Lafarge en Syrie : décision en appel mercredi sur la «complicité de crimes contre l’humanité»
Par AlAhed avec AFP
La cour d'appel de Paris rend sa décision mercredi 18 mai sur la validité de la mise en examen pour «complicité de crimes contre l'humanité» du groupe cimentier français Lafarge pour ses activités jusqu'en 2014 en Syrie.
Dans le cadre de cette information judiciaire ouverte en juin 2017, Lafarge SA est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale Lafarge Cement Syria (LCS), près de 13 millions d'euros à des groupes terroristes, dont l'organisation terroriste «Daech», ainsi qu'à des intermédiaires, afin de maintenir l'activité d'une cimenterie en Syrie alors que le pays s'enfonçait dans la guerre. Le groupe avait investi 680 millions d'euros dans la construction de ce site, achevé en 2010. Il a toujours contesté toute responsabilité dans la destination de ces versements à des organisations terroristes.
Le groupe avait obtenu de la cour d'appel de Paris en novembre 2019 l'annulation de sa mise en examen en 2018 pour «complicité de crimes contre l'humanité». Mais en septembre 2021, la Cour de cassation, plus haute juridiction judiciaire française, avait cassé cette décision de la cour d'appel, ainsi que le maintien de la mise en examen du groupe pour «mise en danger de la vie d'autrui». Elle avait renvoyé ces deux questions devant la chambre de l'instruction, dans une composition différente. La Cour de cassation avait par ailleurs confirmé la mise en examen du cimentier pour «financement du terrorisme».
L'audience s'est tenue le 24 mars, en présence de très nombreux avocats dans ce dossier qui compte plus d'une centaine de parties civiles, parmi lesquelles de nombreux anciens salariés locaux. À l’issue de cette audience, les avocats de Lafarge n'avaient pas souhaité s'exprimer.
«En connaissance de cause» ?
Dans ses réquisitions écrites dont l'AFP a eu connaissance, le parquet général a demandé le maintien de la mise en examen pour «complicité de crimes contre l'humanité» de Lafarge : il estime que l'entreprise «a financé, via des filiales, les activités de «Daech» à hauteur de plusieurs millions de dollars, en connaissance précise des agissements». Le parquet a également requis l'annulation de la mise en examen de Lafarge pour «mise en danger de la vie d'autrui».
Si la cour suit les réquisitions du parquet général et la volonté des parties civiles, «plus rien ne s'opposera à ce que soit démontré de manière incontestable que le groupe Lafarge a en connaissance de cause financé «Daech» et le Front Al Nosra alors qu'(ils) commettaient les pires exactions», avait estimé Emmanuel Daoud, avocat de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH). Me Christophe Ingrain, avocat du cimentier avec Rémi Lorrain et Paul Mallet, n'a pas souhaité faire de commentaire avant le délibéré de mercredi. En septembre, Lafarge avait estimé que la décision en cassation «ne présumait en aucun cas de (son) éventuelle culpabilité», soulignant qu'il n'exerçait «plus aucune activité en Syrie depuis plus de six ans».