en train de massacrer son peuple et qui s'apprêtait à écraser la population de Benghazi. Donc la résolution à l'initiative de la France, la résolution du Conseil de Sécurité, la résolution 1973 a été votée, elle a donné un mandat clair qui permet une intervention uniquement aérienne et non pas au sol. C'est sur ce sujet que nous sommes aujourd'hui ». « Pour autant, la solution ne peut pas être que militaire. Il faut qu'elle soit politique » a-t-il souligné.
A propos de la livraison d’armes aux rebelles libyens, Ayrault avait émis des réserves. « Là, nous émettons plus que des réserves, je dirais même des critiques à l'égard de l'initiative qui a été prise par Nicolas Sarkozy. Où vont ces armes exactement ? Vont-elles vraiment aux forces de l'opposition libyenne contre Kadhafi ou sont-elles utilisées par des groupes terroristes ? Il en circule pas mal dans cette région, donc il faut tout de même être extrêmement prudent. Au début, Nicolas Sarkozy et la majorité n'ont pas du tout compris qu'un mouvement populaire démocratique - le printemps arabe - était en train de naître. Ils ont été totalement absents de ce qui se passait en Tunisie et en Egypte. Et là, il y a une espèce de balancier presque excessif dans la façon de faire. Je crois qu'il faut savoir garder la mesure. En même temps, je le reconnais, il faut savoir terminer une guerre ».
La guerre d'Afghanistan une grande difficulté pour la France
Concernant de la guerre d’Afghanistan, Ayrault estime qu’elle est d’une grande difficulté pour la France.
« Je pense que c'est une vraie difficulté. La question a été posée par Bernard Cazeneuve qui parlait au nom des députés socialistes : « Comment allez-vous financer cette dépense supplémentaire ? Au détriment de quel autre poste budgétaire ? » Ça ne peut être que sur le budget de la Défense naturellement. On ne va pas aller prendre sur le budget de l'Education nationale, qui est déjà bien maltraitée par l'actuel gouvernement et l'actuelle majorité. Mais c'est une vraie question. C'est-à-dire que la France a une vocation à intervenir dans un certain nombre de circonstances exceptionnelles dans le cadre d'un mandat des Nations unies mais elle ne peut pas intervenir partout. C'est impossible. Elle ne peut pas non plus le faire durablement ».
Dans le même contexte, il appuie le retrait des troupes françaises de ce pays, mais suite à une concertation avec les alliés, notamment les américains. Il est toutefois pour continuer d’aider les afghans à développer les services publics, dont la santé, l’éducation, l’armée et la police.
Moyen-Orient: on ménage la région, notamment la Syrie, à cause des intérêts particuliers
Concernant la crise syrienne, Ayrault pense que « le peuple syrien qui se révolte contre cette dictature a un courage immense. Maintenant il n'y a plus de raison que les grandes puissances comme la Chine et la Russie qui résistent jusqu'à présent au vote d'une résolution au Conseil de Sécurité ne l'acceptent pas ». Il estime « qu’on ménage cette région, notamment la Syrie, à cause des intérêts particuliers ».
Jean-Marc Ayrault annoncera son gouvernement qui dirigera la France, située au sein d’ une Europe en pleine crise et voisinant un Moyen Orient en pleine mutation. Les socialistes seraient-ils en mesure de restituer à la France son équilibre interne et un rôle plus autonome sur la scène internationale ? Les observateurs ne se lassent de spéculer …
Source: agences et rédaction