Le retrait des troupes françaises du Niger: dernière phase de l’échec de Paris au Sahel
Par AlAhed avec sites web
L’été africain a été marqué, le 26 juillet 2023, par un coup d’État au Niger. Le 30 août, le scénario se répète au Gabon. Si ces putschs interviennent dans deux pays bien distincts sur plusieurs aspects, ils s’inscrivent dans une série de coups d’État militaires qui secouent l'Afrique depuis trois ans (le Mali, la Guinée et le Burkina Faso).
Ces putschs enchaînés au Sahel ont conduit à l’élimination de la présence militaire française et ont été un revers pour le président Emmanuel Macron et la cellule diplomatique de l’Élysée.
La nouvelle donne géopolitique qui se dessine en Afrique se jouerait-elle aux dépens de la France?
Mauvais calculs
À la fin de septembre dernier, et après deux mois d’une épreuve de force avec le conseil militaire putschiste à Niamey, Emmanuel Macron a rappelé l’ambassadeur de France au Niger et a annoncé le retrait d’ici à la fin de l’année du millier de soldats français présents sur place.
Depuis 2021 il n'y a plus d'ambassadeur de France à Bamako, et l’ambassadeur proposé par Paris à la junte militaire au Burkina Faso a été rejeté ; cela signifie pour le moment qu'il n'y aura plus d'ambassadeur de France à Ouagadougou.
La boucle est donc bouclée pour l’Hexagone, bousculé par le retour de «juntes militaires», le sentiment antifrançais et les conséquences de la compétition internationale sur un continent jeune, prometteur qui se distingue par ses ressources et par son importance géostratégique.
Selon une source française, la situation au Niger aurait été prévue par une instance française – l’armée de terre ou un service de sécurité. Mais l’exécutif aurait, depuis février dernier, rejeté ce scénario.
Cette erreur d’appréciation, ou ce mauvais calcul, est le produit de plusieurs facteurs: la méthode de prise de décision, la baisse du niveau d’expertise, le manque d’anticipation et de suivi, et les approches réductrices de la nouvelle réalité sociopolitique du continent noir.
Sans doute, «la guerre contre le terrorisme» menée sous l’égide de la France avec les opérations «Serval» et «Barkhane» s’est soldée par un échec au plan politique.
D’un point de vue militaire, elle s’avère inadaptée et inefficace.
En outre, après le retrait des troupes du Mali et du Burkina Faso, le choix du Niger comme QG de «Barkhane» n’a pas pris en considération la possible contagion du phénomène putschiste ni la volatilité de la situation interne.
La France n’a pas œuvré à temps pour amorcer un changement qui permette de s’adapter à une nouvelle Afrique.
Cette dernière, en effet, n’est plus seulement un espace de récolte de gains, mais plutôt un jeune continent qui aspire à occuper sa place dans un nouveau système mondial en gestation.
Le président Macron a tenté de justifier le retrait militaire par l'incitation à la haine contre la France et le ciblage dont elle a été l’objet par de nouvelles puissances coloniales, la Russie en particulier (action de Wagner).
Toutefois, les faits indiquent que la question est plus complexe et que la France n’a pas œuvré à temps pour amorcer un changement qui permette de s’adapter à une nouvelle Afrique.
Cette dernière, en effet, n’est plus seulement un espace de récolte de gains, mais plutôt un jeune continent qui aspire à occuper sa place dans le nouveau système mondial en gestation, d'autant plus qu'il est au centre d'une intense compétition internationale et régionale.
Perspectives de la politique française
Ces dernières années, le sentiment antifrançais s’est accru en Afrique.
Ainsi, outre les manœuvres de Moscou et d’autres adversaires ou concurrents, des raisons plus profondes expliquent la déception africaine face à la politique française, dans la mesure où les critiques se concentrent sur la politique d’aide et d’assistance ainsi que sur le lien entre la politique économique et la monnaie CFA.
Néanmoins, la goutte d'eau a été la manière dont a été perçue l'opération «Barkhane» contre les terroristes, qui a traîné en longueur 2014 à 2022.
En effet, il n'est pas logique qu’une telle opération dure huit ans, et tout cela a alimenté le mécontentement à l’égard de la France.
Malgré les «succès tactiques» contre le terrorisme, il y a eu une erreur stratégique dans l'approche du développement de l'opinion publique et des institutions militaires.
La présence de bases militaires françaises, incompatible avec la réalité et l’établissement d’une coopération militaire efficace, a fait l'objet de nombreuses critiques.
Pour les observateurs et les acteurs concernés, il est clair que les interventions de la France n’étaient qu’une extension de l’ère coloniale.
Malgré la différence des époques, des régimes et des contextes, l’Hexagone a continué à adopter une stratégie purement militaire pour faire face aux problèmes existant au Sahel.
Il est également apparu que c'était une erreur de se concentrer en priorité sur la lutte contre «l'insurrection» de groupes extrémistes armés sans prêter attention à d’autres facteurs sociaux, aux spécificités de chaque pays, ni à la présence de groupes séparatistes et rebelles dans les zones grises.
L’Afrique représente au plus 5% du commerce extérieur de la France, selon des chiffres de 2022.
Il n'est donc pas nécessaire d’aménager une politique si vague et si limitée.
Il semble plus judicieux de formuler et de mettre en œuvre une politique pragmatique où les intérêts économiques et politiques de la France seraient compatibles, et de ne pas s’éloigner des évolutions géoéconomiques du monde.