L’Europe suffoque sous la chaleur
Par AlAhed avec AFP
La France et l'Espagne affrontaient mercredi leur troisième vague de chaleur depuis juin, alors que la sécheresse est chaque jour plus marquée à travers l'Europe, jusqu'aux Pays-Bas qui ont décrété officiellement une «pénurie d'eau».
La France faisait face mercredi à la journée la plus chaude de son troisième épisode caniculaire enregistré depuis juin avec des températures allant jusqu'à 40°C.
«On est inquiet (de) ces répétitions rapprochées de vagues de chaleur», qui «ne permettent pas aux organismes de revenir à un fonctionnement normal», a expliqué Isabelle Bonmarin de Santé publique France (SPF).
«On s'attend à une surmortalité dès qu'on passe en canicule (...) et notamment les 75 ans et plus», a ajouté son collègue Robin Lagarrigue, indiquant qu'un «bilan sera fait en septembre».
Sécheresse des sols
Dans les centres-villes, c'est la ruée sur l'eau: «On vend 100 bouteilles par jour, contre 20 d'habitude, alors que les Lyonnais sont en vacances!», relate ainsi un employé du kiosque à journaux Le Viste, en face de la place Bellecour.
Le préfet de Haute-Corse, de son côté, a appelé mardi dans un tweet les citoyens à diminuer leur consommation d'eau car «à ce rythme (...) compte tenu des évolutions météorologiques attendues, il n'y aura plus d'eau dans 25 jours!».
Sur différents fronts de feux de forêt, en Haute-Corse comme dans les Alpes-de-Haute-Provence, la situation était stabilisée.
De même, le trafic des trains TER et TGV, interrompu mardi après-midi dans les Landes en raison d'un incendie, le feu ayant été fixé. Cette chaleur ne fait que renforcer la sécheresse.
La prolongation des périodes sans pluie menace certaines cultures et oblige à imposer des restrictions d'eau, la France étant l'un des pays européens les plus exposés aux risques de sécheresse.
«J'ai vu mes fleurs d'olives griller», déplore ainsi Jean Berneau, 64 ans, oléiculteur à Lagorce, dans le sud-ouest du pays, qui après avoir tiré deux tonnes d'huile de ses olives en 2021, ne s'attend pas à en produire plus de 400 litres cette année. «Ça risque d'être dramatique...».
Cette chaleur ne fait que renforcer la sécheresse, alors que juillet 2022 est au second rang des mois les plus secs tous mois confondus et le mois de juillet le plus sec jamais enregistré.
À Gérardmer, (Vosges), le débit des sources est tellement faible que, depuis mercredi, la commune approvisionne avec l'eau du lac son réseau d'eau public.
Résultat: l'eau sera déclarée non-potable, a priori pour 48h, le temps de réaliser des tests bactériologiques.
Ce n'est pas une première, mais cela n'est jamais arrivé «aussi tôt», s'alarme le maire Stessy Speissman.
Autre conséquence de la canicule: EDF a annoncé de possibles «restrictions» de production à sa centrale nucléaire du Tricastin(Drôme), en raison des «prévisions de température élevées sur le Rhône», dont l'eau sert à refroidir les réacteurs.
Alerte aussi sur le Rhin, où les bateaux doivent s'alléger d'un tiers en raison «des problèmes d'enfoncement», a prévenu Voies navigables de France.
Près de 600 km de canaux sont également fermés, notamment dans le Grand Est et en Bourgogne, affectant les activités de plaisance.
«Pénurie d'eau» aux Pays-Bas
La France n'est pas la seule à souffrir, c'est toute l'Europe qui est frappée.
Après une courte trêve fin juillet, l'Espagne était de nouveau en alerte mercredi avec des températures qui devraient dépasser les 40°C dans plusieurs provinces du sud, après avoir atteint 43,3°C mardi à Talavera de la Reina, dans la province centrale de Tolède.
Cette «probable troisième vague de chaleur» durera jusqu'à jeudi au moins, a indiqué à l'AFP le porte-parole de l'agence météorologique espagnole (AEMET), Ruben del Campo.
«Il ne fait aucun doute que le changement climatique est derrière» la répétition de ce phénomène, juge-t-il.
Des nuits tropicales, où les températures ne descendent pas en dessous des 20°C, sont attendues dans plusieurs zones de l'est et du sud de l'Espagne, à la faveur des températures élevées de la Méditerranée, situées entre 3 et 4°C au-dessus des normales, selon l'AEMET.
Les Pays-Bas ont également décrété mercredi une «pénurie d'eau» officielle due à la sécheresse.
«Les Pays-Bas sont une terre d'eau, mais ici aussi notre eau est précieuse», a déclaré le ministre de l'Infrastructure et de la Gestion de l'eau, Mark Harbers.
Le pays est protégé de l'eau par un célèbre système de barrages, de digues et de canaux mais avec environ un tiers de sa superficie située sous le niveau de la mer, il reste particulièrement vulnérable au changement climatique.
Au Royaume-Uni, juillet a été le plus sec depuis 1935 en Angleterre et même le plus sec jamais enregistré dans le Sud.
L'Angleterre est désormais en état de «temps sec prolongé», l'étape avant la sécheresse, ce qui implique de premières mesures de précaution.
Plusieurs compagnies de distribution d'eau ont annoncé des restrictions touchant des millions de personnes.
Du coup, la menace des feux de forêt est permanente, après les incendies dévastateurs de juillet dans le sud-ouest de la France, en Espagne, au Portugal ou en Grèce.
Un important feu de forêt a éclaté le 24 juillet dans le parc national de la Suisse de Bohême, à la frontière entre la République tchèque et l'Allemagne, où des records de chaleur ont été battus (36,4C).
Un millier d'hectares ont déjà été touchés.
Lundi, les pompiers espéraient que l'incendie pourrait être maîtrisé en quelques jours.
La Pologne, elle, enregistrait des niveaux très bas des cours d'eau.
Dans plusieurs régions, des restrictions ont été mis en place quant à l'utilisation de l'eau, notamment dans les jardins.
Sécheresse et canicule sont «la manifestation du réchauffement climatique, aujourd'hui plus personne» ne le «remet en cause», a expliqué mercredi la ministre française de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. «Le climat 2020 on peut l'oublier, et le climat 2022 est peut-être le plus frais des années à venir».