Haut-Karabakh: les séparatistes annoncent négocier le retrait de leurs troupes avec l’Azerbaïdjan
Par AlAhed avec AFP
Les séparatistes du Nagorny Karabakh (autre appellation de Haut-Karabakh) ont annoncé vendredi négocier avec l'Azerbaïdjan le retrait de leurs troupes de cette région en majorité peuplée d'Arméniens, confrontée à une situation d'urgence humanitaire deux jours après la conclusion d'un cessez-le-feu avec Bakou.
«Des négociations sont en cours avec la partie azerbaïdjanaise sous les auspices des soldats de maintien de la paix russes», ont fait savoir les autorités de ce territoire sécessionniste, qui ont capitulé mercredi après une offensive éclair des forces azerbaïdjanaises.
Cela doit permettre d'«organiser le processus de retrait des troupes et assurer le retour dans leurs foyers des citoyens déplacés par l'agression militaire», ont-elles poursuivi dans un communiqué.
Les parties discutent également de «la procédure d'entrée et de sortie des citoyens» de cette région, ont ajouté les séparatistes.
Ces derniers avaient entamé jeudi avec des responsables azerbaïdjanais des pourparlers sur une «réintégration» du Nagorny Karabakh au sein de l'Azerbaïdjan.
Bakou avait ensuite annoncé qu'une nouvelle réunion aurait lieu «le plus rapidement possible».
Ce territoire montagneux a déjà été le théâtre de deux guerres entre les anciennes républiques soviétiques du Caucase que sont l'Azerbaïdjan et l'Arménie: l'une de 1988 à 1994 (30 000 morts) et l'autre à l'automne 2020 (6 500 morts).
La détresse des habitants de la «capitale»
L'annonce des séparatistes survient à un moment où, affirment-ils, la «capitale» du Nagorny Karabakh, Stepanakert, est encerclée par l'armée azerbaïdjanaise.
«La situation à Stepanakert est horrible, les troupes azerbaïdjanaises sont partout autour de la ville, elles sont à la périphérie», a assuré à l'AFP une porte-parole des autorités locales, Armine Hayrapetian, ajoutant que des gens se terraient «dans les caves».
Selon un correspondant de l'AFP présent sur place, Stepanakert est privée d'électricité et de carburant.
Ses habitants, qui ne peuvent pas retrouver leurs proches disparus faute de listes des morts et des blessés, manquent par ailleurs de nourriture et de médicaments.
D'après un conseiller du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, l'Azerbaïdjan a promis au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qu'il pourrait envoyer de l'aide et prendre en charge les soldats séparatistes blessés, avec des ambulances autorisées à se rendre à partir de l'Arménie au Nagorny Karabakh.
«Des démarches sont en cours avec les forces de maintien de la paix russes pour récupérer les corps des combattants restés sur le terrain», a-t-il par ailleurs précisé.
L'opération militaire azerbaïdjanaise, qui s'est achevée en 24 heures mercredi à la mi-journée, a fait au moins 200 morts et 400 blessés, ont annoncé les séparatistes arméniens.
«Trois jours et trois nuits»
Dans le corridor de Latchine, la seule route reliant le Nagorny Karabakh à l'Arménie mais bloquée depuis plus de neuf mois par l'Azerbaïdjan, des hommes attendaient vendredi le retour de proches coincés dans cette région près d'un des derniers postes de contrôle tenus par l'armée arménienne.
«Ça fait trois jours et trois nuits que j'attends. Je dors dans la voiture», a confié à un journaliste de l'AFP Garik Zakarian, 28 ans, en quête de nouvelles de son beau-frère et de sa belle-mère, qu'il espère voir rapidement évacués.
Accusé de passivité face à l'Azerbaïdjan, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a reconnu vendredi matin au cours d'un conseil des ministres que «la situation» restait «tendue» au Nagorny Karabakh où «la crise humanitaire se poursuit».
Mais «il y a un espoir de dynamique positive», a ajouté le chef du gouvernement, pour qui le cessez-le-feu entré en vigueur mercredi entre les séparatistes arméniens et Bakou est «globalement» respecté, malgré des «violations isolées» signalées jeudi.
Vendredi matin, des personnes hostiles à M. Pachinian ont de nouveau manifesté à Erevan, la capitale de l'Arménie, pour protester contre la gestion de la crise par l'exécutif.
Plusieurs dirigeants de l'opposition ont par ailleurs fait connaître leur intention d'ouvrir au Parlement une procédure de destitution à l'encontre du chef du gouvernement.
«C'est un cauchemar»
«Les gens doivent descendre dans la rue, le Karabakh a besoin de nous», s'est exclamée auprès de l'AFP une manifestante, Lida Mkrtchyan, 43 ans. «C'est un cauchemar dont nous ne pouvons pas nous réveiller. Pourquoi n'ouvrent-ils pas un couloir pour que les gens puissent partir ?»
Selon la police arménienne, 98 manifestants ont été arrêtés.
Ces interpellations s'ajoutent à celles survenues mercredi et jeudi à la suite d'émeutes au cours desquelles des contestataires ont jeté des pierres et des bouteilles devant les bureaux de M. Pachinian.
Ce dernier a appelé au calme, tout en promettant d'agir «fermement» face aux émeutiers.
Il faut emprunter «le chemin» de la paix, même s'il n'est «pas facile», avait-il exhorté jeudi.
Le succès militaire des Azerbaïdjanais nourrit les craintes d'un départ de nombre des 120 000 habitants du Nagorny Karabakh, même si l'Arménie a promis qu'aucune évacuation de masse n'était prévue.
Elle s'est néanmoins dit prête à accueillir «40 000 familles» de réfugiés.