Foreign Policy : "Bahreïn, l’île-prison"
Dans un article intitulé "l'île-prison", publié par le magazine américain bimestriel Foreign Policy, Tom Malinowski a témoigné des manifestations réprimées à Bahreïn. Il a relaté son histoire durant les quelques jours qu'il a passés à Diraz en mars dernier, où il a été détenu par les autorités bahreïnies avec l'un de ses collègues et certains opposants bahreinis, lors de la répression d'une manifestation organisée par l'opposition. Plusieurs heures se sont écoulées dans l'île-prison avant que la nationalité américaine de Malinowski ne lui attenue la lourdeur de la crise.
"Nous avons regardé les jeunes de Diraz qui marchaient pacifiquement en direction de la rue principale. La police anti-émeute les attendait là-bas. Peut-être il fallait que nous nous arrêtions sur le champ, parce que la police semblait poursuivre ceux qui courent. Lors des manifestations à Bahreïn, la police lance des grenades de gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc sur la foule. L'effet de la formule magique "je suis américain" est beaucoup moins efficace que celui des armes anti-émeute", a décrit Malinowski dans le Foreign Policy.
Selon lui, Bahreïn a raté en novembre 2011 une chance en or pour mettre terme à ce genre de brutalité exercée par la police. Le roi de Bahreïn a désigné la commission d'enquête indépendante, présidée par le juriste international Charif Bassiouni, pour investiguer les violations des droits de l'homme commises lors de la répression des mouvements pro démocratique l'année dernière. Conformément aux revendications du rapport de Bassiouni, le roi a accepté d'abandonner les charges contre les leaders de l'opposition, accusés de "crimes de discours", de ramener aux emplois et aux écoles plusieurs personnes qui ont été licenciées pour avoir participé à des protestations, et a diminué la maltraitance infligée aux prisonniers.
Depuis lors, l'impulsion est dissipée. Le gouvernement et l'opposition n'ont pas repris un vrai dialogue œuvrant à appliquer "ce que les modérés dans les deux camps considèrent comme étant la seule solution viable pour la crise de Bahreïn" : une monarchie constitutionnelle, où les ministres sont choisis par un Parlement élu, et non pas désignés par le roi. "Cette solution aurait donné à la majorité chiite de la population de Bahreïn un mot à dire quant au règne dans le pays", a poursuivi Tom Malinowski.
Le gouvernement n'a pas arrêté l'abus des droits de l'homme contre les protestataires. La torture de la police a simplement changé de place, les stations de police étant remplacées par les ruelles des villages chiites. La cour a accepté de libérer certains leaders de l'opposition. Le gouvernement ne les a pas libérés jusqu'à présent, bien que les accusations qui leurs sont adressées n'aillent pas au-delà de "participations à des manifestations qui défient la monarchie". "Aujourd'hui, l'absence de l'espoir ne fait que radicaliser les deux côtés", a-t-il estimé.
L'auteur a souligné que les conservateurs au gouvernement veulent faire croire au monde que le conflit à Bahreïn est strictement sectaire, les sunnites étant d'un coté, et les chiites, manipulés par l'Iran, de l'autre côté. Cette allégation a poussé les autres monarchies sunnites à soutenir le régime bahreïni, et a augmenté la préoccupation des gouvernements occidentaux quant aux mouvements de protestation.
L'auteur termine son article en concluant que le problème de la politique américaine à l'égard de Bahreïn n'est pas la prise en compte des considérations géopolitiques. Le problème réside dans le fait que les responsables américains font des calcules incorrects pour les données géopolitiques. "Il y a un sentiment prédominent au Moyen-Orient, que les États-Unis s'aligneront toujours au camp de leurs alliées sunnites autocratiques dans le Golf Persique, contre le camp de leur adversaires, surtout chiites. Pour tout le monde, il semble que les États-Unis s'opposent au régime de Bachar El-Assad non pas pour la cause de son peuple, mais pour aider un camp au dépens de l'autre dans la guerre froide saoudo-iranienne.
source: Foreign Policy, traduit par: moqawama.org
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