Un second mandat pour Macron, sur fond de malaise social
Par Fouad Karam
Lorsqu’il a été élu en mai 2017 président de la République française pour un premier mandat, Emmanuel Macron avait l’intention d’en briguer un second et, selon ses proches, il espérait qu’en 2022, il serait de nouveau dans la course face à Marine Le Pen, considérant que c’était là le scénario le plus favorable pour lui.
Cinq ans plus tard, Emmanuel Macron a été de nouveau élu à la Présidence de la République française, face à Marine Le Pen. Pourtant, les comparaisons s’arrêtent là. Même si en apparence, le même scénario s’est reproduit, beaucoup de choses ont changé dans la France de 2022 et celle de 2017.
En 2017, Emmanuel Macron bénéficiait de l’effet de surprise, un jeune, nouveau venu dans la politique, considéré comme proche du camp socialiste, face à Marine Le Pen, qui a hérité le Front national de son père Jean Marie. D’ailleurs, dans le débat de l’entre-deux tours, Macron avait largement pris l’avantage sur son adversaire et il avait remporté l’élection du second tour haut la main.
En 2022, la situation est différente. Le premier mandat d’Emmanuel Macron a été très mouvementé, avec des crises successives notamment celle du Covid-19 et ensuite la guerre en Ukraine qui ont provoqué une grave baisse du pouvoir d’achat des Français et augmenté les divisions sociales internes.
En plus de ces effets sociaux, la grave crise économique qui a frappé la France au cours des dernières années a aussi balayé les partis politiques traditionnels, comme les Républicains (droite centriste) et le Parti socialiste. Par contre, à mesure que les inégalités sociales augmentaient, les partis extrémistes se développaient, que ce soit à l’extrême droite ou à l’extrême gauche.
Marine Le Pen a profité de cette situation en essayant de moderniser le Front national qui est ainsi devenu Le Rassemblement National et qui s’est voulu moins radical qu’à l’époque de Jean Marie Le Pen, tout en reprenant les thèses chères à l’extrême droite, comme le retrait de la France de l’Union européenne, sous couvert de la souveraineté nationale et la lutte contre les migrants et contre l’islam. Le phénomène est d’ailleurs connu dans le monde, en période de crise, les replis identitaires et la radicalisation de la société deviennent plus accentués.
En même temps, Marine Le Pen a tiré les leçons du passé et elle a bien mené sa campagne, évitant les pièges dans lesquels elle était tombée en 2017. Dans le débat de l’entre-deux tours, version 2022, elle a su attaquer son adversaire Emmanuel Macron sur son bilan mitigé. Certes, le président était bien préparé et il a répété à plusieurs reprises «j’assume», défendant ses décisions, notamment le maintien du dialogue avec le président russe Vladimir Poutine, en dépit de la campagne menée contre ce dernier dans les médias européens.
Face au naufrage des partis traditionnels, Emmanuel Macron s’est ainsi présenté comme la seule alternative crédible face aux extrémistes de gauche comme de droite. Il a ainsi su réveiller les anciennes peurs contre l’extrême droite et en dépit des efforts de Marine Le Pen pour les dissiper à travers la modernisation du Rassemblement National, il est parvenu à mobiliser les électeurs contre elle.
On a ainsi entendu de nombreux électeurs déclarer devant les caméras de télévision qu’ils ont voté Macron, non pas par conviction, mais pour faire barrage à l’extrême droite représentée par Marine Le Pen.
Malgré ce facteur qui a joué en faveur de la réélection d’Emmanuel Macron, Marine Le Pen a amélioré considérablement son score, en faisant obtenant 8% de voix de plus qu’au second tour en 2017. Si on additionne ce score avec les presque 30% d’abstentionnistes, on comprend qu’il y a un véritable malaise au sein de la société française et qu’en réalité, Macron n’a pas été élu haut la main, avec un grand écart dans les voix.
De plus, Emmanuel Macron est l’un des rares présidents de la Vème République en France, qui n’a pas été contraint à une période de cohabitation avec un Parlement où il n’a pas la majorité et par conséquent avec un Premier ministre n’appartenant pas à son camp politique tout au long de son mandat. De 2017 à 2022, Macron a conservé la majorité parlementaire pour son groupe La République en Marche. Il a nommé tous les Premiers ministres des cinq dernières années en les choisissant parmi ses proches collaborateurs. Or, en général, la cohabitation entre un président d’un parti et un Premier ministre d’un autre affaiblit le premier et lui permet en même temps, de faire assumer la responsabilité des échecs du mandat à cette dualité. Devant les électeurs français, Macron n’a pas pu dire cela, puisqu’avec son camp, il a tenu les rênes du pouvoir pendant 5 ans. D’où sa fameuse phrase: «J’assume».
Mais cette situation fragilise sa position pour les prochaines législatives qui doivent se dérouler les 12 et 19 juin prochains. Déjà, Marine Le Pen appelle à l’unité de la droite pour mener ses élections en rangs serrés alors qu’à gauche, Le chef de la France Insoumise Jean Luc Mélenchon (qui a obtenu le plus grand nombre de voix au premier tour derrière Emmanuel Macron et Marine Le Pen) appelle aussi à resserrer les rangs pour remporter ces mêmes élections. L’objectif de cette mobilisation est de rafler la majorité parlementaire pour pouvoir obtenir ensuite le poste de Premier ministre et ne plus laisser la totalité des pouvoirs entre les mains de Macron.
La bataille législative s’annonce donc cruciale et déterminante pour le début du second mandat Macron. En attendant, le président réélu s’apprête à se rendre à Berlin pour réaffirmer la solidité des liens entre la France et l’Allemagne, dans le cadre de l’Union européenne. Ce qui laisse supposer qu’en matière de politique étrangère française, il ne devrait pas y avoir de grands changements. En tout cas, concernant le Liban, l’engagement français reste le même…